Les élections européennes achèvent Theresa May

Deux jours de plus que Gordon Brown

« Je vais bientôt quitter une fonction qui a constitué l’honneur de mon existence. J’ai été la deuxième femme Premier ministre, mais certainement pas la dernière. »

C’est par ces mots que Theresa May a conclu la déclaration par laquelle elle a annoncé une démission attendue depuis bien longtemps et qui était inéluctable. Elle a néanmoins indiqué qu’elle conservera son mandat de Membre du Parlement.

Les défaites humiliantes au Parlement, où elle n’a jamais pu imposer son projet d’accord de sortie du Royaume-Uni de l’Union Européennes, l’avaient fragilisée, au point de déclencher une révolte parmi l’aile dure des conservateurs. Le résultat dévastateur des dernières élections locales laissaient dubitatifs quant à sa capacité à se maintenir au poste. Ironie cruelle en plein Brexit, ce sont finalement des élections européennes organisées à la va vite qui ont précipité sa chute.

Le scrutin a été un couperet fatal. Les résultats définitifs ne seront pas publiés avant dimanche mais nul doute que tous les états-majors politiques en disposent. Le Brexit party de Nigel Farage a proposé un défouloir dans lequel l’électorat conservateur s’est précipité accordant, selon la plupart des sondages, près de 30 % des voix à la nouvelle formation. Les partisans du maintien ont, de leur côté, accordé leurs voix aux Libéraux-Démocrates et, dans une moindre mesure, au Labour. Les deux partis sont positionnés entre 10 à 15 points derrière les Brexiters. Les conservateurs oscillent entre 10 et 13 % des voix, talonnés par les écologistes.

Le score catastrophique de la liste conservatrice a sonné le glas pour Theresa May, qui incarne l’incapacité du gouvernement à mettre en oeuvre la sortie de l’Union européenne. Elle restera sans doute la Première ministre la plus méprisée de l’histoire contemporaine du pays. Sa raideur et son intransigeance l’auront amenée dans une voie sans issue. Et surtout, après avoir martelé pendant trois ans que se son seul objectif était de mener le Brexit à son terme, sa mission s’avère être un échec cuisant.

Sur la plupart des autres sujets, le bilan de Theresa May ne résiste pas à la critique. La criminalité, thème favori des tories, s’avère en hausse alors que le nombre de postes de policiers supprimés par les conservateurs en quelques années avoisine les 20.000. La faiblesse du financement du système de santé fait vaciller le National Health Service. Alors que les statistiques révèlent plusieurs milliers de suicides ou de décès à la suite de privations d’allocations, son gouvernement a multiplié les sanctions contre les privés d’emploi. Précarité et pauvreté ont explosé,  accroissant le recours aux banques alimentaires… Deux ans après la tragédie de Grenfell, le gouvernement n’a pas agi pour empêcher qu’un tel drame se reproduise.

Le 1922-Comittee, le groupe parlementaire conservateur, va donc organiser la succession. Le 7 juin, Theresa May aura effectivement démissionné de son poste et elle va gérer les affaires courantes en attendant de savoir qui prendra sa place. Dès le lundi 10 juin, la course au leadership va reprendre chez les conservateurs dans une ambiance surréaliste qui va durer tout l’été. Elle devrait une fois de plus confirmer les propos de l’ancien leader conservateur William Hague qui définissait le parti Tory comme « une monarchie absolue modérée par le régicide« .

Eternel favori de la base et des sondages, Boris Johnson n’a pas tardé à sortir du bois. Après avoir tout juste salué Theresa May, il a promis de rassembler pour mener le Brexit à bien, avec ou sans accord « d’ici novembre ». Une sortie qui sera sous le seul angle des tories, l’ex maire de Londres ayant fustigé à plusieurs reprises toute négociation avec les travaillistes sur cette question, sans oublier qu’il a toujours caressé dans le sens du poil les unionistes nord irlandais. Quant à sa capacité de rassemblement, elle suscite quelques doute, bon nombre d’élus tories vont sans doute menacer de claquer la porte, en dépit du fait que les militants apprécient la démagogie sans limites de Johnson. Mais les favoris sont rarement les couronnés.

Pas de trêve non plus pour Jeremy Hunt. Celui qui a battu le record de longévité au ministère de la santé (et sans doute celui de l’impopularité auprès des personnels du NHS) s’est lui aussi porté candidat à la succession. Plus surprenant, Sir Graham Brady a démissionné de son poste de président du 1922 Committee, une décision qui laisse augurer qu’il se verrait bien postuler. Dominic Raab, ex ministre des affaires étrangères et ancien ministre du Brexit, soutenu par David Davis, ne cache pas  non plus ses ambitions, au même titre que le ministre de l’intérieur Sajid Javid.

