Les Libéraux-démocrates gagnent enfin un scrutin

Les libéraux-démocrates, ancien parti allié des conservateurs au gouvernement de 2010 à 2015, se sont trouvés un leader, jeudi 16 juillet. Il leur reste à retrouver un cap après le cataclysme que représentent, pour le vénérable parti, les élections générales du mois de mai 2015. Certes, la défaite était attendue. Mais, au sein de l’état-major Lib-Dem, on n’imaginait pas qu’elle serait si « cruelle et injuste », selon les mots de Nick Clegg, vice-premier ministre déchu d’un gouvernement de coalition qui n’a pu, au mieux, que freiner les ambitions austéritaires des tories. Et encore… Ce storytelling a du mal à résister à l’épreuve des faits, quand on se rappelle la privatisation de la Poste menée par le ministre Lib-Dem Vince Cable.

Pourtant, les avertissements dans les urnes ont été nombreux avant les élections générales de mai qui ont laissé 8 Members of Parliament (MPs) rescapés sur 57 sortants. En 2012, les Lib-Dems avaient déjà perdu plus de 300 sièges de conseillers dans des élections locales. En mai 2014, la saignée se chiffre à 307 sièges de conseillers locaux et 10 députés européens sur 11. Une campagne électorale fade, dans laquelle Nick Clegg justifie tant bien que mal la participation  au gouvernement, conclut 3 ans de sanctions dans les urnes.

Nick Clegg, ancien leader lib-dem, est sorti par la petite porte, après trois ans de défaites consécutives.

Nick Clegg, ancien leader lib-dem, est sorti par la petite porte, après trois ans de défaites consécutives.

Les Lib-Dems sont les héritiers du vieux parti libéral longtemps habitué, tout au long du 19e siècle, à l’alternance avec les tories, avant l’émergence du Labour. De libéraux, ils deviennent libéraux-démocrates en 1988 avec l’apport d’une scission menée par l’aile droite du Labour après la défaite de 1983. Las, ce vieux parti chargé d’histoire est aujourd’hui revenu au point de départ. Il faut remonter à 1989 pour retrouver un niveau électoral aussi bas et aux années 70 pour une représentation au parlement aussi faible.

Il semble bien qu’une partie de l’électorat n’ait pas apprécié le tournant des Lib-Dems. Depuis 2004, ils avaient tenté d’attirer les déçus du Labour avec un discours un peu plus à gauche, s’opposant notamment à la guerre en Irak. En 2005, ce positionnement a été récompensé dans les urnes, les Lib-Dem obtenant 22 % des suffrages, 62 élus MPs tandis qu’une centaine de candidats ont atteint la seconde place. Le tournant opéré par Nick Clegg et la coalition avec les conservateurs en 2010 a fait rapidement chuter les Lib-Dems qui auparavant captaient une audience non négligeable ne se reconnaissant ni dans le Labour ni chez les Tories. C’est dans ce contexte que s’est déroulé, dans une relative indifférence et éclipsée par la course au leadership du Labour,  la désignation du nouveau leader libéral-démocrate.

Ancien ministre du gouvernement Cameron, Norman Lamb a représenté l'aile droite dans le leadership lib-dem

Ancien ministre du gouvernement Cameron, Norman Lamb a représenté l’aile droite dans le leadership Lib-dem

Au terme de 25 débats contradictoires, le duel entre l’ancien ministre de David Cameron Norman Lamb (soutenu par la vieille garde tel Paddy Ashdown) et l’ancien président du parti Tim Farron s’est conclu par la nette victoire de ce dernier avec plus de 56 % des suffrages des. Marque du faible enthousiasme suscité par le duel, la participation au scrutin a tout juste atteint les 56 % avec 33.897 votants. Les Lib-Dems peuvent toujours prétendre qu’un nouvel élan anime le parti, fort selon eux de plus de 60.000 adhérents à ce jour, cela ne parait pas se concrétiser.

Tim Farron, catholique assumé (qui affirme que cela relève du domaine privé), parait épargné par le vote sanction. Comme en témoigne sa progression électorale dans la circonscription ou il est élu depuis 10 ans. Il se présente comme un élu centriste épris de justice sociale. A ce titre, il s’oppose à l’augmentation des frais d’inscription l’université. Il se positionne de manière contradictoire sur le mariage homosexuel, en votant pour puis en votant pour un délai avant sa mise en place effective. En 2007, il s’abstient sur le droit à l’adoption pour les couples homosexuels mais s’oppose à la loi sur l’égalité qui impose des sanctions aux entreprises en cas de discriminations basées sur l’orientation sexuelle. Dans le domaine de la défense, fidèle à l’orientation libérale-démocrate, il s’oppose à tout développement de nouveaux missiles nucléaires en vue de remplacer les Tridents.

Le nouveau leader lib-dem, Tim Farron, indique la sortie à ses concurrents

Le nouveau leader Lib-Dem, Tim Farron, indique la sortie à ses concurrents

Tim Farron assume des choix diamétralement opposés à ceux de Nick Clegg. Il déclare notamment que « les Lib-Dems doivent faire partie d’un mouvement qui cherche à chasser les conservateurs du gouvernement ». Mais pour ne fâcher personne au sein du parti, il lui semble, sans regret aucun, qu’il fallait participer au gouvernement avec les conservateurs, « c’est le genre de chance qui ne se présente qu’une fois par génération ». Du coup il pourrait se poser la question d’entrer a nouveau au gouvernement dans le cadre d’une coalition. C’est l’instauration de la proportionnelle – chère aux lib-dems – qui sera déterminante sur ce point.

Tim Farron est optimiste. Selon lui, le Labour Party manque de clarté et donne aux libéraux-démocrates une immense opportunité pour devenir une force d’opposition attractive. Une des clés est de redevenir le parti anti tories dans le sud ouest du pays, où le Labour est durablement marginalisé.

L’expérience gouvernementale s’est conclue de manière cuisante et il n’est pas certain que les Libéraux Démocrates parviennent à redevenir le parti de la justice sociale comme il le prétendait autrefois. Les temps ont changé et les préférences des britanniques, quand ils ne boudent pas les urnes, vont à des protestations qui ont pour elles de rester cohérentes quoi qu’il arrive.

Silvère Chabot

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Bonus vidéo : Exodus – Fabulous Disaster

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