Le gouvernement fait face aux junior doctors pour sa première grève nationale

C’est la première confrontation dure pour le gouvernement conservateur, à l’échelle du pays. La grève des agents du métro londonien portant sur les conditions de travail après la mise en place de service de nuit s’est soldée par une victoire mais elle ne concernait que la capitale. Là, ce sont tous les junior doctors, les étudiants en médecine dont l’équivalent français pourraient être les internes, qui seront en grève mardi 12 janvier. A 98 %, ces jeunes praticiens, réunis au sein du syndicat British Medical Association (BMA), ont voté la grève pour 24 heures – n’assurant que les urgences – et ont déposé deux autres préavis jusqu’à un arrêt total du travail en février. Ce sont 45 000 personnes qui sont concernées, en Angleterre et au Pays-de-Galles. Le syndicat dénonce la rupture des négociations avec le gouvernement et le National Health Service.

Le conflit, engagé en octobre 2015, porte sur des changements drastiques dans les contrats dont bénéficient les junior doctors. Alors que les discussions patinent entre la BMA et la direction du NHS, le secretary à la santé, Jeremy Hunt, a choisi l’épreuve de force en déclarant qu’il imposerait les termes du contrat si les négociations devaient échouer. Il a annoncé un rallongement de l’amplitude de travail sans hausse de salaire, l’abandon de l’augmentation systématique des salaires chaque année et la réduction des périodes considérées comme heures supplémentaires. Ces mesures s’inscrivent, officiellement, dans le plan d’austérité conservateur, destiné à réduire la dette publique. Elles sont vécues comme autant de provocations pour les junior doctors qui ont voté massivement – 37 000 sur 45 000 ont participé au scrutin – en faveur de l’arrêt de travail. La dernière grève de cette corporation remonte à… 1975.

Jeremy Hunt joue avec la vieEn matière de provocations, Jeremy Hunt n’a pas fait dans la demie-mesure. Accusant une « faction radicale » du BMA de pratiquer le « tory bashing », il a voulu politiser le mot d’ordre de grève. Le secrétaire à la santé a également expliqué que les junior doctors prenaient le risque de mettre la vie de patients en péril avec leur arrêt de travail. Il a également validé, si ce n’est sollicité, un courrier extrêmement brutal du directeur médical du NHS pour l’Angleterre, Bruce Keogh. En décembre 2015, ce dernier s’est adressé à la direction de la BMA pour demander si les praticiens pourraient, tout de même, « apporter leur aide dans le cas d’une attaque terroriste » similaire à celle de Paris. Selon les informations publiées, les officiels du département de la Santé auraient été consultés sur le contenu de cette missive, qu’ils auraient souhaité rendre « la plus tranchante possible ».

Même le leader Lib-Dem Tim Farron a dénoncé cette tentative de « politiser les attaques terroristes » contre Paris, la qualifiant de « plus vile politique politicienne » depuis des années. Pourtant, les officiels du NHS ont continué de faire monter la pression sur les junior doctors. La palme revient à la responsable des médecins du NHS, Dame Sally Davies. Elle a déclaré, dans le Sunday Times, sa « sympathie » pour les internes tout en leur demandant de renoncer à la grève. « L’arrête de travail provoquera des souffrances parmi les patients et aucun médecin ne veut voir cela », a-t-elle ajouté. Le gouvernement et le NHS se retournent vers l’opinion pour tenter de décrédibiliser le mouvement plutôt que d’engager de réelles négociations.

Sans junior doctors le NHS est en grande difficultésPour autant, l’association de patients a refusé de rentrer dans ce jeu. Elle a, au contraire, fait part de sa compréhension envers les junior doctors qui rappellent leurs inquiétudes pour la sécurité des malades si l’amplitude de leurs horaires de travail venait à être étendue. Katherine Murphy, sa présidente, a appelé toutes les parties à la raison. « Dans ce conflit, chacun doit se rappeler que leur premier devoir est de prendre soin des patients », a martelé la responsable. Elle a rappelé les conséquences pour les malades du précédent préavis de grève, qui a été levé in extremis sur l’engagement d’une reprise des pourparlers. Heidi Alexander, shadow secretary à la santé, est elle aussi montée au créneau. Rappelant que personne ne voulait la grève « encore moins les junior doctors », la parlementaire travailliste a dénoncé la responsabilité de Jeremy Hunt dans l’échec des négociations : « Depuis le premier jour où le secrétaire à la santé a pris en main les pourparlers, cela a été un total désastre. Il n’y a qu’une seule personne que les malades doivent condamner pour cette grève et c’est Jeremy Hunt ».

Dans un communiqué, la BMA a réfuté toutes les accusations du gouvernement sur une éventuelle politisation du conflit. « Notre syndicat est apolitique et l’appel à la grève a été décidé par les junior doctors eux-mêmes, explique un de ses porte-paroles. Le vote à 98 % témoigne de la force du sentiment qu’éprouve la profession face aux positions du gouvernement qui sont nuisibles à la santé des patients et injustes pour les internes. » Faute d’une nouvelle négociation, l’arrêt des consultations sera de 48 heures à compter du 26 janvier. La menace d’un arrêt de toute opération, même en urgence, plane sur le 10 février prochain.

Nathanaël Uhl

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