Irlande du Nord : dans une situation bloquée, le gouvernement britannique pourrait revenir à une administration directe

AVEC DES ALLIES SEMBLABLES, NUL BESOIN D’ENNEMIS. Mercredi 14 février, le Democratic unionist party (DUP, parti nord-irlandais favorable au maintien dans le Royaume-Uni) a imputé, en partie, l’échec des négociations pour restaurer un exécutif dans les six comtés de l’Ulster à la visite de Theresa May à Belfast, quelques jours plus tôt. Privée de gouvernement depuis 13 mois, l’Irlande du Nord pourrait revenir au statut d’administration directe (direct rule) depuis Londres. Alliés du parti conservateur à la Chambre des Communes, le DUP multiplie les démarches en ce sens.

En janvier 2017, des élections locales anticipées devaient permettre de sortir d’une crise politique endémique. Elles ont finalement créé une situation inédite : le DUP a perdu 10 sièges et ne dispose que d’un élu de majorité devant les nationalistes du Sinn Féin qui en compte 27. Mais les deux partis n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la composition de l’exécutif de l’Assemblée législative d’Irlande du Nord. Selon les accords de partage des pouvoirs de 2006, le parti arrivé en tête prend le poste de premier ministre, le deuxième celui de vice-premier ministre. Ce qui est sensé garantir la présence des unionistes et des nationalistes dans les plus hauts postes à responsabilité.

Avant les élections de janvier, Arlene Foster, leader du DUP, assumait la fonction de cheffe du gouvernement. Le républicain Sinn Féin Martin McGuinness était vice-premier ministre. Favorables à la réunification des deux Irlande, les nationalistes n’ont jamais caché leur défiance vis-à-vis d’Arlene Foster qu’ils accusent de double langage. Et les derniers épisodes en date ne sont pas de nature à infléchir leur position.

Les quatre semaines écoulées ont été l’occasion d’un dialogue renforcé entre les deux principaux adversaires en vue d’un accord de gouvernement. Les républicains ont fait de l’introduction de l’Irlandais comme deuxième langue officielle avec l’anglais pour les six comtés rattachés au Royaume-Uni une condition sine qua none de leur participation. Selon Michelle O’Neill, qui a succédé à McGuinness comme leader du Sinn Féin pour l’Ulster, un compromis aurait été passé avec la direction du DUP avant que celle-ci ne revienne finalement sur sa parole.

Les sources proches de la leader du Sinn Féin au parlement de Stormont indiquent qu’Arlene Foster aurait été incapable d’imposer l’accord à sa base parlementaire et militante. La leader unioniste a reconnu que les pourparlers n’ont pas été couronnés de succès. Elle en a imputé, en partie, la responsabilité à Theresa May, à laquelle elle est pourtant alliée à Westminster. Homme clé des négociations pour les unionistes, Simon Hamilton a évoqué la visite de la première ministre britannique et de son homologue irlandais lundi à Belfast, visite destinée à « pousser » en faveur d’un déblocage de la situation politique :

« Je pense que la visite de la Première ministre et du Taoiseach (premier ministre de la République d’Irlande) Leo Varadkar a été comme une sorte de diversion. Je ne suis pas sûr qu’elle ait beaucoup aidé », a taclé Simon Hamilton.

Une manière polie de renvoyer ses hôtes à leurs propres affaires. C’est la deuxième fois que le DUP inflige un camouflet à Theresa May. En décembre dernier, le parti unioniste, fort de ses dix élus à Westminster, a fait capoter un premier compromis entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne sur l’épineuse question de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

A présent, tout en souhaitant restaurer pleinement la dévolution, le DUP a clairement appelé le gouvernement de Londres à établir un budget pour les six comtés de l’Ulster et « à prendre les décisions politiques nécessaires sur les infrastructures, les hôpitaux et les écoles ».

Karen Bradley, secrétaire d’Etat pour l’Irlande du Nord, a pris acte de l’impasse : « Nous avons atteint la conclusion de cette phase de discussion ». Elle a ajouté que, pour le gouvernement britannique, « une administration locale, exercée par des élus locaux, demeurait la meilleure des choses pour chacun en Irlande du Nord mais aussi pour l’Union ».

Co-garante du respect des « accords du Vendredi Saint », qui ont mis fin aux troubles, et des accords de partage du pouvoir, la République d’Irlande n’a pas masqué sa déception. Dublin a fait savoir qu’elle restera impliquée dans les discussions à venir.

A court terme, une solution intermédiaire pourrait être que Londres désigne d’autorité les membres de l’exécutif Nord-Irlandais. Les textes le lui permettent mais faudrait-il encore que les concernés jouent ensuite le jeu. Quant à de nouvelles élections locales, rien ne garantit qu’elles permettent de changer radicalement la donne. Les derniers scrutins, quels qu’ils soient, n’ont fait que renforcer le tête à tête entre le DUP et le Sinn Féin.

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