Du côté de l’aile dure des Brexiters, la candidature de Boris Johnson plait beaucoup, mais il pourrait affronter Steve Baker, vice-président du puissant European Research Group de Jacob Rees-Mogg. La ministre de la défense et pasionaria du Brexit Penny Mordaunt pourrait aussi se porter candidate.

Michael Gove a déja fait savoir publiquement qu’il pourrait être candidat. Mais pour le moment il ne semble pas vouloir se précipiter. Il doit probablement vérifier la solidité et l’ampleur de ses soutiens. S’il se décidait à partir au combat, il devra faire face à un duel sans pitié avec Boris Johnson qu’il a trahi en 2016.

Andrea Leadsom, qui a lâché Theresa May dans la soirée de jeudi, et qui fut candidate en 2016, pourrait retenter sa chance.

Matt Hancock, ministre de la santé, se pose en outsider, au même titre que Rory Stewart, ministre au développement international. Esther McVey, ex ministre de travail,  a travaillé sa popularité auprès de la base conservatrice en se déclarant favorable à un brexit dur et à la suppression des aides internationales pour mieux financer la police. Liz Truss, ministre du trésor, fait tout pour se faire remarquer tandis que la fidèle de Theresa May Amber Rudd ferme la marche des prétendantes.

Mais tous ces candidats ne règlent pas la question de fond du Brexit au delà de postures. Ainsi, l’Union Européenne a annoncé que le changement de premier ministre ne modifie ni la donne, ni le calendrier. Si Boris Johnson annonce que ce sera la sortie avec ou sans accord et sans délai supplémentaire, au-delà du 31 octobre 2019, cela na va pas apaiser les tensions, loin de là. Les partisans du maintien dans l’Union européenne sont certes minoritaires au sein du parti conservateur mais ils peuvent empêcher la création d’une majorité.

Du côté du Labour, Jeremy Corbyn estime que Theresa May a pris la bonne décision, mais qu’il ne s’agit pas de savoir quel conser vateur va s’asseoir à la place de May. Il est temps selon lui de trancher dans les urnes l’orientation du Brexit via des élections générales. Il a également souligné, sans surprise, qu’il ne se reconnaissait pas dans le bilan de la politique que Theresa May a mené depuis 2016.

Les Libéraux-Démocrates ont choisi… de se tirer une balle dans le pied. Alors que le leadership conservateur va attirer toute l’attention médiatique, et politique, Sir Vince Cable, leader démissionnaire du parti centriste, a annoncé qu’il lance le processus visant à le remplacer. Ce, le jour même où Theresa May a confirmé sa démission prochaine. Autant dire tout de suite que les Lib-Dems ont décidé de disparaître des radars.

Reste enfin la question clé de l’Irlande. Dans un climat marqué par un regain de violence, les pourparlers en vue de dénouer la crise institutionnelle à l’Assemblée législative nord-irlandaise avaient repris. La démission de Theresa May, qui avait fait le choix d’une alliance avec le Democratic Unionist Party, remet tous les compteurs à zéro. Le gouvernement de Londres ne peut prendre aucune décision tant qu’un nouveau Premier ministre n’est pas nommé. Présidente du Sinn Féin, le parti indépendantiste, Mary Lou McDonald a prévenu : « Le Chaos à Westminster ne doit pas nous distraire de la vraie menace que le Brexit fait peser sur l’Irlande. Il ne doit pas non plus faire dérailler les discussions en cours en Irlande du Nord. »

 

Leadership conservateur 

Les candidats déclarés à la candidature

Boris Johnson

Esther McVey

Rory Stewart

Jeremy Hunt

Matt Hancock

 

Les candidats potentiels, pressentis ou refusant d’écarter la possibilité de l’être

Andrea Leadsom

Amber Rudd

Michael Gove

Dominic Raab

James Cleverly

Kit Malthouse

Sajid Javid

Penny Mordaunt

Liz Truss

Mark Harper

David Gauke

James Brokenshire

Steve Baker

Graham Brady

Johnny Mercer

Justine Greening

Tom Tugendhat

 

Ils et elles ont écarté la possibilité d’être candidats

David Lidington

Jacob Rees-Mogg

Tobias Ellwood

David Davis

Victoria Atkins

Ken Clarke

Dominic Grieve

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