Brexit : l’Union européenne hausse le ton face aux tergiversations britanniques
C’EST UN BROUILLON QUI RELEVE UN CHANGEMENT D’ATTITUDE. Ce mercredi 28 février, le point clé de l’actualité britannique s’est produit à Bruxelles. Le négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne (UE), le Français Michel Barnier, a présenté le « brouillon » qui décline la position de l’Europe des 27. L’ancien commissaire européen a déploré les « trop nombreuses divergences » qui demeurent entre l’UE et le Royaume-Uni, lesquelles mettent en péril l’idée même d’une transition à l’issue de la sortie effective de la Grande-Bretagne. Il a appelé à accélérer le processus de négociations alors qu’un nouveau round est prévu la semaine prochaine.
Le texte de 120 pages a été établi « selon les règles légales » qui régissent l’Union. Michel Barnier a, cependant, revendiqué une approche « opérationnelle » et « pragmatique« . Il a aussi indiqué que, à l’issue de l’accord conclu en décembre 2017, il « ne contient aucune surprise ». Mais le ton du représentant de l’UE n’est pas apparu spécialement conciliant. Il a d’abord indiqué que la période de transition à l’issue du Brexit – que souhaite le gouvernement conservateur britannique – n’est pas acquise.
La question du statut des ressortissants européens arrivant au Royaume-Uni pendant cette période est une des divergences majeures soulignées par Michel Barnier. Les conservateurs britanniques proposent qu’ils ne bénéficient pas des mêmes droits que ceux qui vivent déjà en Grande-Bretagne. La seconde pose la question de l’acceptation par les Britanniques des règles décidées par l’Union européenne pendant les 20 mois qui suivront le Brexit effectif. Là encore, Theresa May s’y oppose.
Dans ce contexte tendu, le document présenté par Michel Barnier agite un chiffon rouge devant le gouvernement conservateur qui a un besoin impérieux des 10 membres du parlement élus sous l’étiquette du Democratic unionist party (DUP – unionistes nord-irlandais). L’UE propose, parmi trois solutions, le maintien des six comtés de l’Ulster dans le marché unique et l’union douanière européenne mais aussi sous la juridiction de la Cour européenne de Justice. Les deux autres consistent soit en l’établissement d’un accord commercial, dont Barnier doute qu’il soit prêt pour 2019 même si cette idée a sa préférence, soit en une simplification des règles et formalités douanières entre les deux composantes de l’île d’Irlande.
Il convient de se rappeler que les Irlandais du Nord ont, majoritairement, voté en faveur du maintien dans l’Union européenne. Mais la position présentée par Michel Barnier est d’abord une concession faite au gouvernement de la République d’Irlande qui refuse catégoriquement le rétablissement d’une frontière en dur, entre son territoire et l’Irlande du nord, au point de brandir la menace d’un veto sur ce point. Or, cette perspective est bien réelle si le Royaume-Uni quitte le marché unique et l’union douanière.
Boris Johnson, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et partisan d’un Brexit dur, ne semble pas opposé au rétablissement des contrôles douaniers entre l’Irlande et l’Ulster. Dans un courrier adressé à la Première ministre, il estime en substance qu’une frontière en dur n’affecterait pas les relations commerciales entre les deux parties de l’île. La missive de Johnson relève à la fois d’un geste en direction des turbulents unionistes mais aussi d’un gage donné au camp des durs au sein du parti conservateur.
Michel Barnier s’est dit « bien informé » de la situation politique britannique, suggérant qu’il prend en compte la faiblesse du gouvernement de Theresa May sur le sujet. Il a ajouté qu’il se devait de prendre en compte les autres situations nationales au sein de l’Union européenne. « J’aborde le sujet (de l’Irlande du Nord) avec calme et pragmatisme, j’essaie de trouver des solutions », a affirmé le négociateur. Sous entendu : « Theresa May ne m’en propose aucune ».
Le représentant de Bruxelles a eu beau jeu de relever les responsabilités du gouvernement britannique dans la situation qui débouche sur le projet présenté ce mercredi. Rappelant que la Grande-Bretagne a « décidé unilatéralement » de quitter l’UE, il a précisé que c’est la Première ministre qui a activé l’article 50, déclenchant officiellement le processus de sortie, et qui a fixé la fin mars 2019 comme échéance de départ. Michel Barnier a conclu en insistant sur le fait que le document établi sous sa direction reprenait les grandes lignes de l’accord conclu en décembre dernier avec le gouvernement britannique.