Brexit : Theresa May enregistre la pire défaite qu’a connue un premier ministre

LA SEULE INCONNUE ETAIT L’AMPLEUR DE LA DEFAITE. A l’issue des dernières prises de parole dans l’enceinte de la Chambre des Communes, le projet de loi portant retrait de l’Union européenne porté par le gouvernement de Theresa May a été sèchement battu ce mardi 15 janvier 2019. La première ministre dispose désormais de trois jours ouvrés pour présenter un nouveau texte à la représentation parlementaire britannique. Mais, battue par 230 voix de majorité (202 voix pour son accord, 432 contre), Theresa May enregistre la pire humiliation qu’a connue un chef de gouvernement du Royaume-Uni depuis les années 1920.

Sa dernière intervention l’a vue dramatiser le scrutin, martelant que « l’Union européenne ne rouvrira pas les négociations« , contrairement à ce que le leader travailliste Jeremy Corbyn avait exigé quelques minutes plus tôt. Malgré quelques soutiens de dernière minute, venus du camp des Brexiters, le gouvernement n’aura pas su convaincre sur le fond. Les plus durs des « sortistes » continuent à marteler « aucun accord vaut mieux qu’un mauvais accord » et les partisans du maintien au sein de l’Union européenne n’ont pas voulu sauver le soldat May. Au total, 118 parlementaires conservateurs ont voté contre le texte présenté par leur leader.

Mercredi 16 janvier, les membres du parlement pourront débattre et voter la motion de défiance contre le gouvernement déposée à l’issue du scrutin sur le Brexit par les leaders travailliste, libéral-démocrate et du SNP avec le soutien des Greens. Mais elle ne devrait pas passer. Les Nord-Irlandais du Democratic Unionist Party ont déjà annoncé qu’ils voteront contre et il est probable que les tories se ressoudent plutôt que de courir le risque d’une élection générale anticipée. En l’occurrence, si la motion de défiance est bien battue, Theresa May s’offre une année pleine de répit, tout comme elle l’a déjà obtenue en interne.

En effet, confirmée dans son rôle de leader avant les vacances de Noël, Theresa May ne devrait pas démissionner. Elle devrait, en revanche, se raccrocher à la planche de salut que lui ont tendue le Labour et le SNP quand ils ont demandé l’extension de l’article 50, c’est à dire un report de la sortie prévue, initialement, le 29 mars 2019. Jeremy Corbyn a souhaité que l’Union reprenne les négociations en cas de défaite de la cheffe de gouvernement. Mais cela n’arrivera pas, ou de manière trop marginale pour peser.

Et, en tout état de cause, le noeud du blocage depuis le début, la question de la frontière nord-irlandaise, ne verra pas Bruxelles bouger d’un iota. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, et Donald Tusk, président du conseil européen, ont déjà rappelé à plusieurs reprises que la République d’Irlande a un droit de veto sur le sujet. Or, Dublin refuse tout net le retour à une frontière physique entre les deux parties de l’île. Le gouvernement irlandais a d’ailleurs lancé un texte de loi, ce mardi même, pour anticiper une sortie sans accord.

Dans une déclaration publiée à l’issue du scrutin parlementaire, le président Juncker a « pris note avec regret » de son résultat. Il a pointé : « Le risque d’une sortie chaotique du Royaume-Uni a augmenté (…) J’appelle à une clarification des intentions du gouvernement ». Tout sauf une main tendue.

Dans ces conditions, sauf coup de force de la chambre, c’est bien un Brexit sans accord qui tient la corde. Dans une déclaration solennelle après sa défaite, Theresa May a assuré « au peuple britannique qui s’est prononcé clairement » en juin 2016 qu’elle mettra bien en oeuvre la sortie. Signe des temps, les eurosceptiques du European Research Group – qui rassemble les plus durs des « sortistes » conservateurs – ont réuni 80 membres du parlement et Lords ce soir, lors de la réunion qui a connue la plus grande affluence.

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