Leadership du Labour : immigration, devolution et UKIP pour l’étape galloise

Les candidats au leadership du Labour Party se sont retrouvés à Cardiff devant une assistance de 600 adhérents le 5 juillet. Cette étape s’est déroulée dans un contexte nouveau pour Jeremy Corbyn : le comité exécutif du plus puissant syndicat du pays, Unite (1.42 millions d’adhérents sur un total de 6.4 millions de syndiqués), a pris la décision de soutenir sa candidature à la direction du parti. Comme de juste, ce husting a débuté par un propos liminaire de chaque candidat. Il est intéressant de suivre chacun des débats pour mesurer l’évolution, ou non, du discours des quatre prétendants en lice.

Andy Burham à la peineA Cardiff, Andy Burnham souhaite « rendre sa fierté au parti. Il est temps de cesser l’autoflagellation. Il est temps d’être fiers de ce que nous sommes et de ce que nous avons réalisé, notamment à l’occasion du 65e anniversaire du NHS (système de santé – NDLR). Le meilleur que le Pays de Galles ait donné au monde. Les sondages disent que je peux permettre au Labour de renouer le contact avec les citoyens Je nous ferais gagner la prochaine fois. »

Yvette Cooper déclare vouloir mettre fin au mythe tory : « Il n’y a pas trop d’enseignants, trop d’infirmières. Nous devons changer, pour changer le pays, créer des emplois dans la haute technologie, des emplois d’avenir. Et porter nos valeurs. Notamment l’égalité pour les femmes. »

« Une stratégie basée sur l’avidité, les inégalités et la pauvreté »

Liz Kendall, pour sa part, estime que « nous ne pouvons pas rester sur des positions familières et confortables, ou aller trop à gauche, parce que nous risquons la traversée du désert pour une décennie. Nous devons faire face à ce challenge, faire un nouveau départ. Je crois que chacun peut réaliser son potentiel, peut importe ce que faisaient vos parents, votre genre, votre sexualité, ou votre couleur de peau. C’est de cette seule manière que nous allons créer une économie plus forte et une société plus juste. »

Jeremy Corbyn s’est exprimé sur l’austérité : “La semaine prochaine il y aura une débat budgétaire. Osborne l’a déjà écit et les tories le révèlent petit à petit. La taxe sur l’héritage sera abolie pour les plus riches et les coupes sociales vont pénaliser les plus pauvres. Les dépenses en matière d’Education, de logement, et d’autres choses vont être réduites. Nous devrons descendre dans la rue quand ce budget va sortir, expliquer aux gens que c’est une stratégie basée sur l’avidité, les inégalités et la pauvreté. »

Les candidats ont été questionnés sur la Grèce : « Si vous viviez en Grèce, comment auriez vous voté lors du référendum et pourquoi ? »

Yvette Cooper en challenger sérieuseYvette Cooper : « La Grèce n’aurait pas du rejoindre la zone euro. Nous n’avons pas vu les réformes nécessaires menées là bas et l’eurozone n’a pas bougé. Cette situation a mis la Grèce dans une position où les propositions lors des négociations ne pouvaient que l’enfoncer. Mais, je pense également que le gouvernement grec a la responsabilité d’essayer d’améliorer les choses. »

Andy Burnham : « L’Europe est à la croisée des chemins. Il me semble que l’eurozone essaie d’imposer ses vues en matière d’orthodoxie économique, sans se soucier de l’avis du peuple grec. Ils essaient de dire, comme Cameron et Osborne ici, que la réduction des déficits doit provenir exclusivement des coupes budgétaires. Il est évident que c’est au peuple grec de décider comment il réduit son déficit budgétaire et l’équilibre entre les taxes et les dépenses. D’un autre côté, on peut dire à la Grèce que, partout, on met sur la table le recul de l’age de la retraite et que l’on ne peut pas faire d’exception. Je pense que les Grecs devraient voter oui. »

« Un deal qui soit supportable pour la Grèce »

Liz Kendall : « Les grecs ont énormément souffert ces dernières années. Si vous regardez le taux de chômage, en  particulier des jeunes, et quand on voit ce qui est arrivé à leurs ressources et aux services publics, je souhaite que l’eurozone trace un sillon vers un deal qui soit supportable pour la Grèce. Je pense que le gouvernement grec doit adopter une attitude plus souple. Je ne veux pas dire aux Grecs ce qu’ils devraient voter. Je pense que si j’étais moi même Grecque je souhaite rester membre de l’Europe. »

Jeremy Corbyn : « La situation en Grèce est épouvantable. 50 % des jeunes grecs n’ont pas de travail, le taux de pauvreté est incroyable, tout comme le nombre de personnes qui mendient dans la rue à Athènes. Je ne pense pas que le gouvernement grec n’ait d’autre choix que de dire non a ce qui est proposé sur la table. »

A propos du pays de Galles : Plusieurs générations d’électeurs gallois se sont succédé en soutenant le Labour. L’Irlande du Nord a été récompensée par l’accord de paix ; l’Ecosse en menaçant d’indépendance. Que donnerez-vous en récompense de la fidélité galloise au Labour ?

