Au Labour, l’aile gauche hors jeu : l’exemple de Manchester

Les élections législatives partielles se suivent et se ressemblent pour l’équipe de Jeremy Corbyn. Ainsi, dans la constituency de Manchester-Gorton, le décès du membre du parlement Gerald Kaufamn, élu depuis 34 ans, a lancé la course à l’investiture. Dans cette circonscription acquise de longue date au parti travailliste, l’aile gauche du parti demeure a montré, une nouvelle fois, son incapacité à faire désigner un candidat proche de sa ligne politique. Comme à Oldham, Stoke-on-Trent ou Londres…

Malgré l’appui du puissant syndicat Unite, l’aile droite du parti démontre qu’elle n’a pas perdu la main sur l’appareil. Momentum, le « contre Progress » créé dans la dynamique de la victoire de Corbyn en 2015, et ses quelques dizaines de milliers d’adhérents sont loin de peser dans les organisations locales du parti. Le think tank blairite Progress, avec ses outils clé en main, ses formations et sa logistique, tient la dragée haute à ses adversaires.

Gerald Kaufman

A Manchester-Gorton, outre que le candidat proche du leader travailliste a été sèchement écarté, Georges Galloway (ex Labour et dirigeant de Respect) annonce qu’il va se présenter à l’élection législative partielle. Le parti Libéral-Démocrate voit cette candidature à « gauche » du Labour d’un bon oeil et espère rafler la circonscription. Certes, Galloway n’est pas un Mancunien alors que le Labour privilégie beaucoup, en ce moment, les candidats issus du cru. Mais, avec sa grande gueule légendaire, George Galloway se présente dans la « mère de toutes les élections partielles (référence à mère de toutes les batailles) comme l’alter ego de Sir Alex Fergusson, Jose Mourinho et Pep Guardiaola, entraîneurs des clubs  de foot de la ville.

Manchester Gorton est un bastion travailliste. Le Membre du Parlement  Gerald Kaufman avait été réélu confortablement en 2015 avec plus de 24,000 voix de majorité.

Le conflit interne au Labour se déplace au sein du syndicat Unite

L’échec local des Corbynites à Manchester illustre une mauvaise passe pour le leader travailliste. Le Labour relève ce 22 mars que 40,000 de ses adhérents ne sont pas à jour de leurs cotisations. Dans ce contexte, la réunion du Parliamentary Labour party (le groupe parlementaire, une des trois composantes statutaires du parti) a été une nouvelle fois houleuse lundi 20 mars. Et le lendemain, Tom Watson, le deputy leader, a joué le chaud et le froid.

D’un côté, il a cosigné une déclaration d’apaisement avec Jeremy Corbyn appelant à l’unité. De l’autre, il a renouvelé ses attaques à l’encontre de Momentum, qu’il dépeint toujours comme le cheval de Troie de l’extrême-gauche afin de déstabiliser le Labour Party. Cette accusation du numéro 2 du parti n’est pas nouvelle et n’est toujours pas étayée par des éléments concrets. En réalité c’est le principal soutien de Jeremy Corbyn, Len McCluskey et le syndicat Unite, que Watson vise. Ces dernières semaines, le ton est monté entre les deux hommes.

Le numéro deux  travailliste a ressorti son accusation à l’égard de Momentum, alors que le syndicat Unite envisage de le financer directement. Auparavant, la direction nationale de Unite avait bloqué la somme de 10,000 livres que le syndicat local des West Midlands avait envisagé de verser à l’eurodéputé Siôn Simon, candidat travailliste au mayoral des West Midlands. Le siège de Unite s’interrogeait sur les conditions de désignation de ce candidat, alors que l’élection a lieu dans la circonscription de Tom Watson, dont Simon est un proche. A la lumière de ces éléments, on comprend mieux pourquoi Watson, adepte des jeux de billard à trois bandes, cogne sur Momentum.

