Veillée d’armes au parti travailliste : chaque camp prépare ses armes

En ce jour de centième anniversaire du déclenchement de la grande boucherie de la Somme, c’est une veillée d’armes particulière qui a lieu au parti travailliste. Après un début de semaine marqué par des démissions en cascade au Shadow cabinet, le principal parti d’opposition britannique connaît une période d’accalmie. Qui ressemble fort à la préparation d’une nouvelle offensive de part et d’autre. Angela Eagle, qui voulait incarner l’alternative à Jeremy Corbyn, leader élu du parti, a repoussé sa déclaration de candidature ; les syndicats ont rappelé leur soutien au membre du parlement pour Islington-North ; les boules puantes continuent à pleuvoir. Bref, à l’ouest de la Manche, rien de nouveau.

Le camp des adversaires à Jeremy Corbyn pensait avoir remporté la première manche haut la main. Après une séquence marquée par la succession méthodique des départs des membres du cabinet fantôme, toutes les heures, dès le dimanche 26 juin, la motion de défiance déposée devant le Parliamentary Labour Party a recueilli 172 voix contre 40. Pour autant, Corbyn n’a pas démissionné. L’aile droite du Labour est désormais contrainte à le défier dans un nouveau scrutin. Au regard des sondages récents, qui annoncent Corbyn vainqueur de toute confrontation, ses adversaires doivent présenter un front uni.

Labour partyEt là, le bât blesse déjà. Deux noms circulent : celui d’Angela Eagle, ancienne numéro trois du shadow cabinet, et celui de Tom Watson, toujours deputy leader du Labour. L’une comme l’autre semblent incapables de se mettre d’accord. Angela Eagle, qui avait prévu d’annoncer sa candidature jeudi 30 juin dans l’après-midi, a annulé l’événement. Donnée battue par 40% contre 50% face à Corbyn par le dernier sondage YouGov, elle est pourtant mieux placée que Watson pour défier le leader actuel du parti travailliste : Watson n’est crédité que de 35% des intentions de vote.

Mais la candidature Eagle fragilise le storytelling de la droite travailliste. A plusieurs reprises, les adversaires de Corbyn ont affirmé que leur tentative de le déposer avait été motivée par le limogeage d’Hilary Benn, ex shadow secretary aux affaires étrangères. Or, il apparaît que le site destiné à faire vivre la campagne d’Angela Eagle en vue du leadership a été créé plus de quatre heures avant l’éviction de Benn. La presse britannique a révélé l’affaire le 30 juin, depuis le site a été désactivé.

Jeremy Corbyn au rassemblement de Durham en 2015Nouveau signe de la tension qui règne dans le camp, désormais désuni, des opposants à Corbyn. Le mauvais timing de l’équipe Eagle, épaulée par un ancien conseiller de Tony Blair au 10 Downing Street, fragilise encore un peu l’aile droite du Labour. En effet, dans ce genre de situation, celui qui ouvre le feu le premier part toujours avec un sérieux handicap. D’autant que la crise de leadership du parti conservateur renforce, au sein de la base travailliste, l’aspiration à l’unité.

Un ressenti que John McDonnell, shadow chancelier de l’Echiquier et bras droit de Jeremy Corbyn, a pris le temps d’exploiter ce vendredi 1er juillet au matin. Il a multiplié les appels au calme et à l’unité des travaillistes. Interrogé sur les postes vacants – quarante tout de même – au sein du shadow cabinet nouvelle version, McDonnell s’est voulu confiant : « Tous les postes seront remplis », a-t-il affirmé devant la presse. Avant d’interroger :

« Est-ce que ce ne serait pas mieux si les gens revenaient et travaillaient avec nous? Particulièrement quand les conservateurs sont en pleine confusion ? »

John McDonnellUn argument repris par les leaders de dix des douze syndicats affiliés au parti travailliste. Dans un communiqué commun, ils réaffirment leur soutien à Corbyn. C’est un soutien plus modéré que par le passé puisqu’ils invitent ses opposants à le défier dans un leadership ou à taire leurs désaccords. C’est là le signe que la division gagne même les syndicalistes, lesquels éprouvent avant tout l’angoisse d’un éclatement de leur parti.

Pour calmer les esprits, John McDonnell a mis la pédale douce sur les menaces de deselection des membres du parti. « Il n’y aura pas de désinvestiture : tous les membres du parlement vont se rassembler et œuvrer pour le bien du pays », a insisté le chef historique de la gauche du Labour. Pour McDonnell également, la scission du parti travailliste fait figure de scénario catastrophe. Il a conclu son propos en se disant dans l’attente d’un challenge du leadership « dans les jours à venir ». Une fois encore, la balle est dans le camp des opposants à Corbyn.

S’ils profitent du temps qui passe pour régler les problèmes liés aux ambitions des uns et des autres, les membres de l’aile droite du Labour perdent aussi l’avantage d’une dynamique qui était, globalement, en leur faveur. En une semaine, plus de 60.000 personnes ont rejoint le parti travailliste. Il est probable que la gauche, assez douée dans ce genre d’exercice, bénéficie de ce sursaut. Mais elle manque dramatiquement de cadres pour organiser ces nouveaux venus sur le terrain.

Nathanaël Uhl

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