Andy Burnham : « Le Labour a perdu le contact avec des millions de gens à travers le Royaume Uni, en particulier dans ses bastions. Nous devons corriger cela. Quand j’étais secrétaire au Trésor, on m’avait parlé de la formule de financement appelée « The Barnett Formula », qui était particulièrement injuste pour le Pays de Galles. Ainsi lors du dernier examen des dépenses du dernier gouvernement Labour, j’ai fait de mon mieux pour obtenir un deal financier qui soit plus équitable pour le Pays de Galles. Nous avons augmenté le niveau moyen de dépenses. Mais ce n’est pas suffisant pour relever les défis d’une ère post industrielle. »

The Barnett Formula : Lord Joel Barnett, secrétaire au trésor (Labour) a établi en 1978 la formule, portant son nom, qui détermine le niveau de dépenses publiques pour l’Irlande du Nord, l’Ecosse et le Pays de Galles. Un calcul basé notamment sur le poids des populations locales par rapport à l’ensemble du Royaume Uni, qui ne tient pas compte des besoins locaux.

Liz Kendall, le trublion blairisteLiz Kendall : « Nous ne devons jamais prendre le soutien du Pays de Galles au Labour pour acquis. Nous avons vu ce que cela pouvait donner à d’autres endroits du pays. En tant que leader du Labour, je ne le ferais pas. Je souhaite gagner le pouvoir pour le rendre aux Gallois. Je pense que les décisions sont bien meilleures quand elles sont prises au plus près des citoyens, parce que vous, Gallois, vous savez mieux que quiconque quels sont vos besoins. »

Jeremy Corbyn : « En premier lieu, le Labour devrait remercier les travaillistes gallois pour avoir maintenu la foi dans les principes socialistes sur lequel ce parti à été fondé et s’être assuré qu’il n’y ait pas trop d’espace à gauche pour que quelqu’un d’autre l’occupe. C’est sur cette base que le Labour a été élu au gouvernement gallois et a mis en ouvre des changements spectaculaires. Les tories s’obstinent à attaquer le gouvernement gallois sur le NHS local. J’entends encore David Cameron sortir des statistique sur le nombre de gens de Newtown qui vont à Shrewsbury pour obtenir des rendez-vous. Ce qu’il raconte est insensé et il le sait. La réalité c’est qu’au pays de Galles vous avez aboli les frais d’ordonnance. Vous avez aboli le marché interne et vous avez plus de patients qui viennent d’Angleterre qu’ailleurs. »

« Le Labour Gallois doit avoir un rôle de chien de garde »

Yvette Cooper : « Il y a trois choses que nous devons faire. En premier lieu, faire en sorte que le Labour Gallois ait un rôle de chien de garde, en incluant le leader du Labour gallois au Comité exécutif national et dans les réunions du shadow cabinet autant qu’au gouvernement gallois. En second lieu, nous devons nous attaquer aux sujets qui frappent de plein fouet le pays de Galles. La bedroom tax par exemple, qui est profondément injuste. Enfin, il doit y avoir plus de devolution. »

Comment répondre aux questions politiques posées par le score de UKIP ?

Liz Kendall : « Ukip est désormais en position de force dans nombre d’endroits au Pays de Galles. Les gens sont en colère, se sentent délaissés et sont inquiets au sujet de l’immigration. Je pense que nous devons être ferme sur l’immigration. Si vous venez d’un pays d’Europe, vous devriez travailler et non réclamer des aides sociales. Nous devons offrir une chance aux gens et non des reproches. »

Jeremy Corbyn en outsiderJeremy Corbin : « Durant les dernières élections générales, j’étais à Thanet, où Farage essayait de se faire élire comme membre du parlement. J’y ai vu un réel désespoir parmi la classe ouvrière qui se sentait ignorée depuis longtemps par le Labour Party. Elle ne comprenait pas le message que nous leur donnions et ne nous accordait aucune confiance sur les actes. Je leur demandais derrière la haine que déverse UKIP, combien l’immigration représente de postes d’infirmières, d’emplois, de logements, d’écoles ? La réponse est rien. Nous devons convaincre les citoyens que nous pouvons et que nous allons agir pour tous. »

« Revenir à des positions claires au sein du Labour »

Yvette Cooper : « Une part de tout cela est du au rejet de la politique. Une partie des gens se sent délaissée et nous avons à démontrer que nous allons les soutenir à travers le pays avec optimisme pour l’avenir. Nous devons aussi être capables de répondre aux inquiétudes sur l’immigration. Il y a une alternative progressiste face à la situation actuelle où être immigré c’est être exploité pour favoriser la baisse des salaires et les destructions d’emplois. C’est une injustice pour tous, nous devons faire de l’exploitation un crime. »

Andy Burnham: « La meilleure manière d’en finir avec UKIP est de revenir a des positions claires au sein du Labour ; des positions que nous n’aurons pas peur d’assumer auprès des gens en faisant du porte à porte quand la question de l’immigration viendra sur le tapis. Nous devons soutenir la liberté de circulation, mais pas la liberté de réclamer des aides sociales. Nous devons réclamer des changements dans le cadre de la renégociation avec l’Europe, pour que les salariés qualifiés ne soient pas pénalisés. Nous avons besoin de financements pour soutenir les communautés affectées par les migrations, pour qu’elles aient plus d’enseignants ou de médecins. »

Comme d'habitude un auditoire attentifAu final, c’est toujours Corbyn qui l’emporte à l’applaudimètre. Le candidat de la gauche du Labour, dont les bookmakers établissent encore la cote à 16 contre 1, apparaît, de plus en plus, comme un outsider crédible. Il bénéficie à la fois de la dynamique du mouvement social britannique et d’un contexte international favorable. Il faut relever les évolutions sémantiques dans le discours de Burnham, un favori au plus mal dans la course, qui entend « revenir à des positions claires », notamment sur l’immigration. Un début d’auto-critique pour celui qui était le plus ardent défenseur de l’agenda politique mis en oeuvre par Ed Milliband.

Silvère Chabot

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Bonus vidéo : Desaparecidos – The Left Is Right

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