[Liveblog] Journée de crise au parti travailliste
Ce soir, à 18h (heure de Londres), le Parliamentary Labour party (le groupe parlementaire travailliste) débattra de la motion de défiance déposée par Margaret Hodge et Ann Coffey contre Jeremy Corbyn. A la même heure, devant le parlement, les partisans du leader travailliste annoncent une manifestation de soutien au membre du parlement pour Islington-North, élu par 59.5% des adhérents du Labour en septembre dernier. Signe de la profonde cassure qui existe au sein du parti entre ses élus à la chambre des communes et les adhérents. Nous vous tiendrons informés heure par heure du déroulé d’une journée paroxystique pour le principal parti de gauche britannique.
17h15 : Selon son équipe, Jeremy Corbyn prendra la parole devant le rassemblement de ses partisans à l’extérieur du Parlement, dans quelques heures, après la réunion du Parliamentary Labour Party. Il pourrait être accompagné par une vingtaine de membres du parlement qui sont restés loyaux au leader du parti travailliste.
Ce discours constituera un rappel direct au groupe parlementaire que le soutien à Corbyn ne se situe pas dans mais bien en dehors d’un Parliamentary lavbour party qui lui a toujours été hostile.
Selon les dernières informations, ce sont des milliers de soutiens à Jeremy Corbyn qui marchent vers le Parlement.
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16h45 : Le nouveau shadow cabinet travailliste fait sa première apparition publique dans la chambre des Communes à l’occasion de la séance dess questions consacrées à la défense. Emily Thornberry y annonce qu’elle prend la parole pour la dernière fois. Elle cède la place à Clive Lewis (lire plus bas). C’est ensuite à Jeremy Corbyn de prendre la parole. De manière inédite, il a taclé :
« Le pays ne remerciera ni les bancs en face de moi (ceux des conservateurs) ni ceux derrière moi (ceux des travaillistes) pour s’être impliqué dans de telles manoeuvres de faction dans cette période. »
Son intervention a été ponctuée par plusieurs cris appelant à sa démission. La rencontre du PLP débute dans deux heures.
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16h00 : Les syndicats Unison et GMB, tous deux affiliés au Labour party, ont publié des déclarations de soutien à Jeremy Corbyn. Le communiqué de Unison rappelle qu’il « n’appartient ni au Parliamentary Labour party (PLP) ni aux syndicats de choisir le leader » du parti travailliste « mais aux membres ». Unison précise aussi que « le mandat (de Corbyn) doit être respecté ». Plus loin, le syndicat, le deuxième en termes d’adhérents en Grande-Bretagne, tacle les parlementaires :
« Les conservateurs sont divisés. A ce moment crucial, le Labour ne devrait pas l’être. Alors que nous semblons nous diriger vers une élection générale anticipée, nos membres ont besoin d’un leadership fort de la part du Labour. »
De son côté, Momentum finalise le rassemblement des partisans du leader du parti travailliste devant le Parlement où se tiendra, dans quelques heures, la réunion à hauts risques du PLP. Selon les dernières informations, des dirigeants syndicaux de premier plan, dont ceux de Unite, le plus puissant du royaume, devraient y participer. Jennie Formby, secrétaire régionale de Unite pour le sud-est et proche de Len McCluskey, a annoncé qu’elle y prendra la parole. Emma Rees, une des animatrices nationales de Momentum, affirme que la manifestation devrait rassembler très largement :
« Le grand nombre de personnes qui se sont inscrites, dans un temps très court, montre la popularité de Jeremy Corbyn et de ses idées. Momentum et ses membres condamnent les démissions orchestrées au sein du Shadow Cabinet. Il s’agit là d’une action grossière et irresponsable au moment où le pays est plongée dans une crise nationale après le vote du brexit. »
Enfin, le groupe Labour party democracy, une des composantes de la gauche travailliste, annoncerait qu’il exige une déselection « obligatoire » de tous les membres du parlement sortant. Il s’agit là de remettre aux voix des adhérents du Labour les membres du parlement même lorsqu’ils sont sortant.
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15h00 : La situation au sein du Labour est de plus en plus tendue. L’équipe du leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, affiche désormais une ligne dure. John McDonnell, shadow chancelier de l’Echiquier et bras droit du membre du parlement pour Islington-North, a qualifié ses opposants de « rebelles ». Une source proche du duo qui dirige le Labour explique :
« Simplement, ils ne sont plus d’humeur à faire des compromis et ne considèrent plus qu’il est de leur responsabilité d’assurer l’unité du parti ».
