Revanchard, Boris Johnson prend la tête d’un gouvernement ultra-libéral et utra-brexiter

« LE DERNIER PREMIER MINISTRE DU ROYAUME-UNI. » C’est ainsi que le leader des membres SNP (Scottish National Party, le parti nationaliste écossais) du parlement a qualifié Boris Johnson, le nouveau chef du gouvernement britannique. Elu par deux tiers des 160,000 adhérents du parti conservateur lundi 22 juillet, l’ancien maire de Londres succède à Theresa May, poussée à la démission. Le nouveau locataire du 10 Downing Street a saqué la moitié du cabinet de son prédécesseur pour former une équipe de Brexiters hard avec laquelle il entend bien mener la sortie de l’Union européenne, y compris sans accord.

Ce jeudi 25 juillet, il a pris la parole devant la Chambre des Communes pour présenter sa feuille de route, très marquée à droite. L’ancien maire de Londres, dont l’élection a été salué par le président des Etats-Unis d’Amérique Donald Trump, a évidemment concentré son propos sur le Brexit qui doit être effectif, selon lui, au 31 octobre 2019. Il a clairement haussé le ton face à l’Union européenne en affirmant son refus ferme et définitif du « filet de sécurité » sensé prévenir le rétablissement d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord, partie intégrante du Royaume-Uni, et la République d’Irlande. Ce sujet est considéré, par les Européens, comme non négociable. Mais soucieux de faire peser sur Bruxelles l’entière responsabilité d’une sortie sans accord, il s’est dit favorable au maintien sur le territoire britannique des trois millions de citoyens européens qui y résident actuellement.

Devant des membres du parlement nerveux et une opposition remontée, Boris Johnson a annoncé que le chancelier du Lancashire, ministre sans portefeuille, Michael Gove, est chargé de préparer le pays à une sortie de l’Union européenne sans accord. Condamnant le « pessimisme » de ses opposants, le nouveau Premier ministre a claironné que son ambition, pour 2050, est de faire de la Grande-Bretagne « la plus grande et plus prospère des économies en Europe, en la plaçant au coeur d’un nouveau réseau d’accords commerciaux« .

Cette ligne dure est celle sur laquelle Johnson a mené campagne en interne depuis son départ du gouvernement en juillet 2018. Son intransigeance sur la question de la frontière nord-irlandaise vise à assurer l’alliance avec les unionistes du DUP (Democratic Unionist Party) dont les 10 élus lui sont indispensables pour assurer une courte majorité de 4 voix à la Chambre des Communes. Par la voix de leur leader, Arlene Foster, les Nord-Irlandais ont fait savoir qu’ils entendent que le chef du gouvernement « renouvelle » l’accord passé par Theresa May, y compris une rallonge budgétaire de 1.5 milliards de livres…

Pour sécuriser sa majorité, « BoJo », comme le surnomment les adhérents du parti conservateur, a nommé l’ultra Brexiter Jacob Rees-Mogg leader de la Chambre des Communes, l’équivalent du ministre français des relations avec le parlement. Charge au président du très europhobe European Research Group, artisan clé de la chute de Theresa May, de tâcher de contrecarrer le très indépendant speaker (président de la Chambre) John Bercow. Rees-Mogg sera aussi, de facto, le vrai Chief Whip tory, chargé de la discipline de vote parmi les élus conservateurs. Ce sera là un rôle clé pour Johnson s’il veut éviter une nouvelle élection anticipée avant la sortie du Brexit. Si Rees-Mogg réussit, tous les espoirs lui sont permis mais les risques d’échec sont élevés et il pourrait ne pas s’en remettre.

Dans ce cabinet, très marqué à droite, Sajid Javid, un hard brexiter ultra-libéral, prend la tête de la Chancellerie de l’Echiquier, soit le poste de ministre des Finances. Partisane de la peine de mort et réputée pour son homophobie, Priti Patel rentre au Home Office, le ministère de l’Intérieur. Autre brexiter de choc, Dominic Raab prend en charge les affaires étrangères et le poste de Premier secrétaire d’Etat, devenant le numéro deux du cabinet. Un signal fort puisque Raab s’est déclaré partisan de la suspension du Parlement pour éviter que les élus des deux chambres s’opposent à une sortie sans accord.

L’opposition parlementaire semble être peu préparée à affronter ce gouvernement de combat. Répondant à Boris Johnson ce jeudi, le leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, a évité de parler d’un second référendum sur le Brexit alors que le Labour a décidé, très récemment, d’en faire une de ses revendications, notamment dans la perspective de l’arrivée au pouvoir de Johnson… Corbyn a, en revanche, affirmé que « pas d’accord » rime avec « pas d’acier » et « pas de voitures« , alors que la sidérurgie britannique est déjà portée disparue. Une nouvelle fois, le membre du parlement pour Islington-North semble avoir oublié de travailler ses dossiers.

La seule attaque articulée a donc été menée par le SNP qui a affirmé : « Le nouveau premier ministre du Royaume-Uni n’a pas de mandat (…) mais le gouvernement écossais (dirigé par le SNP), lui, en a un« . L’arrivée de Boris Johnson à Downing Street a relancé la perspective d’un deuxième référendum… sur l’indépendance de l’Ecosse. Or, il faudra l’accord de la Chambre des Communes pour qu’il se tienne avec une valeur légale. Et le nouveau chef du gouvernement britannique ne semble pas prêt de jouer le jeu. Il a cité les propos de son lointain prédécesseur, David Cameron, qui a affirmé que la consultation de 2014 avait clos le débat sur l’indépendance « pour une génération« . Ce sera sûrement la seule fois où Johnson se référera à son ancien rival.

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