Union européenne : Cameron fixe ses positions pour le maintien

Ce courrier était attendu depuis des mois. Après avoir raté un sommet européen, David Cameron a fini par faire parvenir à Donald Tusk, président du Conseil européen, la liste des points qu’il souhaite pouvoir renégocier pour garantir l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne, si les électeurs en décident ainsi. Le Premier ministre britannique a donc cessé la surenchère verbale pour écrire, noir sur blanc, sa liste des courses en rappelant qu’il fera campagne en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Europe si et seulement si il obtient satisfaction sur l’ensemble. Le texte envoyé au président polonais du Conseil européen s’intitule : « Un nouveau règlement pour le Royaume-Uni au sein d’une Union européenne réformée ».

En quatre points principaux, David Cameron fixe la vision conservatrice et libérale qui l’anime sur le dossier européen. En premier lieu, il exige des protections en faveur des membres de l’Union qui ne sont pas dans l’euro-zone, de manière à ce que les membres de la zone euro ne puissent pas rédiger de nouvelles règles pour le marché unique sans l’accord des pays comme la Grande-Bretagne. Une clause devrait permettre à la Grande-Bretagne de ne pas être engagé « par le projet historique de l’Union européenne à construire une Europe toujours plus proche des peuples », soit le refus d’une Union européenne plus intégrée. Cameron souhaite par ailleurs que la « compétitivité » soit inscrite comme « l’ADN » de toutes les actions de l’Union. Enfin, il souhaite imposer la réduction « à haut niveau » de l’immigration européenne au Royaume-Uni, en contradiction avec le principe de libre circulation des individus, inscrit jusqu’à présent dans les traités européens. Le président du parlement européen, Martin Schultz, a réagi en évoquant la possibilité que cette disposition puisse « être illégale ».

Donald Tusk Letter

Outre-Manche, c’est ce point précis qui est présenté comme le plus sensible, car de nature à froisser le Polonais Donald Tusk, dont les positions sur les autres sujets sont assez proches de celles de Cameron. Mais les pays de l’Est, dont la Pologne, fournissent de gros bataillons aux migrations intra-européennes.

Président du Conseil européen, Donald Tusk (droite) juge les demandes de Cameron "problématiques".

Président du Conseil européen, Donald Tusk (droite) juge les demandes de Cameron « problématiques ».

Il a, de plus, renchéri en souhaitant que les immigrants européens puissent travailler pendant quatre ans sur le sol britannique avant de pouvoir bénéficier des allocations chômage et logement.  Cette demande est de nature à rebuter les alliés potentiels dont la Grande-Bretagne aurait bien besoin pour avancer sur les points de nature à vider l’Union européenne de son sens politique pour la cantonner à une zone de seule concurrence libre et non faussée. Mais Cameron a relevé, dans son courrier, que ce point faisait partie du manifeste tory en vue des élections générales. Dans la tradition britannique, ce genre d’engagement de campagne ne peut souffrir d’un quelconque veto. C’est pourquoi il a ajouté :

Nous voulons vraiment trouver les dispositions qui permettront à un État membre, comme le Royaume-Uni, de rétablir un sentiment de justice dans notre système d’immigration en réduisant le niveau actuel très élevé de flux de population en provenance de l’intérieur de l’UE dans le Royaume-Uni… Ceci constitue un défi partagé.

Mais c’est bien la nature de l’Union européenne comme projet politique intégré et la hiérarchie des normes qu’il suppose qui est dans le collimateur des tories. Dans un discours tenu à Chatham House et précédant la publication de la lettre officielle, le Premier ministre a ainsi indiqué qu’il allait utiliser les négociations pour prévenir l’usage par les tribunaux britanniques de la charte européenne des droits fondamentaux « comme base pour introduire des citations en justice sur une base erronée de droits humains ». En clair, la justice britannique ne devrait plus avoir la possibilité d’en référer aux textes fondateurs de l’Union européenne pour introduire des droits, notamment sociaux, dans une des législations les plus arriérées de l’Union.

Pas de second référendum

S’il devait obtenir satisfaction, et uniquement dans ce cadre, David Cameron serait tout disposé à jouer un rôle majeur dans la campagne en faveur du maintien au sein de l’Union européenne. C’est ce qu’il affirme mais ses gestes le contredisent. Depuis dimanche, alors que cette semaine sera presqu’intégralement placée sous les auspices européens, il a claironné qu’une sortie de l’Union constituerait « une menace pour la sécurité britannique » mais aussi « un affaiblissement la position du Royaume-Uni à l’échelle internationale ». Il a, par ailleurs, prévenu qu’il n’y aurait pas de second référendum, quel que soit le résultat.

David Lidington, ministre des Affaires européennesCette contradiction ainsi que le contenu des demandes officielles dévoilées par le 10 Downing Street n’ont pas calmé le camp eurosceptique, bien au contraire. Dominic Cummings, directeur de la campagne Vote leave, a réagi vertement : « David Cameron a promis une réforme fondamentale, mais ce qu’il demande est insignifiant – il a renoncé avant que les discussions n’aient commencé. Les citoyens veulent la fin de la suprématie législative de l’Union européenne et reprendre le contrôle de notre économie, de nos frontières et de notre démocratie. La seule façon pour y parvenir est de voter la sortie. Nous n’obtiendrons rien en ayant confiance en Cameron. » 

Du côté des Membres du parlement conservateurs, le compte ne semble pas plus y être. C’est le ministre pour les questions européennes, David Lidington, qui, à la chambre des Communes, a du affronter sa propre majorité lors d’un débat houleux. Le MP conservateur Jacob Rees-Mogg a ainsi évoqué « un gruau assez mince », ajoutant que les Britanniques attendaient beaucoup plus. David Nuttall, également élu tory, a estimé que la lettre de David Cameron échoue à montrer qu’il existe un plan pour reprendre le contrôle de l’immigration, de la pêche ou de l’industrie agricole. Il a tranché : « Il est clair que la renégociation n’implique pas de retour de pouvoirs »Bill Cash, un autre membre du Parlement conservateur, a mis en doute la capacité du gouvernement à obtenir quelques garanties sur des réformes sans un changement de traité.

Cameron va donc devoir se battre sur deux fronts. Et ce n’est peut être pas du côté des Européens, pourtant rétifs à ses propositions, qu’il rencontrera forcément le plus d’adversité.

Nathanaël Uhl

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