Longtemps attendu, le choc frontal entre les autoproclamés « modérés » (l’aile droite du Labour) et la gauche est en train de se réaliser. La même source évoque un shadow cabinet désormais « plus homogène » avant de réaffirmer que « le seul moyen de remplacer Jeremy (Corbyn) est de se présenter face à lui dans une élection démocratique ».
Cette ligne dure est probablement en rapport avec la multiplication des attaques contre le leader du Labour. La dernière en date est signée Alan Johnson, président de la campagne travailliste LabourIn for Britain. Reconnaissant sa part de responsabilités dans la défaite du camp du maintien, Johnson accuse « l’équipe » de Jeremy Corbyn de « travailler contre le reste du parti » et suggère que « ses objectifs sont contradictoires » avec ceux du Labour.
Auparavant, Chris Bryant, membre démissionnaire du shadow cabinet, a accusé Corbyn d’avoir voté en faveur du Brexit. Le leader du parti travailliste a affirmé le contraire dans un tweet le jour du vote.
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14h00 : Sans surprise, les démissions se succèdent au shadow cabinet. Angela Eagle a ainsi publié sa lettre de démission. A cette heure, ce sont 18 membres du cabinet fantôme qui ont rejoint les backbenches, en incluant Hilary Benn. En les remplaçant sans attendre (lire ci-dessous), Jeremy Corbyn fait son travail de leader. Il agit comme Tony Blair avant lui, qui avait mis fin aux fonctions de Robin Cooke, alors ministre des Affaires étrangères, en raison de désaccords politiques. C’est la première fois que Corbyn affirme, à ce point, son statut de leader élu du parti travailliste (avec une majorité très confortable de 89.5% des suffrages). L’attitude du Parliamentary Labour party (PLP) l’a amené à rompre avec sa vision d’une majorité politique incluant les différentes fractions du parti travailliste. Les mêmes qui lui demandaient d’affirmer son leadership déplorent désormais son « autoritarisme ».
Le fait est que, pour l’heure, le #Labourcoup déclenché par l’aile droite du parti travailliste profite aux conservateurs qui n’en demandaient, sûrement, pas tant. Ils sont eux-mêmes en proie à une grave crise de leadership depuis la démission de David Cameron, vendredi 24 juin aux aurores. De fait, ce lundi 27 juin, la Grande-Bretagne n’a ni gouvernement ni opposition. Et cette crise met le parti travailliste en position très délicate si des élections générales anticipées venaient à être convoquées. Cette perspective est d’ailleurs un des motifs pour lesquels les opposants à Corbyn ont lancé leur assaut ce week-end.
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12h00 : Les fuites des deux côtés convergent : la probabilité d’une nouvelle élection pour désigner le leader du parti travailliste se renforce. Jeremy Corbyn a affirmé qu’il y sera candidat. Les dernières consultations juridiques confirment qu’il ne devrait pas avoir besoin de parrainages pour se présenter. Un point que contesteront, évidemment, ses principaux opposants.
Pour l’heure, le soutien des syndicats à Jeremy Corbyn ne se dément pas. Les principaux bailleurs de fonds du Labour multiplient les déclarations de soutien individuelles après avoir produit, vendredi 24 juin, une déclaration commune estimant que « le temps n’est pas à une crise de leadership préfabriquée ». Après un communiqué de Len McCluskey, leader de Unite, dimanche, c’est Mark Serwotka, président du syndicat PCS, qui a affiché, une nouvelle fois, son soutien à Corbyn :
« Je suis choqué qu’au lieu de combattre la politique d’austérité du gouvernement, quelques membres travaillistes du parlement auto-complaisants se retournent contre Jeremy et les membres du parti qui l’ont élu très majoritairement en septembre dernier. Je crois que Jeremy est la meilleure personne pour mener le parti travailliste à travers ce qui est indubitablement une période difficile et il a tout mon soutien. »
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11h00 : Le milieu de la matinée a été marquée par une rencontre à huis clos entre le leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, et le leader adjoint Tom Watson. Ce dernier avait, dimanche, fait part de sa « tristesse » quant aux démissions du shadow cabinet, qualifiant les partants de « personnes talentueuses ». Il s’était aussi ému du limogeage de Hilary Benn. L’entretien entre Watson et Corbyn était d’autant plus attendu que le deputy leader est présenté comme un des principaux bénéficiaires de la crise actuelle. En cas de départ de Corbyn, Watson aurait toutes les cartes en main pour lui succéder.
