Crise des réfugiés : David Cameron mis en accusation devant l’opinion

« Pourquoi David Cameron est-il resté muet 24 heures après la parution de la photo d’un enfant syrien noyé qui a choqué le monde ? » A la une du tabloid de centre-gauche the Mirror, le titre entend frapper les esprits autant que ce cliché a frappé les cœurs. En Grande-Bretagne, le cliché représentant Aylan Kurdi, 3 ans, gisant sur la plage de la très prisée station balnéaire turque de Bodrum est, ce 3 septembre 2015, dans tous les médias. Les éditorialistes se partagent entre compassion, détresse et mise en accusation du gouvernement conservateur. La diffusion massive du cliché a généré la mise en ligne d’une pétition exigeant un débat parlementaire sur le droit d’asile pour les réfugiés. Le lendemain matin, elle compte déjà plus de 100,000 signatures.

Pour le Premier ministre britannique qui s’était exprimé dans les jours précédents, le Royaume-Uni « fait assez » pour les réfugiés et en accepter plus sur le sol britannique « n’est pas la bonne réponse ». Pour David Cameron, l’essentiel est d’agir pour stabiliser politiquement et aider au développement économique des pays d’où proviennent les réfugiés. De sources concordantes, sur les 205,000 candidats à l’exil recensés sur les seules côtés grecques, plus de 65 % sont originaires de Syrie, les autres se partageant entre Irak, Somalie et Erythrée, autant de pays en guerre… Depuis mars 2014, la Grande-Bretagne a accueilli 214 réfugiés syriens. Pour l’année 2015, l’Allemagne annonce qu’elle s’attend à recevoir 800,000 demandeurs d’asile.

Banderole affichée par les ultras du Celtic Glasgow

Banderole affichée par les ultras du Celtic Glasgow

Dans ces conditions, une nouvelle pétition en ligne demande que le Royaume-Uni accueille d’avantage de réfugiés. A midi, ce 3 septembre, elle a été signée par plus de 140,000 personnes. Selon la presse, les signatures grimpent à hauteur de « dix par minutes ». Contraste saisissant avec le mutisme de Cameron ces dernières heures. Interrogé par les tabloids, son service de presse ne sait pas si le Premier ministre a vu le cliché qui émeut toute la planète. Mais il est clair que le gouvernement britannique refuse, pour l’instant, d’accueillir plus de réfugiés. Assimilée par les Tories à l’immigration, la question des demandeurs d’asile est traitée sur une ligne dure. Même le très conservateur Daily Telegraph a titré ce 3 septembre : « David Cameron se place du mauvais côté de l’Histoire ».

« Refugees welcome »

La position du gouvernement évidemment fait l’objet de vives critiques de la part de la gauche. Ainsi, Diane Abbott, membre du parlement travailliste londonienne et soutien de Jeremy Corbyn, a qualifié le refus formulé par David Cameron de « honteux ». Caroline Luca, membre du parlement élue sous les couleurs du Green Party pour Brighton, a préféré publier sur twitter une photo d’elle avec la pancarte « refugees welcome » (« les réfugiés sont les bienvenus »), reprenant le slogan qui est né dans les stades de football à la reprise des championnats, notamment en Allemagne. Plus conséquente a été la charge menée mardi 1er septembre par Yvette Cooper, shadow secretary à l’Intérieur et candidate au leadership du Labour party. Elle a proposé que la Grande-Bretagne accueille 10,000 réfugiés comme élément de réponse à « une crise humanitaire d’une ampleur jamais atteinte depuis la seconde guerre mondiale ». Elle en appelle aux premiers magistrats des councils du pays pour coordonner cette réponse alternative.

Un policier avec un enfant rescapéLa position de David Cameron va devenir difficilement tenable dans un pays très marqué par les préoccupations morales. Le Parlement reprend ses travaux la semaine du 7 au 12 septembre et la séance des questions au premier ministre risque d’être agitée. Ce d’autant plus que des voix s’élèvent, y compris parmi les ténors tories, en faveur d’un assouplissement des conditions d’accueil des réfugiés. Ainsi, l’ancienne co-présidente du parti tory, la baronne Warsi, a expliqué : « Ce n’est pas parce que l’on ne peut pas tout faire que l’on ne doit pas faire plus ». Plusieurs élus conservateurs dirigeant des exécutifs locaux ont fait connaître leur volonté de participer à l’accueil de réfugiés, selon le quotidien de gauche The Guardian. De fait, il n’y a qu’auprès de UKIP, le parti anti-immigration et europhobe, que Cameron trouve du soutien. Son leader, Nigel Farage, a ainsi expliqué via twitter que l’Europe a fait une « erreur catastrophique » en autorisant la liberté de mouvement, avant d’ajouter : « Tous les réfugiés ne viennent pas de Syrie (…) nous devons nous assurer que, parmi eux, ne se trouvent pas des membres de l’Etat islamique ou d’autres groupes jihadistes ».

Mais UKIP ne siégeant pas au Parlement britannique, ce soutien sera de peu d’aide à David Cameron. Lequel, décidément, passe une très sale rentrée.

Nathanaël Uhl

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