Brexit : le parlement impose ses droits et une première défaite à Theresa May

Elle était assez prévisible, finalement. Mercredi 13 décembre, la chambre des Communes a infligé une cinglante défaite à Theresa May. Par 309 voix contre 305, les parlementaires ont soutenu un amendement déposé par un élu conservateur, l’ancien Attorney général Dominic Grieve, qui donne la décision finale au Parlement sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Alors que le sommet européen, qui doit entériner l’accord conclu vendredi dernier, commence ce 14 décembre, c’est peu de dire que la première ministre arrive à Bruxelles dans une mauvaise posture.

Il aura suffi de 11 autres rebelles tory pour que le gouvernement morde la poussière. Et Dominic Grieve a poussé son avantage en annonçant que Theresa May pourrait être battue une nouvelle fois, si elle s’entêtait à vouloir inscrire dans la loi le 29 mars 2019 comme date d’échéance du Brexit. Alors que la prudence du Labour sur le sujet du Brexit, prudence considérée par d’aucuns comme une forme de non prise de position, avait laissé les coudées relativement franches à la première ministre, l’examen final du projet de loi visant à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne se révèle un vrai casse-tête.

Il met à jour les profondes divisions du parti conservateur sur le sujet de même que l’absence d’autorité de la locataire du 10 Downing Street sur ses propres troupes. Elle pensait avoir fait assez de concessions en donnant au parlement des pouvoirs étendus sur la transposition des règles de l’Union européenne en droit britannique. En revanche, elle a refusé tout assouplissement sur la place du parlement quant à la décision finale, un point pourtant très sensible en Grande-Bretagne. En privilégiant les plus durs des Brexiters de son camp, Theresa May s’est donc aliéné les élus favorables au maintien dans l’Union et, surtout, ceux qui sont le plus à cheval sur les prérogatives de la chambre des Communes.

Il n’est pas anodin que ce soit sur la place du parlement dans le rôle de décision que la première ministre a trébuché. Une part notable de la campagne en faveur du Brexit s’est joué sur ce sujet, les défenseurs de la sortie estimant que le rôle des Chambres des Communes et des Lords se trouvait minoré par la hiérarchie des normes qui donne la prééminence aux instances européennes. Le 3 novembre 2016, la Haute-Cour avait d’ailleurs rappelé, brutalement, que rien ne peut se faire sans les chambres parlementaires.

Une des élues conservatrices qui a défié Theresa May, Nicky Morgan, a d’ailleurs tranché :

« Ce soir, le parlement a pris le contrôle du Brexit. »

Au fil de la journée du 13 décembre, la tension est montée au sein de la chambre des Communes. Les whips (chargés de la discipline de vote) conservateurs se sont retrouvés en première ligne de mire. Leur chef, Julian Smith, un parlementaire relativement inexpérimenté dans le rôle, a fait l’objet d’accusations graves, dont celle d’avoir poussé une élue conservatrice aux larmes.

Le parti travailliste et les Lib-Dems ont opportunément choisi de soutenir l’amendement issu des rangs conservateurs. Jeremy Corbyn aurait personnellement téléphoné à plusieurs membres Labour du parlement, favorables au Brexit, pour les convaincre de soutenir la proposition rédigée par Dominic Grieve. Au final, seul deux élus travaillistes ont voté avec le gouvernement.

Pour autant, le vote, aussi cruel soit-il pour Theresa May, ne remet pas en cause, à l’instant, le processus de Brexit. Stephen Hammond, l’un des rebelles tory les plus en pointe (qui a été démis de son poste de vice-président du parti dans la foulée), l’a d’ailleurs rappelé :

« Rien de ce qu’il s’est passé hier ne stoppe le Brexit. Rien de ce qui s’est passé hier ne fragilise la première ministre. Ce que nous voulons, c’est un accord conclu dans les temps voulus de manière à ce que nous puissions l’examiner et qu’il soit voté par la Chambre des Communes. »

De fait, ce jeudi, la première ministre pourra exposer les vues britanniques sur le Brexit à l’issue de l’accord passé autour du montant de la facture, du statut des citoyens européens et de la frontière nord-irlandaise. Mais c’est en son absence, vendredi matin, que les 27 prendront leur décision.

Mardi, le cabinet tiendra sa première réunion de travail en vue de fixer quel accord commercial le Royaume-Uni souhaite passer avec l’Union européenne. Il devra délivrer sa feuille de route en février pour que le sommet européen de mars 2018 l’examine. Les sources européennes estiment que ces éléments auraient dû être  communiqués, il y a six mois… Les mois qui s’annoncent vont donc être extrêmement difficiles pour Theresa May.

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