Brexit : après le meurtre de Jo Cox, dernière ligne droite vers le référendum
Et, dans un ultime effort, le camp du maintien a repris des couleurs. La campagne référendaire sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne a repris dimanche, après une interruption destinée à honorer la mémoire de la membre du parlement Jo Cox, assassinée par un terroriste proche de l’extrême-droite. Les derniers sondages font apparaître un sursaut de la campagne en faveur du maintien alors que la dynamique est, depuis le début, en faveur du Brexit. Les observateurs lointains sont prompts à expliquer ce revirement des enquêtes d’opinion par l’émotion suscitée par le meurtre de la jeune parlementaire travailliste. Il y a bien d’autres éléments à prendre en compte, dans un climat qui reste très tendu Outre-Manche.
La chambre des Communes a repris, de manière exceptionnelle, ses travaux pour un ultime hommage à la membre du parlement Jo Cox, assassinée jeudi dernier. La salle des débats, si bruyante et irrespectueuse d’habitude, a frappé par le silence qui marquait tous les bancs. Les interventions se sont succédé pour saluer la mémoire d’une élue très appréciée. Mais sa mort ne servira à rien, politiquement parlant. Et, pour sa mémoire, c’est sûrement mieux ainsi.
En premier lieu, la campagne pour la sortie a, depuis très longtemps, montré qu’elle ne disposait guère de réserves de voix. Les sondés favorables au Brexit se sont prononcés comme très déterminés, avec un taux de certitude du vote supérieur à 80%. La campagne en faveur de la rupture avec l’Europe est également très présente sur les réseaux sociaux où elle dispose de beaucoup de relais. Tout comme la campagne en faveur de l’indépendance de l’Ecosse dominait dans l’expression digitale. Avec le résultat que l’on connaît : à la sortie, le camp du rattachement à la Grande-Bretagne l’a emporté avec dix points d’avance.
Dans cette dernière ligne droite, le vote a lieu jeudi 23 juin, l’électorat favorable au maintien du Royaume-Uni dans l’Europe semble se réveiller enfin. Les jeunes, particulièrement, se rendent compte que ce référendum les concerne. Et le Labour parvient à mieux se faire entendre de son électorat. Si l’assassinat de Jo Cox a eu un effet, il est là. En focalisant l’attention sur le parti travailliste, il a rendu plus audible l’argument progressiste en faveur du maintien dans l’Union européenne. Et il a ressoudé le Labour avec son électorat. Mais cet effet est marginal. Il est assez crapuleux de faire un lien direct entre le cadavre d’une parlementaire respectée et le sursaut de la campagne pro-européenne.
C’est que les Britanniques ne sont pas aussi idiots que beaucoup les croient sur le continent. Ils prennent le temps de réfléchir. Et que, contrairement aux appels à une campagne plus apaisée et moins caricaturale, le camp du leave comme celui du remain ont repris avec entrain leurs exagérations respectives. Chacun peut se renvoyer, à juste raison, l’accusation de jouer sur les peurs de l’électorat. Le camp conservateur du maintien agite le spectre d’une crise économique grave en cas de sortie. Le camp du Brexit annonce des hordes de migrants déferlant sur le Royaume-Uni en cas de victoire du maintien. Et le leader des europhobes UKIP fait éditer une affiche dont la construction renvoie à la propagande nazie des années 30.
Après le meurtre de Jo Cox, la campagne a donc repris comme si de rien ne s’était passé. A telle enseigne que l’ancienne présidente du parti conservateur, la baronne Warsi, a quitté le camp du Brexit.
Elle a expliqué son choix par le caractère « raciste » d’une ligne politique axée essentiellement sur l’immigration, les « mensonges » du Brexit et sa « politique de la haine ».
La membre de la chambre des Lords a, depuis sa déclaration, fait l’objet de menaces de mort…
Il faut, dans ce cadre, relever la constance du Labour party dont l’essentiel des cadres et militants se battent en faveur du maintien. Depuis la reprise de la campagne, Jeremy Corbyn multiplie les interventions, que ce soit à la télévision ou lors de meetings publics. Il martèle le même message : « Ne laissons pas un Brexit conservateur mettre à sac les droits des travailleurs » et « ne vous trompez pas de vote : si le Brexit gagnait, il y aurait toujours des tories au 10 Downing Street ». Signe que le Brexit de gauche est parvenu à se faire – un peu – entendre, le leader du Labour party a pris le soin de développer la position qui est la sienne sur l’Europe depuis son arrivée à la tête de la maison travailliste. « C’est de l’intérieur que l’on peut changer les règles du jeu européen, pas de dehors », explique-t-il, en substance. Il s’engage, s’il est élu premier ministre, à agir en ce sens avec ses « alliés » : Podemos et Syriza, entre autres.
Ces derniers jours, Corbyn a également multiplié les allusions à une élection générale anticipée. Quel que soit le résultat du référendum. Que le maintien ou le brexit l’emportent, il sera difficile pour le premier ministre David Cameron de trouver une majorité à la chambre des Communes. Le poids lourd du camp du Brexit et secrétaire d’Etat à la justice, Michael Gove, a d’ores et déjà annoncé qu’il quittera le gouvernement si la Grande-Bretagne reste au sein de l’Union européenne. Autant dire que la crise de parti que devait régler le référendum a plutôt fini par atteindre son paroxysme.
Nathanaël Uhl
Bonus vidéo : Anne Clarke – Our Darkness