Derrière Carillion, la privatisation des services publics pose questions en Grande-Bretagne

Carillion ne sonne pas le glas de Theresa May. La faillite du 2e groupe britannique du bâtiment et des travaux publics, impliqués dans des contrats de délégation de service public, a constitué le gros de l’affrontement entre Theresa May et Jeremy Corbyn à l’heure des Prime Minister’s Questions (PMQs) ce mercredi 17 janvier. Alors que le sort des 20,000 salariés employés par l’opérateur au seul Royaume-Uni semble être scellé, les raisons du crash ont donné lieu à l’affirmation de deux visions antinomiques.

De fait, la question de la sous-traitance de contrats publics à des entreprises privées a pris une importance qui dépasse, de loin, le cas de Carillion. Déjà, en 2017, Virgin Rail et Stagecoach, qui s’étaient associés pour opérer East Coast Main Line, la ligne ferroviaire entre Londres et Edinburgh, se sont retirés de la franchise, en raison des pertes significatives enregistrées. L’Etat a en repris le contrôle trois ans avant la date de fin du contrat initialement prévue. Coût : aux alentours de 3 milliards de livres, sans compter le manque à gagner que représentent les 2 milliards de livres que Virgin et StageCoach devaient encore verser au gouvernement.

Plus inquiétant encore pour l’équipe de Theresa May, l’action du groupe Interserve a plongé, ce mercredi matin de 14% selon l’édition électronique du quotidien Financial Times. Interserve opère des contrats de service public à hauteur de 7 milliards d’euros. Si la chute du titre devait se prolonger, c’est une vraie catastrophe pour les conservateurs au pouvoir. Dans ce contexte, les découvertes  concernant Carillion font presque figure de cadet des soucis pour Theresa May.

Le groupe affiche, au final, une dette de 1.29 milliards de livres, près d’un tiers de plus que ce qu’annoncé initialement. Il ne disposait plus, au jour de son effondrement, que de 29 millions de livres de trésorerie. Carillion était, par ailleurs, connu pour ses pratiques fort peu sociales. Les syndiqués y étaienit blacklistés pendant que les hauts cadres bénéficiaient de salaires extrêmement confortables.

Pas difficile pour Jeremy Corbyn de dénoncer « un racket coûteux » et « un système cassé » mis en lumière par les ruines de Carillion. Il a illustré son propos avec les 660.000 livres accordées pour un an à Richard Howson, l’ancien directeur exécutif du groupe, en plus de son bonus – après qu’il ait démissionné de son poste. Theresa May a eu beau jeu de rappeler, de son côté, qu’un tiers des contrats alloués au groupe l’ont été par le gouvernement de Tony Blair.

La première ministre a aussi expliqué que les contrats confiés au groupe dans les six derniers mois – pour un montant d’un milliard de livres -, malgré trois alertes des autorités financières, avaient pour but de maintenir l’activité de renflouer, un peu, les caisses. Corbyn a, pour sa part, accusé le gouvernement de « négligence » dans le maniement des fonds publics. Theresa May a contre-attaqué en affirmant :

« Retirer les contrats à Carillion aurait été le meilleur moyen pour que l’entreprise ferme et que les emplois soient détruits ».

Au-delà de la joute verbale entre les deux tenors de la politique britannique, les salariés de Carillion peuvent, encore, nourrir un peu d’espoir. Ceux impliqués dans les activités de secteur public devraient voir leurs salaires pris en charge par l’Etat. Selon le liquidateur judiciaire, 90% des entreprises privées qui avaient recours aux services du groupe souhaitent que les contrats soient maintenus. Cela implique qu’elles continueront à les financer assurant, donc, les salaires. En revanche, les chantiers de construction sont toujours à l’arrêt.

Côté syndicats, on ne cache pas sa colère. Après une rencontre avec le Secrétaire d’Etat à l’Economie, Greg Clark, le secrétaire général de GMB, Tim Roache, estime que l’attitude du gouvernement est « scandaleuse » :

« Ce qu’ils disent c’est que, si vous n’êtes pas repris par un autre opérateur privé, voici l’adresse du JobCentre le plus proche ».

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