Brexit : ultimatum de l’Union européenne et tensions sur l’Irlande du Nord

Chacun use de ses armes dans ce qui ressemble à une escalade de la tension autour du Brexit. Vendredi 24 novembre, Theresa May, la première ministre britannique, a rencontré le président du Conseil de l’Union européenne, Donald Tusk. Ce dernier lui a imposé le 4 décembre comme date butoir pour que la Grande-Bretagne mette ses propositions sur la table, notamment pour ce qui concerne la facture du divorce, les droits des citoyens et le sujet délicat de la frontière nord-irlandaise.

Ce dernier point est tout sauf anecdotique puisqu’il a un lien direct avec les « accords du vendredi Saint », négocié en 1998 sous l’égide de Tony Blair. Ils ont mis fin aux violences dans les six comtés de l’Ulster toujours possession du Royaume-Uni. Leur application a rendu quasiment caduque la frontière qui existait entre le nord et la république d’Irlande, d’autant que les deux pays : Grande-Bretagne et Irlande appartenaient à l’Union européenne dont les statuts prévoient la libre circulation des biens et des personnes.

Premier ministre Irlandais, Leo Varadkar fait monter la pression sur la question nord-irlandaise

Or, la sortie de l’UE pourrait avoir comme conséquence le rétablissement d’une frontière en dur, sauf à ce que le Royaume-Uni demeure dans le marché commun et dans l’union douanière. L’Irlande a fait savoir qu’elle demande, a minima, la possibilité pour l’Irlande du Nord de bénéficier d’un statut dérogatoire lui permettant de rester dans le marché unique et l’union douanière. Sinon, elle opposera son veto à toute autre négociation commerciale. Cette position du premier ministre irlandais Leo Varadkar a été qualifié de « chantage » par les Brexiters. Au-delà, selon la task force de l’Union européenne, ce sont 142 domaines dans lesquels les relations entre l’Irlande du Nord et la république d’Irlande seront affectés par le Brexit.

Dimanche 26 novembre, Liam Fox, Secrétaire d’Etat au commerce international, a exclu, pour l’heure, une quelconque avancée sur l’Union douanière et le marché commun, même pour les comtés de l’Ulster. il a par ailleurs lié la question de la frontière irlandaise aux conclusions d’un accord commercial avec l’Union européenne. Et pour compliquer le tout, le DUP (Democratic Unionist party) affirment qu’ils ne toléreront pas de tentatives de garder l’Irlande du Nord dans les accords commerciaux de l’Union européenne. Or, depuis que les tories ont perdu la majorité à la Chambre des communes, le gouvernement ne tient que grâce aux dix voix des élus unionistes.

Le négociateur de l’UE hausse le ton

De leur côté, les instances européennes ont décidé de faire de la question nord-irlandaise un préalable aux négociations sur un éventuel accord, lesquelles devraient commencer lors du sommet européen des 14 et 15 décembre. C’est avec cette perspective en tête que Donald Tusk a fixé l’ultimatum du 4 à Theresa May. Outre des engagements écrits sur la frontière irlandaise, le président du conseil a exigé une clarification sur le montant que la Grande-Bretagne s’engagera à payer au moment où le Brexit deviendra effectif, c’est à dire en mars 2019.

Profitant de la faiblesse politique de leur interlocuteur à Downing Street, l’UE a haussé le ton. Un document, élaboré par le négociateur européen Michel Barnier, laisse entendre que le Royaume-Uni devrait suivre les règles de l’Union, sans participation à ses instances ni droit de vote, après la sortie effective du Royaume-Uni. Si Theresa May a donné son accord de principe pour une période transitoire de deux ans, la position de l’UE se révèle plus dure qu’annoncée et surtout plus longue.

Corbyn est ferme contre le gouvernement. En apparence.

Il n’est pas à exclure que ce document constitue un moyen de faire peser la pression sur le gouvernement britannique pour le contraindre à opérer une première concession sur la question nord-irlandaise. Au-delà de cet enjeu, c’est aussi une réponse, brutale, aux entrechats opérés par Downing Street. Si, pour Theresa May, « le Brexit est le brexit », force est de constater qu’elle ne dispose pas d’une ligne claire sur la manière d’y parvenir.

Mercredi 22 novembre, le leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, a utilisé ses six questions à la Première ministre pour le mettre en lumière. Dans sa dernière intervention un brin caustique, le chef de l’opposition a taclé :

« Dix-sept mois après le référendum, les tories affirment qu’il ne peut y avoir de frontière physique en Irlande du nord mais on ne sait pas comment ils vont y parvenir. Ce gouvernement indique qu’il protégera les droits des travailleurs mais votent contre nos propositions en ce sens (…) N’est-il pas vrai que ce gouvernement n’a aucune énergie, aucun plan qui fasse accord ni aucune stratégie afin que le Brexit soit bénéfique pour la Grande-Bretagne ? »

Cette sortie a été d’autant plus remarquée que Corbyn évite, en général, d’aborder la question du Brexit, tant il ne parvient pas, lui même, à mettre en place un compromis sur la question au sein de son propre parti. Il défend l’idée que la démocratie impose le respect du vote des Britanniques sur la sortie de l’Union européenne. Mais il reste discret, pour ne pas dire, équivoque sur la question du marché unique et de l’union douanière.

Discret uniquement dans son expression. Car, il a imposé aux membres travaillistes du parlement de ne pas voter un amendement qui inclurait cette double appartenance dans la feuille de route du gouvernement dans les négociations avec l’UE. A croire que, sur le Brexit, le dernier allié de Theresa May se nomme Jeremy Corbyn.

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