Questions au premier ministre : Corbyn ramène Cameron à la réalité

La couverture du Labour party et de Jeremy Corbyn par la presse quotidienne au Royaume-Uni ne faiblit pas. Des titres comme The Times, The Independent, The Guardian ou The Financial Times connaissent une hausse sensible de leurs ventes grâce à leur couverture du phénomène politique de ces derniers mois. Ils auraient tort de s’en priver. En revanche des  titre hostiles comme The Daily Telegraph ou The Sun, qui ne cachent pas leur proximité avec les conservateurs, sont en baisse.

Cette semaine a encore permis à la presse de faire ses choux gras sur le dos du Labour à l’occasion du vote de nouvelles règles budgétaires proposées par Georges Osborne, instituant de fait une austérité permanente, interdisant tout déficit. Cette charte a provoqué des remous au sein du Labour en raison du revirement de John Mc Donnell, shadow chancelier de l’Echiquier, sur la question. Lors de la conférence du Labour, Mc Donnell voulait soutenir le principe de lutter contre les déficits. Une analyse plus profonde de la charte, des entretiens avec des économistes et la rencontre avec les licenciés du site sidérurgique de Redcar ont amené le bras droit de Jeremy Corbyn à conclure qu’il ne pouvait voter cette charte. La presse s’est réjouie de l’émergence d’une crise qui pouvait faire exploser le parti et, accessoirement, booster les ventes. La montagne de la rébellion a accouché d’une souris : mercredi 14 octobre dans la nuit, seuls 21 Membres du Parlement, sur les 232 que compte le Labour à Westminster, n’ont pas suivi la consigne de vote et se sont abstenus au lieu de voter contre. On y retrouve essentiellement des blairistes, comme Liz Kendall, candidate malheureuse au Leadership, ou Tristram Hunt.

Cameron pmqsQuelques heures plus tôt, ce mercredi 14 octobre, la séance des questions au premier Ministre ne s’est pas révélée comme une partie de plaisir pour David Cameron. Après une première séance bien maîtrisée, Jeremy Corbyn a renoué avec le crowdsourcing. Cette fois, 20,000 questions  ont été envoyées au Labour. Pour l’occasion, Jeremy Corbyn a choisi de rester sur trois domaines particuliers : le logement, les conséquences des coupes budgétaires sur la vie des salariés britanniques et le cancer du sein.

Jeremy Corbyn a démarré la séance en annonçant que plus de 3500 questions lui avaient été adressées sur le logement. Laissant entendre que cela ne semblait pas bon signe pour le nouveau parti du « travail » (comme les Tories se présentent depuis leur conférence d’automne), il a demandé si 450,000 livres était vraiment un prix abordable pour une maison, provoquant les rires des élus conservateurs. Mal leur en a pris, « cela peut sembler drôle pour certains » a calmement rétorqué Jeremy Corbyn, coupant court aux moqueries des tories qui se sont soudain souvenu que les électeurs pouvaient les regarder à la télé. David Cameron a tenté de défendre sa politique du logement en prétendant avoir construit plus de logements en 5 ans ans que le Labour n’en a bâti pendant les 13 années où il était au pouvoir, tout en promettant d’hypothétiques maison au prix de 150.000 livres. Jeremy Corbyn a coupé court et demandé au speaker s’il pouvait « ramener le premier ministre à la réalité ». Les annonces en matières de logement par Cameron sont démenties dans les faits.

Crise du logementIl est vrai que les maisons construites sous l’égide d’autorités locales de 2010 à fin 2014 se comptent à plus de 6,000 quand 3,000 ont été construites de 1997 à 2010. La plupart des nouveaux logements sociaux ne sont pas propriété des collectivités locales mais d’associations de propriétaires. Ainsi, durant les 5 dernières années 128,000 logements sociaux ont été construits alors que, durant les 13 ans du gouvernement Labour, 250,000 ont été construits.

Corbyn ne s’est pas contenté de livrer des questions du public. Les prenant pour rythmer son intervention, il a musclé son approche en politisant son propos et en se réservant une possibilité de suite. Ainsi, il a pu souligné avec fermeté que les coupes budgétaires étaient faites en faveur des plus riches et a suggérer à David Cameron qu’il serait bien avisé d’être plus attentif à la réalité vécue par les plus modestes. Il a souligné que 3 millions de familles et 500,000 enfants sont directement menacés par les coupures budgétaires annoncées. I a illustré son attaque en citant le cas d’une mère de famille célibataire avec un enfant handicapé, et dont les coupes budgétaires votées par le gouvernement conservateur signifient une perte de pouvoir d’achat de 1,800 livres.

La tactique employée produit son effet. Le premier Ministre conservateur à bien du mal à résister à l’épreuve des faits. Si bien que, sur la question du cancer du sein soulevée par Jeremy Corbyn, il n’a fait qu’approuver la question. Les associations britanniques dénoncent le fait que 5 ans après une rencontre avec Cameron, il n’y a toujours aucune idée précise sur le nombre de personnes diagnostiquées ou qui vivent avec la maladie. Ce qui évidemment complique la prise en charge des patients.

Silvère Chabot

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Bonus vidéo : The Exploited –

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