L’alliance entre tories et DUP remet en cause le fragile équilibre nord-irlandais

Et si les conservateurs replongeaient l’Irlande du Nord dans une période de troubles ? La question est clairement posée alors que Theresa May rencontre, ce mardi 13 juin, les responsables du Democratic Unionist party (DUP) en vue de formaliser un accord qui permettrait à la première ministre de se maintenir au 10 Downing Street. Les accords dit du « vendredi saint » qui ont ramené la paix civile en Irlande du Nord et celui de 2007 sur le partage des pouvoirs prévoient explicitement que le gouvernement britannique observe une stricte neutralité dans la vie politique de Belfast.

Tenir cet engagement semble assez illusoire si les Tories sont dans la main du DUP. Ce parti est présenté outre Manche comme extrémiste et ses liens avec le groupe paramilitaire protestant Ulster Resistance sont connus. Aujourd’hui encore, il est soutenu par l’Ulster Defence Association, un autre groupe paramilitaire, considéré comme responsable d’un assassinat il y a quelques semaines.

Peter Robinson, ex leader du DUP, pendant les « troubles » en Irlande du Nord

Or, le DUP est aujourd’hui le premier parti d’Irlande du Nord. A ce titre, il est sensé diriger le gouvernement régional nord-irlandais, lequel regroupe forcément les principaux partis de l’Ulster. Jusqu’aux élections de mars 2017, Arlene Foster, sa leader, en était la première ministre avec Martin McGuinness, du Sinn Féin, comme vice-premier ministre.

Or, la situation politique dans les six comtés est bloquée depuis ce scrutin à l’assemblée législatives d’Irlande du Nord, qui a vu les nationalistes du Sinn Féin, partisans du rattachement avec le République d’Irlande, revenir à un siège du DUP. Normalement, lundi 12 juin, des négociations entre le DUP, le Sinn Féin, le Social Democrat and Labour party et Unionist Ulster Party. Ces pourparlers avaient pour ambition de trouver une solution à une situation bloquée depuis la fin du mois de mars.

Les élections générales britanniques ont fini de clarifier les choses en Irlande du Nord, renforçant le bipartisme dans cette partie du Royaume-Uni. Le DUP a envoyé 10 membres du parlement à Westminster, le Sinn Féin 7 – les élus nationalistes refusent de siéger à Londres. Tous les autres partis sont éliminés dans une période politique où les républicains font entendre l’exigence d’un référendum sur la réunification des deux Irlande.

Le Brexit a joué à plein dans ce contexte puisque les électeurs nord-irlandais ont voté à 56% en faveur du maintien dans l’Union européenne. Un vote qui est, aussi, motivé par la fluidité des rapports avec la République d’Irlande, elle aussi membre de l’Union. Or, le Brexit pourrait remettre d’actualité la frontière entre les six comtés d’Ulster et l’Eire.

C’est dans ce contexte qu’intervient la proposition d’alliance entre les tories et le DUP, qui incarne l’aile la plus dure des unionistes, le courant politique favorable au rattachement à la couronne britannique. Ainsi, le DUP a mené campagne contre la ratification des accords du Vendredi saint, signés sous le mandat de Tony Blair. Conclus en 1998, ils ont mis fin à trente ans de confrontations entre unionistes protestants et nationalistes catholiques, lesquels ont occasionné 3,000 morts.

Leader du Sinn Féin, Gerry Adams a accusé le DUP de « trahir » les Irlandais du Nord.

Le texte signé à l’époque a posé les bases de la dévolution des pouvoirs à l’assemblée législative nord-irlandaise et posé les bases de la répartition des responsabilités entre les différents partis au sein du gouvernement. Le partage des pouvoirs a été finalisé dans un second accord signé en 2007. Mais, déjà, l’Accord du Vendredi saint stipule que, dans la conduite des affaires intérieures de l’Ulster, Londres doit faire preuve d’une stricte neutralité. Le rôle de la Grande-Bretagne demeure d’être un médiateur en cas de crise.

« Comment Londres peut-elle être dans la médiation si le gouvernement est tenu par le DUP, s’est inquiété Alastair Campbell, ancien conseiller de Tony Blair et, en tant que tel, un des acteurs discrets des Accords du Vendredi saint. Je suis particulièrement inquiet. Rappelons-nous que, au pire de ses moments de faiblesse, (le premier ministre conservateur d’alors) John Major a refusé toute alliance avec le DUP et pour de très bonnes raisons. »

Ce mardi 13 juin, alors que les pourparlers se poursuivent avec le DUP, sans assurance d’une conclusion dans la journée, c’est justement Jojn Major qui est sorti de son silence. L’ancien premier ministre, qui a joué un rôle non négligeable dans le rétablissement de la paix, a imploré Theresa May d’abandonner un deal avec les unionistes.

« Le processus de paix est fragile, il pourrait être remis en cause si le gouvernement britannique n’était plus impartial. Les hommes durs sont toujours là, cachés dans les recoins des communautés et qui veulent revenir à la violence. »

L’inquiétude est largement partagée en Eire. Elle a motivé une intervention du premier ministre de la république d’Irlande, Enda Kenny. Dans une conversation téléphonique avec Theresa May, dimanche, le chef du gouvernement, qui doit céder sa place cette semaine, a fait part de sa « préoccupation sur le fait que rien ne doit remettre en cause l’accord du Vendredi saint ».

Son successeur, Leo Varadkar, a averti Theresa May de « se tenir à l’écart ».

 

 

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