James Matthews, premier Britannique poursuivi pour « terrorisme » après avoir combattu Daesh les armes à la main,

ILS ONT COMBATTU DAESH et se retrouvent aujourd’hui au tribunal pour des actes en lien avec une entreprise terroriste. James Matthews a comparu le 14 février dernier devant la cour, dans le cadre d’une audience préliminaire. Il est le premier volontaire britannique revenu de Syrie où il servait au sein des forces kurdes de protection du peuple (YPG) à se voir ainsi déférer devant la justice. Auparavant, un autre volontaire de la brigade internationale pour la liberté (IFB), qui rassemble les combattants non kurdes au sein des YPG, a été relaxé des mêmes accusation.

Le jour même où James Matthews a fait face aux juges, pour la première fois, un autre combattant originaire du Royaume-Uni a été arrêté. Aidan James, âgé de 27 ans et père d’un enfant, doit répondre de trois chefs d’inculpation. Deux d’entre eux portent sur sa présence supposée dans des « lieux destinés à l’entraînement de terroristes », accusation à laquelle doit aussi faire face James Matthews. Aidan James, domicilié à Formby, sur les bords de la Mersey, est aussi accusé de « préparation d’actes terroristes ».

Le gouvernement britannique a, à plusieurs reprises, affirmé que les Britanniques impliqués dans un conflit étranger pourraient être poursuivis pour actes en relation avec une entreprise terroriste. Le Royaume-Uni a renforcé son arsenal juridique en la matière en 2006. James Matthews, originaire de Stoke-On-Trent, bénéficie du traitement initialement prévu pour les quelques 850 Britanniques supposés avoir rejoint les rangs de l’autoproclamé « état islamique ».

Aucun chiffre sérieux ne permet d’estimer le nombre de ressortissants du Royaume-Uni qui ont décidé de se battre aux côtés des Kurdes, qui assument leurs liens idéologiques avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK – communiste). Les nombreuses fois où ils se sont exprimés, ils ont fait état de « dizaines » de volontaires, reconnaissant volontiers qu’ils étaient dépassés par les Britanniques ayant rejoint le camp de Daesh. Ils sont regroupés au sein de la brigade Bob Crow, en hommage à l’ancien secrétaire général du syndicat RMT (Rail, transports terrestres et maritimes) décédé en 2014.

Personnalité controversée du syndicalisme britannique, considéré comme un champion de la classe ouvrière par ses admirateurs, accusé de prendre Londres en otage avec les grèves par ses adversaires, Bob Crow était une figure de la gauche au Royaume-Uni. Il se définissait lui même comme un « socialiste communiste » et a participé à de nombreuses tentatives d’organiser un parti à la gauche du Labour.

Les anciens camarades de Bob Crow au sein du syndicat ont salué l’engagement de Britanniques aux côtés des combattants socialistes kurdes. Premier ecrétaire général adjoint de RMT, Stev Hedley a ainsi déclaré :

« Bob aurait été honoré que des jeunes gens partent combattre les forces du mal sous son nom. Admirateur des Brigades internationales, qui se sont battues contre le fascisme, il aurait évidemment fait le parallèle avec ces nouvelles brigades internationales qui défendent les travailleurs yézidis, musulmans ou chrétiens face à ce fascisme religieux. »

Les témoignages recueillis, notamment par la BBC et Channel 4, confirment que la majorité des Britanniques qui ont rejoint les YPG sont proches de la gauche, voire de l’extrême-gauche incluant la mouvance anarchiste. Maîtrisant leur communication, la Bob Crow Brigade se rappelle régulièrement au souvenir de la presse du Royaume-Uni en affichant des slogans de soutien aux grévistes, notamment ceux du syndicat RMT. Ils ont également appelé à voter en faveur de Jeremy Corbyn, leader du Labour.

Parmi ces militants, Kimberley « Kimmie » Taylor, originaire de Blackburn, se signale comme la seule femme britannique connue comme combattante. Elle a rejoint les unités féminines des forces de protection du peuple (YPJ). Elle défend, les armes à la main, le projet socialiste et féministe prôné par les combattants kurdes. Le plus jeune en vie des membres de la Bob Crow Brigade, « Sam », a tout juste la vingtaine. Répondant aux questions de la BBC, il demande à ce que son visage soit caché : « Je ne veux pas que ma mère sache que j’ai une balle dans le bras ». Le quotidien

Mais James Matthews n’est pas forcément représentatif de cette sensibilité politique. L’ancien soldat enseignait l’anglais aux cadets de l’armée royale saoudienne avant de rejoindre les forces kurdes. « Harry » (le prénom a été changé) a, quant à lui, quitté son emploi de trader au sein de la City pour rallier les YPG « car elles constituent la dernière ligne de défense face à la pire menace à laquelle le monde ait eu à faire face ». Répondant aux questions de Channel 4, chaîne réputée pour la qualité de ses documentaires, il a précisé :

« Je suis aussi venu parce que la politique du gouvernement britannique constitue une véritable tragédie. Nous devrions faire beaucoup plus sans déployer de troupes au sol, ne serait-ce qu’avec des frappes aériennes et en soutenant politiquement les Kurdes. »

Comme d’autres Britanniques engagés devant Raqqa, l’ancien trader déplore le manque d’implication militaire de la part de son gouvernement. Il doit également regretter l’absence de réaction du cabinet devant l’intervention militaire turque à l’encontre de ses anciens camarades de combat.

Selon la presse britannique, sept membres de la Bob Crow Brigade sont décédés au combat. Le dernier en date est Jac Holmes, décédé à 24 ans en essayant de nettoyer un champ de mines. Il avait réussi à survivre aux combats intenses qui ont débouché sur la prise de Raqqa, dernier bastion de « l’état (soit disant) islamique » en Syrie. Le plus jeune, Ryan Lock de Chichester, 20 ans, s’est tué lui même pour éviter de tomber aux mains de Daesh alors que son unité était encerclée, en décembre 2016.

Le 1er mars qui vient, la cour royale d’Old Bailey ouvrira le procès de James Matthews. A travers lui, ce sont aussi Jac Holmes et Ryan Lock qui seront jugés. La magistrate en charge du dossier, Emma Arbuthnot, a reconnu que le dossier était singulier : « C’est un cas vraiment inhabituel. C’est la première affaire de ce type à laquelle la cour doit faire face, parmi de nombreux dossiers liés au terrorisme ». Les Britanniques ont, c’est connu, un goût marqué pour l’understatment.

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