Cette tension rejaillit sur la campagne en cours pour la réélection du secrétaire général du syndicat Unite. En effet, le secrétaire du syndicat régional des West Midlands, Gerard Coyne, qui souhaite donc financer le candidat Simon, se présente face à Len McCluskey, qui brigue le renouvellement de son mandat. Gerard Coyne s’était montré critique en 2016 quand Unite avait financé la campagne pour la réélection de Jeremy Corbyn, à hauteur de 100,000 Livres. Ambiance…

Pas sûr que le communiqué conjoint de Jeremy Corbyn et Tom Watson censé apaiser l’atmosphère produise le moindre effet d’ici la fin du scrutin interne à Unite. Pas plus qu’il ne risque d’être suivi d’effet au sein du Labour et plus particulièrement auprès du groupe parlementaire, plus que jamais critique à l’égard de Corbyn.

La déclaration commune de Watson et Corbyn n’est pas si anecdotique qu’elle en a l’air. Les termes choisis montrent combien le navire travailliste tangue, tiraillé qu’il est entre les diverses sensibilités qui l’animent. La crise de basse intensité n’en est pas moins violente.

Déclaration commune de Jeremy Corbyn et Tom Watson

« Le shadow cabinet s’est réuni pour discuter de la politique du parti travailliste et des propositions en vue des élections. L’échange a été vigoureux et constructif et a porté sur les enjeux ainsi que les possibilités auxquels le parti doit faire face.

Le cabinet fantôme s’est accordé sur le besoin de renforcer l’unité du parti. Il a reconnu le droit de toutes les composantes organisées au sein de l’ensemble du parti de présenter leurs options et d’essayer d’influencer le Labour, tant que cela se passe dans le respect des statuts.

Le leadership représente l’ensemble du parti et pas une seule de ses sensibilités. Personne ne peut s’exprimer au nom du leadership à part le leader, le deputy leader et leurs porte-paroles respectifs.

Le shadow cabinet s’est accordé sur la stratégie en vue des élections locales mais aussi pour mettre en lumière ce que le parti travailliste peut et doit proposer à l’ensemble du pays après sept années d’austérité conservatrice, en termes d’emploi, de logement, d’éducation ainsi que de protection sociale et de santé.

Nous nous battrons pour une Grande-Bretagne où personne ne soit retenu en arrière et où chacun pourra mener une vie accomplie. »

One comment

  • David Pavett

    The story about Unite financing Momentum appears to be a fabrication by Tom Watson. Len McCluskey responded thus

    It is small surprise that he has then worked to split the Party again this week. …

    This time, the allegation is that I was secretly in cahoots with Momentum founder Jon Lansman to bankroll his pressure group.

    That was at breakfast. By lunchtime I was no longer the scheming mastermind, but Unite Chief of Staff Andrew Murray was doing the conspiring instead. By evening, he may well have been blaming the Unite caretaker for digging a secret tunnel linking Unite HQ to Jon Lansman’s home.

    The fact is that I have never had a private meeting with Lansman about anything in my life, let alone on this alleged scheme.

    Anyway, backing groups like Momentum is not my decision to take, as Watson will know. Only Unite’s Executive could decide to support such an organisation, and there is no proposal that it should do so.

    It is true that the right of the Labour Party still controls its administrative machine and is using that position to block the advance of the left, including in the selection of candidates for central and local government elections. At the same time the majority of party members support Corbyn. His supporters have doubled the size of the Party in the last 18 months or so taking its membership to over 500, 000.

    A problem for the left is that many of these new members do not seem keen to become active in the party beyond voting for its leaders. They are sometimes referred to as « keyboard Corbynistas », people for whom political activity begins and ends with declarations on Facebook or Twitter.

    A second problem is the failure of the left (from Corbyn and his supporters) to contribute to the party’s rather bare policy cupboard. At the moment Labour is going through the process of considering a raft of astonishingly vacuous draft policy statements. I have tried to highlight this problem here.

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