Parti travailliste : Owen Smith rentre dans la course au leadership

Après une semaine dominée par l’arrivée de Theresa May au 10 Downing Street, le parti travailliste continue de se donner en spectacle. Après le lancement de campagne raté d’Angela Eagle, c’est au tour d’un autre membre démissionnaire du shadow cabinet, Owen Smith, de se présenter face à Jeremy Corbyn, le leader élu du Labour. Le climat se tend encore un peu plus au sein des travaillistes. Les opposants à Corbyn ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un seul nom alors que les prétendants ont jusqu’au mercredi 20 juillet pour déposer leurs parrainages. Par ailleurs, les règles fixées par le National Executive Committee (NEC, instance de régulation du Labour) pour définir le collège électoral ont créé une vague de protestation. Corbyn lui même a exprimé son désaccord.

Les adhérents ou nouveaux adhérents ont jusqu’à mercredi soir pour se faire inscrire, moyennant la modique somme de 25 livres. Lors du précédent leadership, les supporters ne devaient débourser que 3 livres. Les adhésions enregistrées depuis le 12 janvier ne seront validées qu’après paiement de la somme. Enfin, alors que chaque camp se renvoie l’accusation d’intimidation et que différents membres du parlement (dont Corbyn et son bras droit John McDonnell) ont fait l’objet de menaces de mort, le NEC a suspendu toutes les réunions des constituency labour parties (CLP, organisations travaillistes de base) pour « raisons de sécurité ». Dans ce contexte délétère, Corbyn a lancé un appel au respect pour que la course au leadership se déroule dans un climat apaisé.

Le CLP d'Angela Eagle a voté son soutien à Corbyn

Le CLP d’Angela Eagle a voté son soutien à Corbyn

Ce climat n’a pas empêché certains CLPs de se réunir. Mais les décisions prises ont été cassées, notamment quand deux CLPs ont élu des proches de Corbyn comme dirigeants… La décision du NEC d’autoriser le leader élu à se représenter sans avoir besoin de parrainages ne valait pas blanc-seing en faveur du membre du parlement pour Islington-North. Et ses partisans expriment leur colère contre la haute autorité travailliste soupçonnée de vouloir piper les dés.

C’est dans ce contexte qu’Owen Smith, membre du parlement pour Pontyprid au Pays-de-Galles, a officialisé sa candidature au leadership dimanche 17 juillet. Il a rappelé que les opposants à Corbyn devaient présenter une candidature unique pour maximaliser leurs chances de battre le sortant. Mettant en avant son profil plus à gauche, Owen Smith se présente comme le mieux placé pour y parvenir. Un geste guère apprécié par Angela Eagle et ses proches. Il faudra peut être une réunion du Parliamentary Labour party (PLP, le groupe parlementaire) pour les départager. Mais Angela Eagle semble décidée à aller jusqu’au bout quitte à transformer le duel tant souhaité par certains en confrontation à trois.
Pas plus que sa rivale de la « soft left », Owen Smith ne présente un agenda politique différent de celui du leader. Eagle a d’ailleurs précisé que, selon elle, « la politique n’est pas une affaire de confrontation »… Elle se présente uniquement pour « restaurer » le leadership. Si Eagle déplore que Corbyn ait le droit de concourir à nouveau, Owen Smith s’en félicite. Il a d’ailleurs présenté son programme comme « aussi radical » que celui de Corbyn mais avec « davantage de crédibilité ». Le membre du parlement pour Pontyprid a tenu à faire la différence sur un point : l’Europe. Dans un mouvement qui peut trouver écho chez les Lib-Dems, il s’est engagé à tenir un second référendum sur l’appartenance à l’Union Européenne s’il venait à être élu premier ministre.

Cette absence de différenciation sur les grandes lignes politiques a provoqué la colère de John Prescott.

Ancien vice-premier ministre sous Tony Blair, le pair du Royaume a publié une tribune dans le Sunday Mirror pour dénoncer « un groupe de parlementaires amers (…) qui n’ont jamais admis l’élection » de Corbyn.

Rappelant la réforme du mode de désignation du leader, qui fonctionne désormais sur le principe « un membre une voix », il a invité les membres du parlement à se soumettre à la nouvelle règle démocratique.

Les supporteurs de CorbynCe lundi sera pourtant l’occasion pour les travaillistes d’exposer au su et au vu de tous leurs divisions profondes. En effet, David Cameron, juste avant de partir du 10 Downing Street, a obtenu un débat suivi d’un vote, d’une portée certes indicatives, sur le renouvellement du parc nucléaire Trident. Ce dossier est la pomme de discorde entre Corbyn, qui est contre, et les syndicats qui le soutiennent, lesquels défendent le renouvellement au nom de la défense de l’emploi. Les membres travaillistes du parlement devraient exploser en trois groupes : contre (minoritaires), abstention (autour des alliés de Corbyn que sont Emily Thornberry et Clive Lewis) et pour. Un joli cadeau pour Theresa May.

On devrait savoir mercredi en fin de journée qui sont les concurrents qui resteront en lice pour affronter Corbyn. La seule certitude demeure que ce leadership laissera des traces durables dans un parti qui vit au rythme de ses crises internes depuis plus de 10 ans. Peut être faut-il aussi chercher dans cet état de faits les raisons du divorce avec l’électorat.

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