Economie : coup de froid sur l’emploi britannique dans les chaînes de détail et les PME industrielles

LES PREMIERS MAGASINS DEVRAIENT FERMER CETTE SEMAINE. Dans les prochains jours, pas moins de 26 enseignes Toys R Us devraient baisser le rideau sur les cent que compte le célèbre détaillant de jouets au Royaume-Uni. Faute d’un repreneur, 3,000 emplois sont menacés. Le plan de sauvetage de la chaîne de détaillants en micro-électronique Maplin a, lui aussi, échoué, laissant 2,300 salariés dans la plus grande incertitude. Ces deux chocs, auxquels s’ajoute la faillite du groupe Carillion, ne doivent pas faire oublier que, partout en Grande-Bretagne, des entreprises voient leur avenir sous les auspices les plus sombres.

Enfin, la chaîne Bargain Booze, qui vend de l’alcool, des boissons et des cigarettes électroniques, a fait l’objet d’une alerte. Elle devrait connaître une baisse de ses résultats de 20% par rapport aux prévisions. Cette annonce a fait dévisser le titre à la bourse. Ce « profit warning » inquiète beaucoup outre-Manche. C’est parce que de telles alertes n’ont pas été prises en compte que le groupe Carillion a fini par s’effondrer.

Les grandes chaines de détaillants sont particulièrement dans le collimateur. Ainsi, on a appris la semaine passée que l’enseigne New Look s’apprête à fermer 60 de ses 593 magasins dans le pays. Le groupe de mode a mis en place un plan de départs volontaires pour accompagner 980 suppressions d’emplois sur les 15,300 que compte New Look. Dans un autre secteur d’activités, la chaîne de restaurant du célèbre chef Jamie Oliver, Jamie’s Italian, confrontée à un endettement de 90 millions de livres, va fermer 12 de ses 27 sites.

Clairement, la consommation des ménages a pris un coup alors que la livre sterling a perdu de sa valeur depuis l’annonce du Brexit. Le prix des produits importés a donc été renchéri et les ménages semblent inquiets pour l’avenir. En outre, la généralisation de la précarité, au travers des contrats à zéro heures et de l’auto-entreprenariat, ne semble pas permettre la relance de la consommation. Ce n’est pas un hasard si les principales faillites ont lieu dans des secteurs tels que l’habillement, les jouets, la micro-électronique ou la restauration. Ces postes de dépenses sont souvent jugés secondaires par les ménages.

 

Le gouvernement doit aussi, désormais, faire face à un autre front économique. Les petites et moyennes entreprises industrielles commencent elles aussi à souffrir. Dans les semaines passées, deux cas ont particulièrement attiré l’attention. Il s’agit de BiFab à Methil, dans le comté de Fife (Ecosse), le plus exposé des trois sites de la firme de construction d’infrastructure pour l’exploitation énergétique en mer. Dans les Cornouailles, c’est Babcock International Group, spécialisé dans l’entretien et la réparation de navires militaires, qui a annoncé la suppression de 500 postes de travail sur les 5,000 qu’il recense à Devonport, le district portuaire de Plymouth qui abrite une des principales bases de sous-marins de la Royal Navy.

L’opérateur Babcock International Group a expliqué que ces suppressions d’emplois se justifient pour que l’entreprise « reste compétitive« . Après une année 2017 difficile, l’entreprise a revu à la hausse ses plans, puisque ce sont désormais 500 postes et non plus 400 qui devraient être détruits. Elle reste un des plus gros employeurs de la ville de Plymouth et l’incertitude règne quant à l’avenir de l’activité. Membre du parlement pour Plymouth Sutton and Devonport, le travailliste Luke Pollard n’a pas caché son amertume :

« Je suis très inquiet des destructions d’emplois à Devonport. Je me battrai aux côtés des syndicats et je m’engagerai, avec l’entreprise, à ce que les départs soient bien volontaires. C’est très inquiétant pour Devonport. Il y a eu trop d’annonces de ce genre dernièrement. »

Le tissu économique, au-delà de Londres et des grandes métropoles du pays, semble particulièrement fragilisé. Et avec lui, les communautés dans leur ensemble. C’est ainsi que l’annonce de 260 suppressions de postes chez BiFab, le fabricant de plateformes pétrolières et d’éoliennes marines, a mis le comté de Fife, aux abois. L’entreprise dispose de trois sites en Ecosse : Burntisland, Arnish et, le plus menacé, Methil dans le comté de Fife. Le contrat d’entretien de l’éolienne marine Beatrice doit se terminer à la fin du mois de mars et les carnets de commande du groupe sont vides.

Les représentants syndicaux ont rencontré le gouvernement écossais samedi 10 mars. L’inquiétude est telle que l’ensemble des partis politiques locaux se mobilisent de concert pour tenter de sauver l’entreprise. De nouveaux contrats pourraient être annoncés pour mai ou juin, laissant les salariés sans activité pendant de nombreuses semaines. Les syndicats estiment, cependant, que si BiFab parvenait à obtenir une partie de ces commandes, « plus de 2,000 salariés pourraient venir à Methil ».

C’est bien l’avenir de la petite ville côtière qui est en sursis et, au-delà, celui de tout le comté de Fife. En témoigne l’ampleur des manifestations en faveur de l’entreprise qui ont eu lieu, en novembre 2017, à Edinburgh Selon les dirigeants syndicaux impliqués dans la « bataille pour BiFab« , il s’agit que « Methil ne devienne pas une ville fantôme comme nous en connaissons trop« . Alan Ritchie, responsable du syndicat GMB Ecosse, explique :

« Il ne s’agit pas que de BiFab et des salariés, il s’agit de la communauté. Si le site ferme, le commerçant, qui dépend des ouvriers, ne pourra pas survivre. Le chauffeur de taxi non plus. Plus largement, c’est l’avenir de Fife qui est en jeu et notamment la possibilité pour les jeunes d’avoir accès à des emplois qualifiés. »

Mardi 13 mars, Philip Hammond, le chancelier de l’Echiquier, doit présenter son budget de printemps. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour qu’il desserre l’étau de l’austérité. A Devonport et Methil, nul doute que ses déclarations seront attendues.

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