Cameron ressort très handicapé de sa semaine budgétaire

Depuis l’annonce de son budget, la semaine passée, le parti conservateur au pouvoir traverse une période difficile. David Cameron, le premier ministre en tête, se serait sûrement bien passé d’une dizaine de jours qui a vu la guerre qui déchire son parti prendre une telle ampleur. Jeudi 24 mars, Cameron a subi sa plus violente charge depuis les élections générales de mai dernier. Un des plus généreux donateurs des Tories a en effet appelé à sa démission au lendemain du référendum et ce, quel qu’en soit le résultat.

C’est bien la question européenne qui a porté à son paroxysme la guerre interne qui ravage le parti conservateur. L’antagonisme entre les deux courants : favorables au maintien dans l’Union européenne rassemblés derrière le duo Cameron-Osborne d’un côté, partisans du Brexit derrière Boris Johnson, le maire de Londres, a eu des conséquences lourdes sur la présentation du budget 2016. Le Secrétaire d’Etat au travail et aux pensions, l’eurosceptique Iain Duncan-Smith a démissionné vendredi 18 mars. Il a motivé ce geste symbolique par son opposition aux coupes budgétaires dans les allocations versées aux personnes handicapées, lesquelles devaient initialement culminer à 4,4 milliards de livres sur la durée du mandat. Ces réductions budgétaires ont pour but de financer, entre autres, les exonérations d’impôts bénéficiant aux familles les plus aisées.

Entre Iain Duncan-Smith et George Osborne, ça n'a jamais été le grand amour

Entre Iain Duncan-Smith et George Osborne, ça n’a jamais été le grand amour

En critiquant l’orientation générale de la politique économique, décidée et mise en œuvre par le chancelier de l’Echiquier George Osborne, le très droitier Duncan-Smith a mis le feu aux poudres. Qualifié aimablement de « merde » par le Premier ministre, le secrétaire d’Etat démissionnaire a considérablement affaibli les chances d’Osborne de pouvoir succéder à David Cameron, comme leader des Tories et donc comme premier ministre. Engagé en faveur du Brexit, Duncan-Smith, lui même ancien patron des Conservateurs, ouvre la voie à un Boris Johnson, candidat non déclaré à la succession. C’est l’autre effet direct de sa démission fracassante.

Pour ceux qui n’auraient pas compris la manœuvre, alors que Cameron et Osborne ont abandonné officiellement les restrictions budgétaires frappant les handicapés, Alexander Termenko, un des financeurs du parti, a conclu l’épisode en appelant à la démission du premier ministre au lendemain du référendum sur l’Union européenne, qui se tiendra le 23 juin. Bien que partisan du maintien, le businessman d’origine ukrainienne et patron du groupe OGN a profité d’une tribune au Guardian pour apporter son soutien à Boris Johnson, comme successeur de David Cameron.

« Nous pouvons être opposés sur la question européenne, écrit Alexander Termenko, mais je considère plus que jamais que Boris Johnson offre le meilleur espoir pour restaurer l’unité du parti conservateur et ré-établir la voix de la Grande-Bretagne comme une grande voix en faveur de l’ouverture et de la coopération internationale. »

La campagne de Cameron en faveur du maintien est plombée.

La campagne de Cameron en faveur du maintien est plombée.

Cette déclaration n’est pas passée inaperçue. Termenko pèse 330,000 livres de dons en quatre ans pendant que son entreprise a, de son côté, versé 470,000 livres aux tories sur la même période. Cameron se voit donc contesté de tous côtés, comme si les conservateurs ne lui étaient plus reconnaissants de savoir gagner des élections, à défaut de savoir quoi faire de ces victoires. Le premier ministre peut se mordre les doigts d’avoir annoncé, dès avant le résultat des élections de mai 2015, qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Si son leadership est remis en cause aujourd’hui, il en est le principal responsable.

George Osborne, qui est son dauphin, paie, de son côté, des erreurs stratégiques répétées. Partisan de la ligne libérale qui fait porter aux Britanniques modestes la réduction du déficit public, le chancelier de l’Echiquier a dû encaisser plusieurs défaites symboliques depuis son retour au 11 Downing Street. Il a été battu par la chambre des Lords sur les crédits d’impôt aux populations défavorisées. Il a dû effectuer une nouvelle volte-face sur la question des aides aux handicapés. Il a enfin dû reculer sur la hausse de la TVA sur les produits d’hygiène, la fameuse « tampon tax ».

Bo Jo attend son heure

Bo Jo attend son heure

Il se pourrait bien que le duo Cameron-Osborne doive aussi bientôt reculer sur son projet de transformation des écoles anglaises en academies. Ce projet, qui vise à sortir l’enseignement primaire de la tutelle des councils, qui en assument la responsabilité aujourd’hui. L’annonce d’une privatisation de l’enseignement élémentaire a provoqué une nouvelle grogne de la base conservatrice, notamment des élus locaux qui n’ont pas été concertés. La grogne a même gagné la constituency du premier ministre. Adjointe au sein de l’Oxfordshire County Council, Melinda Tilley, élue depuis 18 ans, ne cache pas sa colère.

« Je pense que je vais devoir faire avec mais je crois qu’ils sont devenus dingues », déclare la conservatrice.

Nathanaël Uhl

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Bonus vidéo : PJ Harvey – The Last Living Rose (Let England Shake)

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