Mais la rencontre a accouché d’une souris. Selon les échos, Tom Watson n’aurait absolument pas demandé au chef du parti de démissionner de son poste, contrairement aux spéculations qui allaient bon train. Il se serait contenté d’exposer, « de manière polie mais ferme », l’humeur du Parliamentary Labour party, une des trois composantes organiques du parti travaillistes aux côtés des syndicats et des adhérents. Selon le quotidien de gauche The Guardian, Tom Watson aurait indiqué à Corbyn que ce dernier « a perdu toute autorité pour diriger le parti travailliste ».
A 11h, heure française, la pétition de soutien à Jeremy Corbyn a dépassé les 200,000 signatures. Les hashtag #KeepCorbyn et #DeselectThem (appel à ne pas reconduire les membres du parlement opposés à Corbyn) étaient, dimanche, en trending topic sur twitter en Grande-Bretagne.
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10h00 : Signe qu’il entend mener son mandat jusqu’au bout, Jeremy Corbyn vient d’annoncer la composition de son nouveau shadow cabinet. La veille, il a publié une déclaration dans laquelle il réaffirme qu’il ne démissionnera pas.
« J’ai été élu par des centaines de milliers de membres et de supporteurs du parti travailliste, me confiant un mandat majoritaire pour mener une politique différente. Je regrette les démissions du cabinet fantôme (ce dimanche 26 juin). Mais je ne vais pas trahir la confiance de ceux qui ont voté pour moi ni des millions de sympathisants à travers le pays qui ont besoin que le Labour les représentent. Ceux qui veulent changer le leader du parti devront se présenter lors d’une élection démocratique à laquelle je serai candidat. »
Jeremy Corbyn sait qu’il dispose toujours d’une majorité dans le parti travailliste en cas de nouveau scrutin interne. C’est pourquoi il avance en annonçant son nouveau shadow cabinet. Dimanche, de source fiable, ses opposants ont tenté de dissuader les membres travaillistes du parlement de rejoindre la nouvelle équipe Corbyn. Malgré cela, le leader a pu annoncer sa composition dès ce lundi 9h (heure de Londres). Les départs aux postes principaux ont été tous remplacés. Corbyn devra ensuite désigner des junior ministres (membres du parlement occupant les fonctions de secrétaire d’Etat). Voici les principaux promus :
- Emily Thornberry passe de la défense aux affaires étrangères ;
- Diane Abbott, alliée de longue date de Corbyn, prend la santé ;
- Pat Glass, anciennement responsables des questions européennes, prend en charge l’Education ;
- Clive Lewis devient shadow secretary à la défense ;
- Rebecca Long-Bailey devient shadow secretary au Trésor, aux côtés de John McDonnell qui conserve sa fonction de shadow chancelier de l’Echiquier ;
- Rachel Maskell est promue à l’environnement, aux affaires rurales et à l’alimentation ;
- Kate Osamor prend la responsabilité du développement international ;
- Cat Smith se voit confier le portefeuille délicat de la jeunesse.
Les nouveaux venus avaient déjà des responsabilités en tant que junior ministres. La composition du shadow cabinet remanié fait la part belle aux nouveaux élus et à la jeune garde de la gauche travailliste qui est représentée par Cat Smith, Clive Lewis, Rebecca Long-Bailey et Kate Osamor.
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9h00 : Après le limogeage de Hilary Benn de ses fonctions de shadow Foreign secretary, onze autres membres du cabinet fantôme ont démissionné dimanche. Ce lundi 27 juin a débuté dans la continuité. Coup sur coup, Anna Turley, shadow secretary pour la société civile, et Stephen Kinnock ont annoncé leur départ du shadow cabinet. La démission d’Anna Turley prend une dimension symbolique forte, puisqu’elle est membre du parlement pour Redcar, une constituency qui a pris de plein fouet la crise de la sidérurgie britannique. Jeremy Corbyn n’avait pas ménagé ses efforts pour soutenir les salariés de l’acier.
Autre coup dur pour Corbyn, la démission de Chris Matheson, à la Justice. Identifié comme membre de la gauche du parti, il est un ancien responsable de Unite, le plus important syndicat du pays, qui soutient toujours le leader élu.
De son côté, Ian Murray, le dernier membre du parlement travailliste élu en Ecosse, également démissionnaire du shadow cabinet, reconnaît mezzo vocce que les départs sont concertés. Interrogé sur la BBC écossaise, il insiste : « Il n’y a pas de mise en scène » de la vague de départs du dimanche. Il explique qu’une délégation avait prévu de rencontrer Jeremy Corbyn ce lundi matin mais que le limogeage d’Hilary Benn a précipité les choses. Les échos font état de communications entre les membres du parlement opposés à Corbyn par le réseau whatsapp tout au long de la journée de samedi.