L’Europe, coup de chaud pour un David Cameron affaibli

David Cameron se doutait-il que, avec son engagement à tenir un référendum sur le maintien ou la sortie de la Grande-Bretagne, il allait ouvrir une telle boîte de Pandore ? Au départ, cette annonce, formulée pendant la campagne en vue des élections générales, avait surtout pour but de couper l’herbe sous le pied des europhobes de Nigel Farage, le parti UKIP. Depuis, il a transformé cette promesse en engagement, au travers de sa formulation dans le Queen’s speech, le discours d’investiture dans le système de Westminster. Cette officialisation ambitionne de permettre à Cameron et, surtout, son chancelier de l’Echiquier, George Osborne, de peser face à l’Union européenne. Mais, aujourd’hui, le cabinet conservateur est annoncé au bord de l’explosion sur cette question précise. Avec, en toile de fond, la succession de David Cameron.

Le Premier ministre, pour eurosceptique qu’il puisse être, n’a jamais voulu la sortie de l’Union européenne. Il a d’ailleurs fait savoir que son gouvernement ferait campagne pour le maintien. Son objectif est d’obtenir de l’Union européenne des réformes dans le sens de moins d’intégration politique et l’abolition de la hiérarchie des normes. Bref, il souhaite ramener l’Union européenne au stade de marché unique. En ce mois d’août, le dévoué George Osborne est parti faire la tournée des capitales, notamment dans les pays situés hors de la zone euro, afin de convaincre du bien-fondé de la position britannique. Une occasion rêvée, pour l’idéologue des tories et successeur potentiel de Cameron, de soigner sa stature internationale.

Etait-ce vraiment une bonne idée ce référendum David ?

Etait-ce vraiment une bonne idée ce référendum David ?

Cependant, les choses se sont rapidement gâtées pour David Cameron. Dès l’annonce du référendum, qui devrait se tenir avant 2017, un groupe d’une cinquantaine de Membres du parlement (MPs) conservateurs s’est constitué pour animer la campagne en faveur d’une sortie de l’Union. Et pas uniquement pour faire pièce à UKIP qui se sent le vent en poupe sur le sujet. Le parti conservateur a une vieille tradition anti-européenne. UKIP est d’ailleurs né d’une scission de la droite classique autour de la ratification, en 1992, du traité de Maastricht par le premier ministre d’alors, le tory John Major. Ce dimanche, on a appris qu’une partie du gouvernement, mais aussi des donateurs importants des Tories, souhaitent faire campagne pour le Brexit (la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne). Parmi les huit ténors conservateurs sur cette ligne figurent les très droitiers Iain Duncan-Smith, ministre du Travail et des pensions ; Michael Gove, le secrétaire à la Justice (mais aussi Tory chief whip, c’est à dire chargé de la discipline parmi les parlementaires conservateurs), ou encore Chris Grayling, leader de la chambre des Communes.

« S’il y a quelque chose à manger, on les récupérera »

D’autres pourraient se déclarer mais attendent leur tour, selon le quotidien The Mirror. Une source proche de la campagne « Non à l’UE », animée par les Tories, estime que « plusieurs ministres mais aussi des donateurs sont sur la ligne de sortie de l’Union européenne mais ils prennent leur temps en attendant de voir dans quel sens le vent va tourner. Pour le moment, on est sur 52-48 mais s’il y a quelque chose à manger, on les récupèrera », rapporte The Mirror. Pour l’heure, le Premier ministre a indiqué que le gouvernement fera campagne pour le maintien dans l’Union et que les ministres favorables à la sortie devront se taire. Mais des rumeurs insistantes font état d’une possible explosion du cabinet si Cameron tient cette ligne.

Boris Johnson est chargé de remttre le parti en ordre de marche

Boris Johnson est chargé de remttre le parti en ordre de marche

Boris Johnson, le bouillant maire de Londres et lui aussi candidat à la succession de Cameron, a pris en main les relations avec les partisans de la sortie. Il se démène depuis plusieurs semaines pour préserver l’unité des Tories. Ce qui lui ouvrirait potentiellement les portes de la direction du parti et, donc, de Downing Street. Pour maximaliser les chances, il propose même deux référendums : un auquel il faudrait répondre « non » puis un second, après avoir obtenu les concessions de Bruxelles, auquel le Britannique serait prié de dire « oui ». Un numéro d’équilibriste dans lequel Bo Jo semble exceller. Mais qui reste encore hautement improbable.

En tout état de cause, David Cameron va devoir mettre son autorité sur le parti conservateur à l’épreuve. Il devra faire rentrer dans le rang les ministres eurosceptiques et imposer aux Tories de parler d’une seule voix. Et son souci majeur, dans ce cas de figure, c’est lui-même. Le parti lui sait gré d’une victoire assez inattendue. Mais David Cameron a d’ores et déjà annoncé qu’il ne briguera pas de troisième mandat. Ce disant, il a ouvert une autre boîte de Pandore : sa propre succession. Autant dire qu’il s’est privé des derniers moyens en sa possession pour faire marcher le Conservatives party à son pas.

Angela Merkel n'a rien lâché à David Cameron

Angela Merkel n’a rien lâché à David Cameron

Le Premier ministre a peu de choses à mettre dans la balance. Sa démission étant déjà actée, ou presque, il ne peut compter que sur les éventuelles concessions de la Commission européenne. Or, il vient de se voir infliger un premier camouflet. Bruxelles a refusé sa proposition de bloquer le versement des allocations aux migrants par leurs nouveaux pays d’accueil, pour une durée de quatre ans. Pire encore, les « nonistes » conservateurs soupçonnent Cameron de chercher un coup d’éclat symbolique, plutôt que de gagner quoi que ce soit de sérieux de Bruxelles. Il pourrait annoncer la sortie de la Grande-Bretagne de la Convention européenne des droits de l’homme, bien que cela n’ait rien à voir avec la renégociation.

Bref, David Cameron est bien loin d’avoir la confiance des siens sur la question européenne.

Nathanaël Uhl

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