Parti travailliste : John McDonnell, un bras droit taille patron pour Jeremy Corbyn

Meilleur allié, meilleur ami, directeur de sa campagne, numéro deux de son shadow cabinetJohn McDonnell est à Jeremy Corbyn, ce que l’eau est à la vie. Les deux hommes sont liés depuis des décennies. Patron de la gauche du parti travailliste depuis le retrait de Tony Benn, John McDonnell est celui qui a poussé Corbyn à se présenter au leadership du Labour party en juin 2015. Et si le membre du parlement pour Islington-North est bien parti pour conserver son mandat de leader du plus important parti de gauche en Europe, avec plus de 500,000 adhérents, il le devra encore au liverpuldien fils de docker. Formé à l’organisation au sein de la rude école des trade unions, John McDonnell est aussi un « bureaucrate », selon ses propres termes, du parti travailliste qui, à 29 ans, était vice-président du conseil de Londres en charge d’un budget de 3 milliards de livres.

Le syndicalisme, John McDonnell est né dedans. Quand le chômage vient frapper les docks de Liverpool, son père devient chauffeur de bus puis est élu secrétaire de la branche locale du Transport and General Workers’ Union (syndicat des travailleurs des transports). Les résultats scolaires du jeune John lui permettent d’intégrer une Grammar school à Great Yarmouth, mais il quitte l’établissement à l’âge de 17 ans pour aller travailler dans le commerce. Il enchaîne les petits boulots puis reprend ses études, d’abord en sociologie et histoire économique à Burnley, dans la banlieue de Liverpool. À l’âge de 23 ans il entre à l’Université Brunel, où il obtient une licence en sciences politiques. Marié jeune puis divorcé, en parallèle à ses études il aide son ex-épouse à s’occuper d’une dizaine d’enfants dans un foyer pour enfants orphelins ou retirés à leurs parents. Il obtient par la suite un diplôme de Master en sciences politiques et en sociologie au Birkbeck College de l’Université de Londres.

Aux côtés de Ken Livingstone (avec le poing levé), le jeune McDonnell.

Aux côtés de Ken Livingstone (avec le poing levé), le jeune McDonnell.

A 23 ans, alors qu’il travaille au département d’assurance sociale du National Union of Mineworkers (le syndicat national des mineurs), il rejoint le parti travailliste. Il rejoint ensuite le département d’assurance sociale du Trade Unions Congress. C’est à partir de 1981 qu’il prend ses premières responsabilités politiques. Âgé de 29 ans, il est élu membre du Conseil du Grand Londres (Greater London Council), représentant la constituency de Hayes et Harlington pour le Labour. Il est nommé numéro deux de l’administration municipale dirigée alors par Ken Livingstone. Il est chargé des finances et du budget. A ce titre, McDonnell met en place une politique de grands investissements dans les services publics. Livingstone le limoge, peu avant que le Conseil du Grand Londres ne soit abrogé par le gouvernement de Margaret Thatcher en 1986.

A cette époque, McDonnell est déjà engagé à la gauche du parti travailliste et son franc-parler en font une figure controversée au sein des cercles militants. Si beaucoup considèrent Livingstone comme une figure très à gauche au sein du parti travailliste, en 1984-1985, John McDonnell le juge trop « modéré ». Leur querelle se focalisera sur l’attitude à adopter quand un tribunal interdit au Greater London Council de baisser les tarifs des transports publics. Livingstone entend suivre la position du gouvernement. Le jeune McDonnell plaide pour la désobéissance et propose de lancer une campagne appelant les usagers à ne plus payer les transports. Ce désaccord permettra à Livingstone de se débarrasser de celui qui est désormais son rival.

John McDonnell sur un piquet de grève Des rebellions, il y en aura d’autres, souvent sans plus de résultats qu’à Londres. Elu membre du parlement pour Hayes et Harlington pour la première fois en 1997, lors de la vague rouge déclenchée par Tony Blair, John McDonnell inaugure sa présence à la chambre des Communes en votant contre une décision prise par le gouvernement… travailliste. Il est le parlementaire travailliste qui a le plus défié les consignes de vote de son parti, après Jeremy Corbyn, lequel a été élu en 1983. Les deux hommes se rejoignent sur la plupart des analyses, ils sont également très amis à la ville, partageant tous les jeudis un plat végétarien dans un restaurant indien. Si l’un peut aisément finir la phrase de l’autre, beaucoup les oppose en termes de caractère.

Autant Corbyn est aimable et prévenant, autant McDonnell peut apparaître comme un bloc de glace. A croire qu’il cultive un aspect antipathique à l’encontre de ses nombreux adversaires. Il faut dire que le fils de docker ne mâche pas ses mots. Ainsi, on lui prête d’avoir suggéré, dans un pub où il buvait un coup avec des sympathisants des Républicains irlandais en 1986, de « casser les genoux » (méthode punitive favorite de l’IRA) à quelques conseillers de Londres « sans tripes ». En 2010, dans un studio de la BBC, il affirme qu’il remonterait volontiers dans le temps pour assassiner Margaret Thatcher. Il présente rapidement des excuses pour ses mots « horribles » et plaide un sens de l’humour singulier. Qu’il faut lui reconnaître. Ceux qui connaissent et apprécient McDonnell affirment qu’il a un sens de l’humour pessimiste, basé sur l’autodérision et que ses plaisanteries sont une forme d’auto-parodie.

John McDonnell et le Petit Livre rouge de MaoC’est probablement dans ce contexte qu’il faut apprécier une de ses premières sorties en tant que shadow chancelier de l’Echiquier, face à Osborne alors tenant du titre. Alors que le très aristocrate Osborne tentait de se parer de vertus anti-austéritaires, McDonnell a alors sorti Le Petit Livre rouge de Mao. Un geste peu apprécié, même parmi les plus convaincus des Corbynites. Mais lorsque le leader du Socialist Campaign Group affirme qu’il faudrait « honorer » les membres de l’IRA « pour leur lutte », là il ne plaisante plus. Et peu lui importe le scandale que provoquent ses propos. Un ancien assistant de l’époque du Great London Council le résume ainsi :

« Il a ses principes. Il leur reste fidèle. Il se détruira en fin de compte s’il pense qu’il le doit, pour défendre ce en quoi il croit. C’est un personnage fort, mais quelque part, profondément à l’intérieur, il y a un mécanisme d’auto-destruction. »

C’est peut-être pour cela, et pas uniquement en raison de l’attaque cardiaque à laquelle il a survécu il y a quelques années, que McDonnell a lancé le chapeau de Corbyn sur le ring du leadership l’an passé. Le patron de la gauche travailliste connaît ses qualités mais aussi ses limites. S’il doit monter en première ligne, ce ne sera pas pour lui-même mais pour distribuer les coups à la place de celui qu’il a fait roi. En temps de calme, il retourne à l’obscurité des comités restreints pour élaborer le nouveau programme économique du parti travailliste, qu’il laisse appeler, en souriant, les Corbynomics.

John McDonnell est enfin celui qui, dans la notice que lui consacre le Who’s Who, cite parmi ses passions l’abolition du capitalisme aux côtés du jardinage, du vélo et de l’arbitrage de matches de football.

Nathanaël Uhl

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