Labour Party : les proches de Corbyn prennent l’Ecosse et s’apprêtent à rafler le NEC
C’est à peine si Jeremy Corbyn ne marche pas sur l’eau. Tout semble réussir au leader du parti travailliste britannique. Depuis la bonne performance du Labour lors des élections générales, la gauche y renforce ses positions. Alors que les nominations pour les trois sièges créés au sein du National Executive Committee (NEC – organe de direction et de régulation des travaillistes) sont closes depuis dimanche 19 novembre, rien ne semble devoir empêcher les proches de Corbyn de rafler au moins deux des postes à pourvoir. Plus surprenant encore, Richard Leonard, positionné à gauche, a remporté le leadership du Scottish Labour.
Les résultats du scrutin interne pour désigner le successeur de Kezia Dugdale, démissionnaire, ont été annoncés le 18 novembre. Avec 56.7% des voix, Richard Leonard, membre du parlement écossais, a battu Anas Sarwar, ancien deputy leader des travaillistes écossais de 2011 à 2014. Soutenu par les syndicats, considéré comme un allié de Corbyn, Richard Leonard est un ancien permanent de la centrale syndicale GMB. Il fait d’ailleurs carton plein chez les adhérents des Trade Unions affiliés au Scottish Labour en obtenant plus de 77% des suffrages exprimés.
La campagne a été marquée par des tensions fortes entre les deux camps, qui n’ont pas manqué de taper, parfois, en dessous de la ceinture. Mais le résultat est sans appel. Anas Sarwar a reconnu sa défaite sans broncher et s’est déclaré disponible pour rejoindre le frontbench travailliste au parlement écossais d’Holyrood.
Cependant, et Richard Leonard n’a pas manqué de le souligner, le leadership de Corbyn coïncide avec le premier sursaut des travaillistes écossais. Lors des élections générales de juin dernier, le Scottish Labour a repris six sièges de membres du parlement alors que tout le monde s’attendait à le voir disparaître de la carte électorale.
Certains ne manqueront pas de lier la conquête du Scottish Labour, un résultat inédit pour la gauche travailliste, au soutien qu’a apporté, récemment, Gordon Brown à Jeremy Corbyn. Invité de la BBC le 10 novembre 2017, l’ancien premier ministre de 2008 à 2010, a salué le « phénomène » Corbyn. Réputé de centre-gauche, le plus célèbre des travaillistes écossais a expliqué la percée de son lointain successeur à la tête du Labour :
« Il exprime la colère des gens par rapport à ce qu’il se passe – leur mécontentement. Quand (Corbyn) attaque Universal Credit, il parle au nom de beaucoup. Quand il dit que notre système de santé n’est pas suffisamment financé, il dit ce que beaucoup pensent. »
Gordon Brown est allé encore plus loin en témoignant de sa confiance en John McDonnell, le shadow chancelier de l’Echiquier et bête noire des membres du parlement modérés au sein du Labour. Cette sortie n’a pas pu passer inaperçue : l’Ecossais a été le ministre de l’Economie et des Finances de Tony Blair pendant dix ans. Brown a réfuté tout tournant à gauche de sa part. Il a cependant conclu sur le fait que « le New Labour n’a pas fini le boulot en réussissant à inverser la courbe des inégalités ni en mettant fin aux mauvaises pratiques bancaires ».
Ce soutien n’aura assurément fait aucun mal à Jeremy Corbyn et à ses proches alors que trois sièges sont mis en jeu au sein du NEC. Ce sont des créations qui visent à faire passer de neuf à douze le nombre de représentants des adhérents au sein de l’instance de direction travailliste. Une décision qui s’inscrit dans la transformation du vénérable Labour en un « mouvement », selon la volonté du leader élu en 2015 et réélu confortablement en 2016.
La gauche du parti travailliste a présenté une liste menée par John Lansman, chair de Momentum. Le pari pouvait sembler risquer tant le mouvement de masse créé par les proches de Corbyn dans la foulée de sa victoire de 2015 paraît encore clivant. Momentum n’est pas, formellement, une composante du Labour, même si les dirigeants de l’organisation invitent ses membres à adhérer au parti travailliste. Signe de cette tension persistante, Jon Lansman n’a pas été nominé par son propre Constituency Labour Party (CLP – organisation travailliste de base). Des trois candidats présentés par la gauche, il est celui qui obtient, à l’heure où ces lignes sont écrites, le moins de soutien.
De l’autre côté, une liste se présente, menée par le comédien et humoriste adepte du travestissement Eddie Izzard. Pro-européen fervent, Izzard a placé sa candidature sous les auspices de la « diversité ». Si sa liste revendique son « indépendance », des rumeurs font état du financement de sa campagne par Labour First, un groupe classé à droite du parti travailliste.
Les nominations se sont conclues dimanche 19 novembre. Les résultats sont attendus ce lundi dans la journée. Au regard des premiers CLPs qui se sont prononcés, la victoire ne semble pas devoir échapper aux proches de Corbyn. Ces derniers pourraient obtenir au moins deux des sièges en balance. Néanmoins, porté par sa popularité, Eddie Izzard, porté par sa grande popularité, a une chance solide de siéger au NEC.
Il y sera rejoint par Richard Leonard. Le leader du Scottish Labour est, à l’instar de son homologue gallois, membre de droit de l’organe dirigeant des travaillistes. Au final, la gauche du parti verra ses positions renforcées. Corbyn aura donc les mains libres pour parachever la mutation du parti travailliste.