La conférence du SNP met le parti en ordre de marche vers les élections locales

Avec celle du Scottish National Party, la saison des conférences s’est achevée dimanche 18 octobre. Réunie à Aberdeen, la rencontre annuelle des nationalistes écossais a hésité entre auto-célébration et virulence à l’encontre de ses opposants. Mais, malgré des contradictions internes apparentes, aucun psychodrame politique n’est venu entacher ce qui a, finalement, pris l’air de l’entrée en campagne du parti de Nicola Sturgeon. En 2016, le SNP tentera de garder, voire d’élargir, sa majorité au parlement régional écossais d’Holyrood. Et, dans cette optique, la première ministre écossaise a désigné son adversaire : ce sera le Labour party et, singulièrement, son leader anti-austérité Jeremy Corbyn. Enfin, cette conférence a été l’occasion d’infléchir la tactique en sur la question de l’indépendance, un an après la victoire du « non » au dernier référendum.

Il y a bien eu quelques frictions internes quant à la réforme foncière annoncée par Nicola Sturgeon, conformément à ses engagements de campagnes. Les délégués de base la souhaiteraient plus radicale. C’est, en soi, un exploit pour ce parti composite à l’extrême. Derrière la rhétorique anti-austérité qui marque ses discours de campagne, le SNP mélange allègrement une politique économique de centre-droit où la délégation de service public n’est pas un tabou ; une redistribution de type centre-gauche permise par la manne pétrolière de la mer du Nord ; un discours sur la loi et l’ordre qui cohabite avec des pratiques libertaires sur les questions de sexualité et de genre. Le SNP se glorifie que ses membres du Parlement fassent de Westminister l’assemblée la plus « gay friendly » au monde. Malgré ce que d’aucuns pourraient qualifier de paradoxes, l’unité prévaut au sein du parti nationaliste.

La conférence d'automne du SNP a accueilli 3000 déléguésLe calme et la cohésion affichés par un SNP fort de 114,000 adhérents contrastent avec le chaos qui semble caractériser un Labour en proie à une révolution interne. Même les débats organisés sur la Palestine, si prompts à créer des tensions entre intervenants, ce sont déroulés sans le moindre incident, sans le moindre désaccord même, signale la correspondante du New Statesman. Pour les chroniqueurs avides de petites phrases et de règlements de compte, cette conférence aura été d’un ennui mortel. Elle n’a fait que de la politique en direction de l’extérieur.

30 points devant le Labour

Evidemment, ce sang-froid a été méthodiquement mis en scène par la direction du parti nationaliste, qui maintient une discipline de fer, pour adresser un message à l’électorat de gauche. En substance, il se résume à « ne faites pas confiance à un Labour divisé, nous sommes les seuls capables de porter l’opposition face aux conservateurs ». « Les travaillistes sont incertains dans leurs positions et sont inéligibles », a déclaré, en ouverture de la conférence, une Nicola Sturgeon plus batailleuse que jamais. Les derniers sondages ont de quoi lui donner de l’énergie. Ils placent un SNP stable à 30 points devant le Labour. Ce dernier ne bénéficie d’aucun « effet Corbyn » pour l’instant, malgré les efforts que déploie le leader travailliste en terre écossaise.

SNP audienceL’enjeu est de taille. Les travaillistes ont perdu la direction de l’assemblée écossaise en 2007 et, depuis, ils ne cessent de reculer. Les élections générales de mai 2015 les ont laissés essorés avec un seul membre du parlement dans ce qui fut leur bastion inexpugnable pendant des décennies. Le SNP a raflé 56 des 59 circonscriptions écossaises et entend bien rééditer l’exploit lors des élections locales du printemps prochain. Cependant, la virulence des orateurs à l’encontre du parti travailliste contredit les propos qu’ils tiennent sur l’inéligibilité du Labour à terme. On ne frappe pas un ennemi blessé à mort, on ne s’en prend qu’à celui que l’on craint. Pourtant, que ce soit sur le renouvellement des missiles nucléaires Trident ou sur les frappes aériennes en Syrie, que le Labour pourrait approuver si elles sont placées sous le mandat de l’ONU, le SNP ne cesse de mettre en exergue les contradictions de son principal adversaire. Et Sir Alex Salmond, chef de file du SNP à la chambre des Communes, s’est mué en flingueur en chef en décrétant « Corbyn n’y connaît rien à l’économie », comme aurait pu le faire un éditorialiste du Daily Telegraph.

Objectif indépendance

A cette aune, mis à part les attaques contre une politique « tout austérité » – assaut de bon aloi pour faire la différence avec le concurrent travailliste -, les conservateurs ont été relativement épargnés par les principaux orateurs du SNP. Cette modération s’inscrit dans une vision à long terme, qui prend du sens lorsque l’on se rappelle que l’objectif des nationalistes demeure l’indépendance de l’Ecosse. Pour la direction du SNP, les coupes budgétaires sur la politique sociale et la réduction drastique des crédits d’impôts constituent un atout sur ce sujet. En effet, la mise à sac, par le gouvernement central, de la politique sociale pourrait amener une partie des électeurs qui ont voté contre l’indépendance lors du référendum de 2014 à se montrer favorables à une deuxième consultation.

Sturgeon au sommet de sa popularitéC’est bien avec cet objectif en tête que Sturgeon a affiché une modération apparente. Elle a écarté la possibilité d’un nouveau référendum sauf si apparaissait « la preuve forte et cohérente » que l’indépendance bénéficie d’un surcroît de soutien dans la population. Cela dit après avoir rassuré en affirmant que « le résultat de 2014 devait être respecté » d’ici là. Sauf si… La première ministre a mis en garde David Cameron sur la question du maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne. Le SNP, à l’image des Ecossais dans leur majorité, sont plutôt favorables à l’Europe, y compris parce que les plus eurosceptiques sont les conservateurs détestés de ce côté du mur d’Hadrien. En conséquence, les nationalistes écossais affirment qu’ils n’hésiteront pas à réclamer un référendum sur l’indépendance si jamais le corps électoral anglais et gallois devait décider d’une sortie du Royaume-Uni de l’Europe.

A l’issue de « sa » conférence, Nicola Sturgeon apparaît inexpugnable dans son bastion écossais. Elle a la popularité, un parti en ordre de marche et plusieurs coups d’avance sur tous les autres dirigeants politiques britanniques. Mis à part elle-même, personne ne semble en mesure de la fragiliser de quelque manière que ce soit.

Nathanaël Uhl

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