Paradise papers : l’encombrant lord Ashcroft mis en cause pour évasion fiscale
L’agenda est cruel. Ce lundi 6 novembre, la membre du parlement travailliste Meg Hillier préside le Public Accounts Committee, la commission parlementaire sur les comptes publics. Elle auditionnera, à ce titre, les patrons des services fiscaux britanniques : Her Majety’s Revenues and Customs.
Fixée de longue date, cette rencontre annuelle se tient au lendemain de la publication des Paradise papers,une nouvelle série de documents relatifs à la fraude et à l’évasion fiscales. Cette fois, c’est Lord Michael Ashcroft, un des principaux bailleurs de fonds du parti conservateur qui est dans l’oeil du cyclone. La reine Elizabeth II est également mise en cause. Vous pourrez lire le détail et les conséquences de ces révélations sur le site d’Alternatives économiques dès mercredi 8 novembre.
MDécidément, les conservateurs ont un goût prononcé pour les paradis fiscaux. En avril 2016, les Panama papers avaient mis à jour la participation de David Cameron, alors premier ministre, au fonds offshore de son père. Dimanche 5 novembre, les Paradise papers ont permis de savoir que le principal bailleur de fonds, et ancien vice-président, du parti conservateur a placé plusieurs millions de livres sterling dans de tels fonds, qui permettent, notamment, d’éviter de payer des impôts. Ce, d’autant plus aisément que, contrairement à ce qu’il avait promis en 2000 puis 2010, le pair du royaume Lord Michael Ashcroft n’est toujours pas domicilié au Royaume-Uni.
L’examen des 13.4 millions de documents sur l’évasion fiscale décryptés par le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), auquel participent la BBC et The Guardian, a mis en lumière l’astucieux montage financier opéré par le multimillionnaire tory. En 2000, il a créé Punta Gorda trust, une fondation, dont ses trois enfants et lui sont les bénéficiaires, dans lequel il a investi toute sa fortune. Un moyen légal de ne pas payer d’impôts sur le revenu. Il en est le constituant, le settlor, et le seul à bénéficier d’un revenu à vie de ce placement.
Punta Gorda trust a ensuite investi les sommes en sa possession dans une autre fondation, qui a ensuite placé le tout dans un fonds offshore. Une manoeuvre subtile dont lord Ashcroft sait tirer les bénéfices. En 2002, les administrateurs du trust lui ont fait don d’un prêt de 29.5 millions de livres. Cela ne les a pas empêché, assez rapidement, de se plaindre de dysfonctionnements et, notamment, de ce que des décisions étaient prises sans leur aval. Et, surtout, sans qu’ils en soient informés.
A l’occasion de la conférence annuelle des tories, les journalistes de la BBC ont tenté d’interroger lord Ashcroft, qui était présent. Il s’est réfugié dans les toilettes pour éviter de devoir leur répondre. Cela dit, c’est probablement à Theresa May de devoir apporter des éléments. En tant que leader des tories, un parti qui a bénéficié de 500,000 livres de don de la part du pair du royaume lors de la dernière élection, elle va devoir expliquer sa connaissance des montages financiers de son bailleur de fonds.
Ashcroft, de son côté, nie toute participation à un système d’évasion fiscale. Il a fait savoir que ceux qui relaierait de telles allégations seront poursuivis en justice. De son côté, l’administrateur actuel de Punta Gorda trust, Appleby services (basée aux Bermudes), se protège en avançant les contrôles auxquels elle doit faire face régulièrement. La question n’est pas, fondamentalement, celle de la légalité des actes reprochés à Lord Ashcroft mais leur moralité. En Grande-Bretagne, c’est peut être encore plus grave.
Au final, c’est l’attitude générale des tories en matière d’évitement fiscal qui pose problème. En 2013, le premier ministre David Cameron s’était personnellement opposé à un projet européen de lutte contre le blanchiment fiscal. Le texte prévoyait que les noms des bénéficiaires de trusts tels que Punta Gorda soient rendus publics. Pour la seule année 2015, le même Cameron a donné ordre – à six reprises – aux eurodéputés tory de s’opposer à des mesures européennes destinées à lutter contre l’évitement fiscal des particuliers comme des entreprises.
Mercredi 1er novembre, il a été donc facile à Jeremy Corbyn de tacler Theresa May sur le sujet. Il a évoqué l’Île de Man, un paradis fiscal britannique, qui abrite 957 jets privés. Le leader travailliste a estimé l’évasion fiscale à, au moins, 34 milliards de livres, « le budget alloué à nos écoles ».
Nathanaël Uhl
Mercredi 8 novembre, retrouvez notre chronique sur les Paradise papers et la manière dont la reine Elizabeth II est mise en cause sur le site d’Alternatives économiques