Elections générales 2017 : le journal – 14ème édition
A la veille du scrutin, c’est la fébrilité qui gagne les états-majors des grands partis mais aussi une partie de la presse. Les élections générales ont lieu jeudi 8 juin et l’incertitude la plus grande règne. Le Royaume-Uni se retrouve dans une situation quasiment inversée par rapport à 2015 quand, finalement, les conservateurs l’avaient emporté. A l’époque, deux instituts donnaient les tories vainqueurs et tous les autres évoquaient la perspective d’un hung parliament, un parlement suspendu car privé de majorité. Aujourd’hui, YouGov et Survation tablent sur une situation similaire et les autres sociétés de sondage tablent sur une victoire de Theresa May.
Les bookmakers, pas échaudés par leur déconvenue à l’occasion du Brexit, tablent sur une victoire tory. L’établissement Ladbrokes entrevoit une victoire qui permettrait aux Conservateurs de passer d’une majorité de 17 sièges actuellement à 70. La maison de paris rivale, William Hill, table sur un résultat plus modeste, entre 40 et 50 sièges.
Pour autant, l’état-major du parti bleu n’apparaît pas des plus confiants. Jon Snow, présentateur vedette de Channel 4, a ainsi déploré sur son compte twitter que, à l’approche du scrutin, Theresa May sera la première Première ministre à refuser de répondre à ses questions.
Le tabloid très ancré à droite, The Sun *, a également saisi cette veillée d’élection pour tenter un dernier coup contre Jeremy Corbyn. Il consacre sa une aux soit disant liens entre le leader travailliste et des prêcheurs islamistes considérés comme proches de Daesh. Dans un édito, le quotidien appartenant à Rupert Murdoch appelle clairement à voter conservateur pour garantir le Brexit.
Tentant de reprendre la main après les attentats de Manchester puis de Londres, le parti conservateur a raidi son approche. Rompant avec la tradition libérale chère aux Britanniques, elle a, dans un premier temps, proposé de « réguler Internet » pour contrôler la propagande islamiste radicale. Mardi 6 juin, elle a franchi un cap en déclarant :
« Si les lois sur les droits de l’Homme se mettent en travers de la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, nous changerons ces lois pour protéger le peuple britannique ».
Ces sorties ne doivent rien au hasard. Elles sont sensées tirer parti d’un point de fragilité chez Jeremy Corbyn. Pur produit du libéralisme philosophique du Royaume-Uni, le membre du parlement pour Islington-North est un fervent défenseur des libertés individuelles. Une vision qui l’amène à affirmer : « Les supporters de Daesh ne devraient pas être poursuivis en justice pour l’expression d’un point de vue politique ». Ce genre de sortie donne des armes à ses détracteurs, nombreux à gauche comme à droite. Incompréhensible de ce côté de la Manche, l’affirmation de Corbyn s’inscrit pourtant totalement dans la culture britannique.
Par ailleurs, le vétéran socialiste a dû remanier en catastrophe son shadow cabinet. Ce matin, à 24 heures du début des opérations de vote, il a procédé au remplacement de Diane Abbott, une de ses fidèles et en charge de l’Intérieur. Le communiqué de presse évoque sa mise à l’écart au profit de Lyn Brown, déjà en charge des questions de police, en raison d’une « maladie » de la titulaire du portefeuille.
Ces derniers jours, Diane Abbott s’était signalée par une série d’interviews ratés et de gaffes sérieuses. La membre du parlement pour Hackney (Londres) avait été placée en retrait, offrant aux conservateurs une cible de choix. « Au moment où il est question de la sécurité du pays, Corbyn cache sa shadow Home secretary », ont martelé les porte-paroles tories. Son remplacement in extremis ne donne pas le signe de la sérénité du camp travailliste.
Pourtant, le Labour finit effectivement sa campagne en pleine bourre. Mardi soir, il a tenu six meetings simultanés dans des villes extrêmement symboliques : Birmingham, Croydon, Warrington, Glasgow, Barry et Brighton. A chaque fois, des personnalités du monde de la culture, des groupes de rock et les principaux tenors travaillistes. Les observateurs s’accordent sur un point : les meetings du Labour ces dernières semaines drainent les foules les plus importantes depuis la campagne de 1983.
Le seul hic c’est qu’en 1983, avec un manifesto très à gauche et des affluences record lors de ses meetings, le parti travailliste a subi une des pires défaites de son histoire. Jeremy Corbyn espère que cette histoire ne se répétera pas.
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* La rédaction de Grey Britain boycotte The Sun en solidarité avec les victimes du massacre d’Hillsborough.