Corbyn ne s’incline pas devant une presse rageuse

Pas un jour de répit pour Corbyn. Du Sun au Daily Telegraph, la presse la plus réactionnaire poursuit avec acharnement et méthode sa campagne contre le Labour et son leader. Dernière trouvaille censée démontrer l’attitude antipatriotique du Membre du parlement pour Islington-North, le fait qu’il ne se soit pas incliné suffisamment lors des cérémonies du souvenir (en hommage aux soldats tombés pendant les deux conflits mondiaux, notamment) dimanche 8 novembre. Peu leur importe que Jeremy Corbin ait fait le choix de rester parmi les vétérans de la seconde guerre mondiale, plutôt que de se jeter sur les petits four de la fête VIP…

Tous les moyens sont bons pour ne pas évoquer l’essentiel, ou pour éviter d’évoquer les premiers succès engrangés par Corbyn face à un premier Ministre, en difficulté dans son propre camp. David Cameron est en effet en bute à une contestation interne sur le référendum pour ou contre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, mais aussi sur l’approfondissement de la politique d’austérité, elle aussi contestée par bon nombre d’élus conservateurs qui s’inquiètent des réactions locales.

Corbyn avec les vétérans de la 2e guerre mondialeLes questions au premier ministre, PMQs, se révèlent, au fil des semaines, un exercice de plus en plus mal vécu par un David Cameron qui trouve désormais ces séances « bien trop longues ». Mis en difficulté sur les suppressions d’emplois massives dans la métallurgie et sur les coupes drastiques dans les budgets sociaux, David Cameron aimerait sans doute être dispensé de l’exercice. Successivement, les mercredis 28 octobre et 4 novembre, Cameron s’est retrouvé dans les cordes, sonné par les attaques de Corbyn. La première des deux séances a vu le Premier ministre esquiver, à six reprises, la question du leader travailliste relative aux conséquences, pour les foyers les plus pauvres, des coupes dans les crédits d’impôts. Deux jours plus tôt, le projet gouvernemental avait été retoqué par la Chambre des Lords. Face aux esquives de Cameron, Corbyn a cinglé : « Ce n’est pas une crise constitutionnelle, c’est une crise pour trois millions d’habitants de ce pays ». David Cameron, pourtant roué aux joutes oratoires, en est resté sans voix.

« Get real »

La séance suivante, le 4 novembre, Jeremy Corbyn a remis le sujet des crédits d’impôt sur la table, rappelant que le Premier ministre n’avait pas réussi, la fois précédente, à lui répondre à six reprises. Le leader travailliste s’est même offert le plaisir de rappeler que les membres actifs comme retraités des forces armées, une catégorie souvent choyée par les Tories, allait être durement frappée par les coupes budgétaires. Il a ensuite questionné le Premier ministre sur la crise à venir au sein du National Health service (NHS) à l’occasion de l’hiver. A la grande surprise des observateurs, Corbyn a argumenté sa question sans citer d’exemple concret mais sur la base de chiffres. En écho, la réponse de Cameron a constitué en un empilement de statistiques sans aucune empathie auquel Corbyn a répliqué par un sec mais toujours courtois « get real » (Revenez à la réalité).

Corbyn PMQsDans ces deux séquences, les bancs conservateurs se sont distingués par le chahut permanent, qui peut devenir agaçant pour les spectateurs non initiés, et des rires moqueurs quand un Corbyn, toujours gentil et affable, nomme les personnes qui lui font parvenir des questions. Une attitude qui met en exergue, sans que Corbyn n’ait besoin de le souligner, le mépris dans lequel les MPs tories tiennent une partie des Britanniques. Le leader de l’opposition n’a eu besoin que de souligner : « Nous ne sommes pas dans l’amusement. Ce n’est pas drôle pour toutes ces personnes qui sont extrêmement inquiètes de savoir ce qui les attend en avril prochain ». La réponse pleine d’arrogance de Cameron est tombée un peu à plat. Evoquant son interlocuteur, il a tenté d’ironiser : « Son conseiller presse est un stalinien, son conseiller politique est trotskiste et son conseiller économique est communiste. S’il tente d’orienter le Labour vers la gauche, je lui donne un bon Marx ».

Pas d’effet Corbyn

Ce genre de petite phrase, destinée à la droite du Labour, laisse le citoyen lambda de marbre. Et même la presse a signalé le mauvais goût du Premier ministre, qui n’arrive pas à trouver la bonne méthode pour contrer son rival. Pour le moment, les sondages tendent à rassurer le locataire du 10 Downing Street, il n’y a pas d’effet Corbyn d’ampleur. Pour autant, le Labour n’est pas balayé dans les urnes loin de là comme en témoigne le bilan des élections partielles pour le mois d’octobre.

Andrew Fisher était le principal conseiller politique de Corbyn

Andrew Fisher était le principal conseiller politique de Corbyn

En interne au Labour, la presse peut faire ses choux gras sur les écueils que rencontre Jeremy Corbyn. Après la suspension d’Andrew Fisher, un de ses principaux conseillers (décision qui lui pendait au nez après quelques déclarations provocatrices sur Twitter), les élections au sein du Parliamentary Labour Party’s (PLP) Departmental Committee ont été l’occasion d’un nouveau revers pour le vétéran socialiste. Les résultats de ce scrutin interne sont pourtant sans surprise, tant le groupe parlementaire est dominé par l’aile droite du Labour, laquelle cherche encore le moyen de se fédérer et de contrer Corbyn, en attendant les élections locales de 2016.

En revanche, Jim Mc Mahon, le candidat désigné pour l’élection partielle de Oldham après le décès de Michael Meacher, loin de se montrer critique à l’égard de la direction du Labour, s’est déclaré en plein accord avec son leader sur l’austérité. Le fait est que Jeremy Corbyn et la direction du Labour poursuivent leur marche contre l’austérité de David Cameron, sans céder sur le fond.

Silvère Chabot

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Bonus vidéo : The Stranglers – Always The Sun

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