Green Party : la succession tranquille ?
Quand tout se passe bien dans un parti, c’est encore plus compliqué de faire parler de soi. C’est l’expérience que font les Green en ce moment. Le remplacement de Natalie Bennett à la tête du parti se mène via une course au leadership sans drame ni passion. A peine quelques tensions politiques. Cette situation permet aussi aux Green de s’exprimer posément sur les sujets politiques du moment. En espérant trouver un peu d’écho. Il faut bien avouer que les écologistes britanniques suscitent moins d’intérêt dans la presse que la guerre de succession au parti conservateur ou le risque d’explosion du parti travailliste.
Le processus pour l’élection des nouveaux responsables du parti est sur les rails depuis l’annonce le 15 mai 2016 par Natalie Bennett de sa volonté de pas poursuivre l’expérience à la tête du parti. Les écologistes d’Angleterre et du Pays-de-Galles sont donc en campagne interne. Le vote des adhérents a lieu du 25 juillet au 25 août. Les résultats seront annoncés le 2 septembre lors de la conférence d’automne du parti à Birmingham. Les dirigeants écologistes seront élus pour deux ans.
Jonathan Bartley et Caroline Lucas, la seule membre du parlement Green, font figure de grands favoris. Ils présentent une candidature commune pour diriger le parti. Une manière d’amadouer les sceptiques au sein du mouvement qui imaginent mal qu’on puisse cumuler un mandat à Westminster et la direction des Green. Le duo s’oppose à une brochette d’autres candidats : Clive Lord, 80 ans, membre fondateur du parti ; le réalisateur de documentaires David Malone ; les élus locaux Marto Warin et David Williams (élu local et dirigeant du parti dans l’Oxfordshire) ; Kat Boettge ; Alan Borgars ; Andrew Cooper ; Störm Poorun et Daniella Radic… N’allez pourtant pas imaginer que la campagne soit idyllique. Même chez les Green, on trouve des tacles à hauteur de la gorge. Ainsi, le Deputy Leader et porte-parole Shahrar Ali a qualifié les candidatures trop « mâles, blanches et dépassées » pour être vraiment représentatives du mouvement. Des militants font d’ailleurs campagne pour une nouvelle sélection de candidatures.
Dans le cadre de la campagne interne et dans la foulée du référendum, les Green ont annoncé 2,500 nouvelles adhésions (le mouvement se situe entre 60,000 et 65,000 adhérents).
Le parti qui était unanime pour défendre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, cherche aujourd’hui toutes les possibilités de contrer le résultat du référendum du 23 juin, qu’il analyse comme « un vote de colère des Britanniques ». L’enjeu pour les écolos consiste surtout à sanctuariser les avancées en termes de protection de l’environnement et de droits sociaux obtenues grâce à l’Europe et sur lesquelles ils craignent que le Brexit soit l’occasion de retour en arrière.
Autre cheval de bataille, l’instauration de la proportionnelle aux élections générales en Grande-Bretagne. Et pour cause : le parti, malgré un nombre de suffrages en progrès (1 million de voix lors du dernier scrutin le 5 mai 2015), n’est représenté que par une seule élue au parlement, Caroline Lucas. En comparaison, lors des élections européennes qui se déroulent à la proportionnelle, les écologistes ont obtenu trois membres du parlement européen. Malgré la perte de trois conseillers lors des dernières élections locales, les Green comptent 177 élus. Ils ont progressé à Londres (passant de 4 à près de 6% des suffrages) dans l’ombre de la très médiatique victoire du candidat du Labour Sadiq Khan. Le parti écossais, sur une ligne très à gauche et favorable à l’indépendance, enregistre un progrès de 4 sièges, pour un score de 4.7%. En revanche, au Pays-de-Galles le parti n’obtient que 3% des suffrages et n’a aucun représentant à l’Assemblée nationale du Pays-de-Galles.
Les Green revendiquent la représentation proportionnelle et l’assortissent d’une proposition d’alliance progressiste. Déjà en réflexion avec les nationalistes de gauche de Plaid Cymru et du SNP, le périmètre de cette « alliance des progressistes » pourrait s’élargir aux travaillistes et aux Lib-Dem. Ils ont d’ailleurs adressé un courrier aux leaders des quatre partis pour en présenter les lignes forces. La lettre, qui intervient juste après les résultats du référendum sur l’Union européenne, précise :
“Il y a un besoin urgent de s’opposer à l’austérité et à la réduction des législations sur l’environnement mais aussi sur les droits sociaux et humains, qui pourraient suivre le Brexit (…) Avec la perspective d’une élection générale anticipée, il est urgent que les partis progressistes travaillent ensemble pour prévenir la formation d’un gouvernement Conservateur incluant UKIP et le DUP (droite unioniste d’Irlande du Nord) qui chercherait à mettre en oeuvre un scénario de sortie d’ultra-droite ».
Les partis sollicités n’ont pas réagi officiellement à cette proposition. Pour autant, elle fait son chemin. Lors d’un meeting organisé par le think tank de gauche Compass, le Shadow Secretary à la défense (travailliste), Clive Lewis ; Caroline Lucas ; Tommy Sheppard du SNP et Vince Cable pour le parti Libéral-Démocrate ont partagé la tribune. L’envie de travailler ensemble, existe, le souhait de réformer le mode de scrutin aussi. Mais il reste de nombreux obstacles à franchir pour aboutir. Notamment, parce que le Labour n’a toujours pas renoncé à sa tentation hégémonique à gauche.
Silvère Chabot