Le virage sur l’aile des conservateurs ouvre la voie à un consensus sur le Brexit
Il y aura bien un Brexit, mais vraisemblablement pas sur la ligne dure. En remaniant son gouvernement, Theresa May a dû concéder un assouplissement certain de sa position sur la sortie de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de revenir sur le vote majoritaire des Britanniques en juin 2016. Mais, comme nous l’annoncions dès vendredi dernier, de ne plus camper sur une ligne jusqu’au-boutiste sur la question de l’appartenance au marché unique. Elle a aussi confirmé, mardi 13 juin, que les négociations avec l’Union européenne débuteront comme prévu le 19 juin.
C’est en substance ce que Theresa May a confié à Emmanuel Macron, nouveau président de la République française, à l’occasion de leur rencontre officielle en marge du match amical de football entre les équipes nationales française et anglaise. Elle a, à cette occasion, enterré publiquement, son antienne qui était jusqu’alors « pas d’accord du tout vaut mieux qu’un mauvais accord ».
« Nous avons toujours été très clairs : nous voulons conserver une relation des plus étroites avec l’Union européenne », a affirmé Theresa May.
Une balle saisie au bond par le dirigeant français qui a réaffirmé, à l’instar d’autres dirigeants européens dont l’intraitable ministre des Finances allemand Wolfgang Schaüble, que la porte de l’Union européenne restait « ouverte » à la Grande-Bretagne.
A priori, il apparaît inconcevable de faire admettre aux Britanniques que leur vote d’il y a un an soit piétiné de cette manière. Mais c’est sur les questions migratoires que Theresa May pourrait, à terme, opérer les plus importantes concessions, en se rapprochant de la ligne travailliste.
Le Labour apparaît partagé sur la question mais une majorité semble s’y dessiner en faveur d’un maintien dans le marché unique européen, ce qui garantirait la libre circulation des marchandises et des personnes. A titre personnel, le leader du Labour Jeremy Corbyn et son bras droit John McDonnell sont plutôt opposés au maintien dans le marché unique, en raison de leur opposition à la construction libérale de l’Europe. Mais il est loin d’en être de même pour les membres travaillistes du parlement.
Et, mercredi 14 juin, une des étoiles montantes du frontbench du Labour, Rebecca Long-Bailey, considérée comme une proche du leader, a évoqué un compromis en cours de discussion :
« Le Labour pourrait soutenir la libre circulation des marchandises pour conserver l’accès au marché unique ».
Certes, le Labour est dans l’opposition et c’est le gouvernement qui mène les négociations avec Bruxelles. Mais les conservateurs ne disposent plus de la majorité absolue à la Chambre des communes, ce qui les contraint à une approche moins dogmatique. Ils sont contraints à créer du compromis sur le sujet. C’est d’ailleurs l’ancien ultra du Brexit, Michael Gove, de retour au cabinet, qui a dû annoncer la nouvelle ligne :
« Il conviendra d’avancer vers la sortie de l’Union dans le plus grand consensus possible »
Or, c’est sur la question de l’accès au marché unique que peut se construire un compromis acceptable par les grands partis siégeant à la Chambre des Communes. Concrètement, la règle de l’Union imposant libre circulation des hommes comme condition de la libre circulation des biens, Theresa May va devoir sérieusement assouplir sa position de contrôle de l’immigration, notamment intra européenne.
Ce qui est notable, c’est que, dans le fond, l’élaboration du compromis entre conservateurs et travaillistes semble se faire sans – pour ne pas dire contre – l’aval des leaders de ces deux partis.
Ces mouvements pourraient, par ailleurs, remettre en selle le parti europhobe UKIP. Ce dernier est le grand perdant de l’élection générale de juin dernier. Mais, si la ligne de Soft Brexit et de maintien dans le marché unique venait à être confirmée, il pourrait en profiter. La campagne sur le thème « on vole le Brexit au peuple » est quasiment prête et Nigel Farage fait son nième retour sur le devant de la scène. Il faut aussi se rappeler que, chaque fois que le bipartisme se renforce, le scrutin suivant voit un retour des petits partis. Dans un mouvement de balancier et de rééquilibrage permanent des pouvoirs, dont la tradition britannique est coutumière.