PMQs : avec la crise du NHS, Corbyn enfonce la Première ministre sans forcer

Et 2018 a commencé comme 2017 a fini. La crise hivernale du National Health Service (NHS) a été le plat de résistance de cette première séance de questions au Premier ministre (PMQs), comme elle l’avait été lors de la dernière de l’année précédente. Et, on pourrait se le rappeler, comme 2017 avait débuté. Le débat, qui a pour l’essentiel tourné à l’échange de statistiques, n’est certes pas à la hauteur des enjeux. Mais le leader de l’opposition a pu marquer, sans forcer, quelques points politiques face à une Theresa May pas remise de son remaniement raté.

C’est d’ailleurs sur ce sujet que Jeremy Corbyn tacle d’entrée, avec une attaque qui, même en Premier League, aurait pu valoir un carton jaune.

« La première ministre sait que le NHS est en crise puisqu’elle a essayé de virer le secrétaire d’Etat à la santé mais elle est trop faible pour pouvoir le faire », assène le leader du Labour.

Les statistiques concordent : il manque 16,000 lits. Selon les chiffres du gouvernement, ce sont 2.9 millions de patients et 2 millions d’opérations supplémentaires auxquelles le vénérable service public de santé est confronté. Il est facile, dans ce contexte, de multiplier les exemples de patients traités par les infirmières sur les parkings des hôpitaux. « Certaines passent leur temps à travailler dans ces conditions« , relève le membre du parlement pour Islington-North, témoignages à l’appui.  Selon les sources officielles, plus de 17,000 patients attendent dans les ambulances plus d’une demie-heure avant d’être pris en charge.

Tout en renouvelant les excuses du gouvernement, Theresa May maintient sa ligne : « Le NHS n’a jamais été mieux préparé à l’hiver que sous (son) gouvernement ». Elle tente de contre-attaquer en évoquant les dysfonctionnements du NHS au Pays-de-Galles, dont le contrôle est assuré par le parti travailliste au pouvoir. Corbyn rappelle que le financement du NHS gallois relève, lui, de Londres.

« Si le gouvernement a si bien préparé le NHS à faire face à la crise, pourquoi 55,000 opérations ont-elles dû être repoussées sine die ? », reprend le chef des travaillistes.

La première ministre se réfugie derrière le budget d’automne, qui a été l’occasion d’une rallonge de 2.8 milliards de livres pour le service de santé. Les professionnels du secteur en demandaient 4. Elle résiste donc en assénant :

« Nous veillerons à ce que les opérations annulées soient reprogrammées dans les meilleurs délais. Nous investissons des sommes record dans le NHS ainsi que dans la santé mentale. »

Jeremy Corbyn peut conclure en accusant le gouvernement de privatiser le service public de santé, ce qui offre l’opportunité à Theresa May de rappeler que Tony Blair a ouvert la voie. Chacun tient son rôle et déroule sa partition bien rodée sur le NHS.

Il y a tout de même une différence avec les premières séances de PMQs auxquelles s’est plié le leader travailliste. Fin 2015 et jusqu’en 2016, il rechignait à exploiter les tensions internes aux conservateurs. Sa référence explicite au remaniement gouvernemental raté et à la « faiblesse » de son adversaire montre que les choses ont bien changé.

Il a enfoncé le clou en rebondissant sur les propos de Jeremy Hunt rapportés par la presse ce matin. Fils d’un amiral de la Royal Navy, Jeremy Hunt aurait, pour justifier son maintien en poste, argué qu’un « capitaine ne quitte pas son navire ». Une phrase dont Corbyn s’est servi avec délectation :

« Ces propos sont la preuve que, sous le capitanat du secrétaire à la Santé, le navire est bien en train de couler ».

Certes, Corbyn prend donc du volume en matière de débat politicien. Mais force est de constater qu’il n’a proposé aucune politique alternative à celle que les tories mettent en oeuvre à l’heure actuelle. Il gagne au ministère de la parole face à une première ministre considérablement affaiblie, laquelle a trouvé le moyen de se prendre les pieds dans le tapis des convenances parlementaires.

Répliquant au leader de l’opposition, Theresa May utilise en effet une citation tronquée de la Shadow secrétaire à l’Education, Angela Rayner, sur la politique économique du Labour. Or, la travailliste était absente des débats, en raison d’un traitement médical. Ce faux pas a amené la chef du gouvernement à s’excuser piteusement.

Dans la suite de l’après-midi, la Chambre des Communes continue à travailler sur la crise hivernale du NHS. Elle examine une proposition travailliste d’allouer des fonds d’urgence au service de santé, pour faire face aux tensions actuelles. Les whips (parlementaires chargés de la discipline de vote) conservateurs ont fait savoir que la consigne est à l’abstention.

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