La crise de la sidérurgie domine la séance de questions au Premier Ministre
Le troisième duel en Jeremy Corbyn et David Cameron au parlement, lors de la séance de questions au premier ministre, s’est ouverte en plein crise de la sidérurgie britannique. Le groupe Tata Steel a annoncé, lundi 19 octobre, près de 1,200 suppressions de postes dans ses usines de Scunthorpe et Lanarkshire et on estime que 15,000 emplois sont directement menacés dans le secteur. L’industriel Caparo s’est placé en administration judiciaire, tandis que le site SSI de Redcar ferme laissant 1,700 salariés sur le carreau. Le gouvernement de David Cameron est sous le feu nourri des critiques de toutes parts qui, bien au delà des syndicats, soulignent l’incapacité du gouvernement à soutenir son industrie.
Le quotidien de centre-gauche the Daily Mirror a lancé une pétition de soutien : « Save Our Steel« , demandant notamment l’arrêt de toute importation d’acier en provenance de Chine. La pétition demande également que le projet de ligne ferroviaire rapide HS2 qui va relier Londres à Manchester et Leeds, emploie de l’acier de Scunthorpe, plutôt que du matériel à bas coût en provenance de Chine. Le tout à l’heure où le président chinois est en visite officielle au Royaume-Uni. Roy Rickhuss, le secrétaire général du syndicat de la métallurgie, estime que le gouvernement devrait aller se faire pendre, au regard de l’ absence de soutien aux salariés dont les emplois sont menacés. Nombre de syndicalistes soulignent que les conservateurs répètent les erreurs du passé et abandonnent des pans entiers de l’économie comme dans les années 80.
Dans ce cadre, une fois encore, Jeremy Corbyn a mis en difficulté un David Cameron fataliste. La séance de questions au Premier ministre, ce mercredi 21 octobre, a été particulièrement tranchante. La recette s’affine à chaque séance, l’apparence anodine des questions, collectées auprès des citoyens par le leader travailliste, démontre l’incapacité d’un David Cameron, un peu trop sur de lui, à répondre. Notamment quand il se fait rappeler ses promesses de campagne comme son engagement à ne pas toucher aux allocations familiales alors que, quelques mois plus tard, il tranche dans le vif.
Sur l’industrie métallurgie, Jeremy Corbyn a rappelé qu’en l’espace de deux semaines, près de 5,000 emplois sidérurgiques ont disparu. Il a ajouté que, malgré les promesses de Cameron il n’y avait toujours aucune mesure concrète, ni plan, ni stratégie. Corbyn a taclé au passage un gouvernement qui laisse faire, au point de ne pas s’adresser à l’Union Européenne.
La réponse du premier ministre est restée dans le vague, se contentant de réaffirmer la volonté du gouvernement d’aider les entreprises à payer leurs factures énergétiques, à bloquer l’importation d’acier à bas prix venant de Chine et à soutenir financièrement l’industrie. Des propos tenus avec fermeté mais sans le moindre détail. Pour l’anecdote, le premier ministre qui avait pris l’habitude de répondre sans note s’est vu contraint à relire son texte sur le dumping de l’industrie métallurgique.
Sur ce dossier extrêmement symbolique, tout le gouvernement est sur le grill. Pourtant, Philip Hammond, secrétaire aux Affaires étrangères, botte en touche. Selon lui, le gouvernement n’y pourrait pas grand chose, tout étant dirigé à l’échelle de l’Union européenne. Le type d’argument qui va ravir le camp eurosceptique… Sous pression des membres du parlement (et du Speaker qui l’a qualifié de « discourtois et incompétent »), le secrétaire au Business, Sajid David, a fini par reconnaître que d’autres pays européens avaient été plus efficaces pour défendre leur industrie.
La fin de la séance a été marquée par une question sur les discriminations envers les handicapés. Selon Jeremy Corbyn, une enquête serait menée par les Nations-Unies afin de mesurer le degré de violation des droits par le Royaume-Uni à l’égard des handicapés.
La variété des sujets abordés par le leader de l’opposition, et sa capacité à partir du particulier pour élargir à une critique en règle de la politique conservatrice, commence à porter ses fruits. D’abord, le patron du Labour gagne en autorité. Ce mercredi 21 octobre, il a fait taire les bancs conservateurs d’un seul regard. « Merci », a-t-il marqué sa victoire, à l’image d’un instituteur sévère. De plus, Corbyn parvient à pousser Cameron à la faute. Ainsi, il a contraint le premier ministre à déclarer, à propos des coupes budgétaires qui affectent les crédits d’impôt dont bénéficient les familles défavorisées, qu’il était « ravi » que cette mesure ait été votée. Les électeurs concernés apprécieront.
Silvère Chabot
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Bonus vidéo : Tricky – Black Steel
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