Jeremy Corbyn de plus en plus isolé au sein du parti travailliste

L’étau se resserre autour de Jeremy Corbyn. Le leader du parti travailliste britannique doit faire face à un Parliamentary Labour party (PLP, le groupe parlementaire) dont quatre membres sur cinq lui ont voté une motion de défiance mardi 28 juin. Chaque heure qui passe renforce la perspective d’un nouveau scrutin pour désigner un leader à un parti fracturé. La seule inconnue à cette heure demeure le nom des candidats. Les partisans de Corbyn ont franchi, après le vote de défiance, un pas critique : ils ont annoncé qu’en cas de victoire, la deselection des membres du Parlement deviendra la règle. Après l’épisode de la manifestation sous les fenêtres du PLP, ce nouveau geste hostile témoigne de la violence de l’affrontement politique au sein du vénérable Labour.

Les démissions du shadow cabinet se sont poursuivies toute la journée du mardi 28 juin. Le lendemain, alors que Corbyn doit affronter une séance de Prime Minister Questions (PMQs), il manque 40 personnes pour que son nouveau cabinet fantôme soit complet. Les postes de shadow secretaries pour l’Ecosse et le Pays-de-Galles, particulièrement sensibles en cette période, sont toujours vacants et l’équipe du leader éprouve les pires difficultés à les pourvoir. Fort de 172 membres du parlement qui ont voté la défiance, le PLP ne lui fait plus aucun cadeau.

Dans l’après-midi du mercredi 29 juin, les parlementaires européens du Labour ont fait connaître leur position. A l’unanimité, les 20 députés européens retirent leur soutien à Jeremy Corbyn. Pour un baron travailliste, « ce n’est plus un coup d’état, c’est une émeute ».

Labour partyChaque camp en présence cherche à affirmer sa force. Mardi soir, les membres du constituency Labour party (CLP, organisation de base du parti travailliste) de Wallasey, où est élue Angela Eagle, une des opposantes les plus en vue à Corbyn, a affiché son soutien au leader du parti. Quelques heures plus tard, ce sont les membres du CLP de Islington-North, dont Corbyn est le membre du parlement, qui ont refusé de le soutenir, sans pour autant prendre parti contre lui. Les prises de position de CLPs devraient se succéder au fil des jours si le conflit se maintient dans l’état actuel.

Ce mercredi matin, Thomas Piketty, « économiste star » et membre du conseil économique du parti travailliste, a annoncé qu’il démissionne de ses fonctions, critiquant au passage l’attitude du Labour party pendant la campagne sur le référendum autour du maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne. Quatre autres membres de ce collectif ont fait de même. Liz McInnes, une des deux seules membres travaillistes du parlement à avoir défendu Corbyn lors de la réunion du PLP du 27 juin, a démissionné du shadow cabinet. Corbyn apparaît de plus en plus isolé.

Angela Eagle Tom Watson Jeremy CorbynToute la question est, désormais, de savoir quand aura lieu le prochain leadership, l’élection pour désigner un nouveau patron pour les travaillistes. Le leader sortant s’y dit prêt et a souhaité que ses adversaires désignent leur candidat. Une partie de l’aile droite travailliste, très majoritaire au sein du PLP, espère encore qu’il démissionne de lui-même. Mais, quoi qu’il en soit, l’affrontement aura lieu entre la gauche travailliste et le reste du Parti. La perspective d’une victoire jugée facile par les « modérés » alimente d’ailleurs les appétits.

Dans un premier temps, la membre du parlement pour Wallasey, Angela Eagle, est apparue comme la candidate de rassemblement adéquate pour défaire un Corbyn bien fragilisé. Elle est toujours sensée annoncer sa candidature ce mercredi 29 juin. Mais… Dans l’entourage de Tom Watson, actuel deputy leader du parti, on suggère qu’il n’est pas aussi urgent de se presser, arguant du fait que Corbyn puisse finalement démissionner de lui-même. Les « modérés » savent qu’ils doivent partir à l’élection unis autour d’un seul candidat. Déjà, ils se déchirent pour savoir lequel sera leur champion. Watson et Eagle sont les deux noms qui reviennent le plus fréquemment pour relever le défi face au candidat de la gauche, que ce soit Corbyn ou un autre.

Corbyn et Len McCluskey, patron de UniteLes rumeurs vont bon train ce mercredi. En effet, deux visions s’opposent : les Corbynites estiment que le leader sortant est automatiquement candidat ; leurs adversaires affirment qu’il doit aussi rassembler 50 parrainages de membres du parlement ou du parlement européen. La bataille pourrait se finir devant les tribunaux si un accord n’est pas trouvé. La position unanime des parlementaires européens travaillistes rend cette question encore plus sensible. C’est ce contexte qui faire bruire les couloirs de Westminster. Corbyn pourrait accepter de démissionner, à condition que ses adversaires autorisent John McDonnell, son bras droit et ami, à concourir dans le leadership.

Comme d’habitude au sein du parti travailliste, beaucoup dépend de l’attitude des syndicats, principaux bailleurs de fonds du Labour. Jusqu’à cette heure, ils défendent toujours Jeremy Corbyn qui a été leur candidat lors du leadership de 2015. Mais les syndicats ont aussi besoin d’un parti travailliste uni et puissant, pour relayer politiquement leurs propositions. Il n’est pas à exclure que les 12 syndicats affiliés au Labour suggèrent, fraternellement, à Corbyn de se démettre avant que la crise ne fasse exploser le parti.

Nathanaël Uhl

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