Theresa May confrontée à des démissions en cascade
Le navire craque de toutes parts, et l’on se demande encore combien de temps Theresa May peut elle tenir au 10 Downing Street. Possiblement, jusqu’à la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Donc en mars prochain. En dépit de son absence de leadership, de son incapacité à diriger le pays, passant le plus clair de son temps à surnager au milieu des querelles des tendances du parti conservateur, tout en étant prise en otage depuis plus d’un an par le réactionnaire DUP Nord Irlandais, elle semblait encore insubmersible dimanche 8 juillet au soir. Mais la démission de Boris Johnson, ce lundi 9 après-midi, relance tous les possibles. Il est le troisième ministre à quitter le gouvernement après le secrétaire d’Etat au Brexit, David Davis, et son bras droit Steve Baker.
Jusqu’à ce matin, Theresa May gardait encore son utilité pour bon nombre de ténors du parti conservateurs, incapables de se mettre d’accord sur le nom d’un successeur. Cet impossible compromis lui permet de garder le siège de premier ministre depuis le fiasco des élections générales anticipées. Les barons tory l’avaient, de fait, chargée de faire le sale boulot des négociations du Brexit. C’est précisément sa position sur la sortie qui semble accélérer la crise. Sa position, qui ne ferme pas la porte à une union douanière avec l’Europe des 27, a fini de cristalliser les rancoeurs de ses nombreux opposants.
Quand bien même elle est parvenue, à l’arrachée, à obtenir une majorité au parlement sur sa feuille de route pour la sortie, elle a été aussitôt désavouée. Et, pour Theresa May, le plus dur reste à venir. Elle devra en effet, à l’issue des négociations avec Bruxelles, obtenir l’aval des parlementaires. Vus les nuages qui s’amoncellent, il n’est pas certain qu’elle y parvienne. Il n’est même plus sur qu’elle voit ce jour depuis Downing Street.
Le parti avant le pays
Symbole de sa déconnexion avec le pays, alors que vendredi le patron d’Airbus (14.000 emplois directs et 100.000 à travers le pays) et l’industrie automobile menacent de prendre des décisions radicales, impliquant leurs départ du pays, elle tergiverse le week-end entier à Ellesborough, la résidence de villégiature du Premier ministre du Royaume-Uni, pour raccommoder les différentes factions du parti, avec le succès que l’on connait.
Dès ce lundi, la crise politique rebondit avec la démission du ministre chargé du Brexit, Davis, ainsi que de son sous-ministre Steve Baker. Brexiter dur, Davis est remplacé par le transparent ministre du logement Dominic Raab (dont les survivants de la tour Grenfell ont bien noté son absence lors de rencontre entre les familles et le gouvernement). Les équilibres internes n’ont pas bougé, Raab est de ceux qui ont mené la campagne pour la sortie.
Dans son édito du jour, l’ancien chancelier Georges Osborne souligne la faiblesse de Theresa May :
« Le fait que le nouveau secrétaire chargé du Brexit, Dominic Raab, est un ministre qu’elle a viré en 2016 et qu’elle a du reprendre puis promouvoir montre à qu’elle point le premier ministre est faible ».
En revanche, les tenants du Brexit le plus dur côté conservateur ne décolèrent pas contre ce qu’ils qualifient de Brexit mou négocié aux Chequers par Theresa May. Et ils agitent la menace d’une nouvelle élection à la tête du parti. Le départ de Davis puis de Johnson met les autres ministres partisans du Brexit sous pression, en particulier Michael Gove.
Jacob Rees-Mogg, souvent présenté comme possible successeur est de ceux qui préfèrent voir Theresa May boire la coupe jusqu’à la lie. Il a ainsi déclaré qu’une nouvelle élection à la tête du parti conservateur n’était pas urgente. Il n’en demeure pas moins que la rencontre entre Theresa May et son groupe parlementaire lundi soir s’annonce orageux.
Cette crise met en lumière une fois encore, qu’en dépit de la faiblesse politique de Theresa May, les Brexiters n’ont pas de solution alternative.
Le Labour, quant à lui, compte les points et conseille amicalement Theresa May de sortir de ce chaos. En démissionnant.