Brexit : Theresa May fixe la date et choisit la ligne dure
Le Brexit a désormais une date et même une orientation. Alors que la conférence annuelle du parti conservateur touche à sa fin, la première ministre a dévoilé son ambition sur la sortie de l’Union européenne. Theresa May a annoncé que le Royaume-Uni activera l’article 50 au plus tard fin mars 2017 et a confirmé la ligne dure. En l’occurrence, le contrôle de l’immigration, même intra-européenne, prendra le pas sur toutes les autres considérations, même le maintien dans le marché unique. Seule concession au camp du maintien, Theresa May a assuré que les règlements européens en vigueur seront intégrés dans la loi britannique au moment où le European Communities Act, qui régit les rapports entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne sera abolie.
Ce sera certainement la seule occasion pour les membres du Parlement d’évoquer le Brexit. La première ministre a confirmé que l’activation de l’article 50 du traité de Lisbonne « est l’affaire du seul gouvernement ». Il n’y aura pas de vote à la chambre des Communes sur le sujet.
« Il est hors de question de saper la démocratie ! Brexit veut dire Brexit ! », a martelé Theresa May.
Elle sait que la Chambre des Communes est – entre le Labour et les membres du parlement conservateurs europhiles – majoritairement hostile au Brexit. Elle se pose donc en bouclier destiné à défendre le choix du peuple britannique, dans son ensemble. La locataire du 10 Downing Street a ainsi envoyé un message à Nicola Sturgeon, mais aussi au Sinn Féin, en précisant :
« Nous avons voté lors du référendum dans le cadre d’un seul Royaume-Uni, nous appliquerons la décision issue du scrutin comme un seul Royaume-Uni. »
Pour éviter de froisser totalement la majorité pro-européenne qui marque la représentation parlementaire britannique, Theresa May a indiqué que les règlements européens seront traduits en textes britanniques et incorporés dans la loi. Le message a été particulièrement appuyé en direction des syndicats qui craignent que le Brexit soit l’occasion d’une nouvelle attaque sur les droits des salariés. Un texte, le Great Repeal Bill, sera présenté au parlement en 2017 aura pour objet de d’en finir avec le European Communities Act de 1972, lequel fixait la hiérarchie des normes à la mode européenne. Il en sera donc fini de la prééminence des textes européens sur la loi britannique.
Theresa May a également confirmé que le Royaume-Uni quittera la juridiction de la Cour européenne de justice. Et, entérinant une ligne dure, elle a tranché : le contrôle de l’immigration passera avant le libre-échange. L’Union européenne a en effet multiplié les mises en garde et rappelé sa ligne de conduite : la libre circulation des marchandises, donc le libre-échange au sein de l’Union, est indissociable de la libre-circulation des personnes. La position du gouvernement de Londres est donc claire : la gestion de l’immigration sera une question clé des négociations qui vont, officiellement, commencer dès mars 2017 pour un départ effectif en mars 2019. Au plus tard.
Nous avons voté pour sortir de l’Union européenne et devenir un état totalement indépendant et pleinement souverain, a martelé Theresa May devant un auditoire majoritairement acquis à sa cause. Nous ferons donc ce que font tous les états indépendants. Nous déciderons par nous-mêmes de la manière dont nous gérons l’immigration. Et nous serons libres d’adopter nos propres lois.
Le discours aux accents nationalistes a été décliné par les membres de gouvernement qui ont pris la parole devant les délégués du parti conservateur. Ainsi, la secrétaire d’Etat à l’Intérieur et proche de la première ministre, Amber Rudd, s’est engagée à agir pour éviter que « les migrants prennent les emplois que des Britanniques pourraient occuper ». Elle a également annoncé une réduction du nombre de jeunes venant étudier en Grande-Bretagne. Tant que la Grande-Bretagne est membre de l’Union européenne, ces limitations ne s’appliqueront qu’aux ressortissants extra-communautaires. Mais à compter du printemps 2019, il en ira évidemment autrement.
Enfin, la successeure de Theresa May à l’Intérieur a annoncé un fonds de 140 millions de livres destiné à soutenir les services publics « dans les aires affectées par un haut niveau de migration ». Cette proposition est une relecture d’un fonds mis en place, à l’époque, par le premier ministre travailliste Gordon Brown.
Pour que le message soit bien clair, Theresa May a averti ses interlocuteurs européens. La Grande-Bretagne n’adoptera pas une attitude « suppliante » lors des négociations. Le bras de fer ne fait donc que commencer.
Nathanaël Uhl