Brexit : Yanis Varoufakis défend le marché unique devant les parlementaires du Labour

Les Tories ne sont pas seuls à s’écharper autour du Brexit. De manière plus discrète certes, le Labour party cherche lui aussi sa ligne. Le leader travailliste, Jeremy Corbyn, a choisi de ne pas choisir. Se réfugiant derrière « le respect de la démocratie », sa posture vise à ne s’aliéner aucun pan de l’électorat en vue des échéances électorales à venir. Mais lundi 29 janvier, la sensibilité europhile du Labour a frappé un grand coup. Elle a invité Yanis Varoufakis, ancien ministre grec des Finances, figure de la gauche européenne, à s’exprimer devant le Parliamentary Labour Party (PLP, le groupe parlementaire).

L’intervention du fondateur du mouvement transnational paneuropéen Diem25 a coïncidé avec la publication d’un rapport rédigé à l’initiative du groupe pro-européen Open Britain, qui rassemble essentiellement travaillistes et libéraux-démocrates. Cette collection de contributions rédigées par des syndicalistes, des membres du parlement et des intellectuels est soutenue par le groupe Labour Campaign for Single Market (LCSM, les travaillistes en faveur du maintien dans le marché unique).

Heidi Alexander et Alison McGovern, les co-présidentes du LCSM, ont présenté le résultat des travaux en affirmant :

« Nous considérons qu’il n’y a pas de raison de gauche pour quitter l’Union douanière et le marché unique européen ».

Jeremy Corbyn et son bras droit, John McDonnell, expliquent, de leur côté, que le marché unique, « dans sa vision actuelle« , pourrait constituer un obstacle à certaines politiques du Labour party. Et de citer le retour en propriété publique du rail ou la lutte contre l’austérité. Sous le titre « En finir avec le mythe du Lexit » (sortie de l’union européenne sur un agenda de gauche), les contributeurs s’attachent à démonter ces arguments. Membre du parlement pour Hornsey et Wood Green (Grand Londres), Catherine West réfute ce qui tient, selon elle, d’une « confusion entre les règles du marché unique et de l’eurozone« , dont la Grande-Bretagne n’est pas membre.

L’intervention de Yanis Varoufakis, égérie de la gauche radicale depuis son passage au ministère grec des Finances, a donné du poids à ces arguments. Le « marxiste non-conformiste« , comme il se décrit lui-même, s’est livré à une défense passionnée de l’appartenance de la Grande-Bretagne au marché unique et, plus globalement, de son implication dans les politiques européennes. Devant un auditoire, majoritairement issu d’une autre culture politique, il a cité Marx pour appuyer son point de vue.

« Rappelez-vous que Karl Marx était favorable à la Zollverein, l’union douanière avec l’Allemagne. Pourquoi ? Parce qu’il pensait que cela pourrait accélérer le processus capitaliste. Or, sans le développement du capitalisme, nous ne pouvons renforcer les technologies dont le socialisme a besoin. »

Yanis Varoufakis a également défendu la « transnationalité » que met en avant le marché unique et, au-delà, l’appartenance à l’Union européenne : « Dans le Manifeste du Parti communiste, Marx rappelle que les communistes seront accusés de vouloir retirer la nationalité, l’ethnicité et la fierté nationale aux travailleurs avant de répondre que l’on ne peut pas enlever à quelqu’un ce qu’il n’a pas ».

Le fondateur de Diem25 a enfin proposé de préserver « la présence de la Grande-Bretagne dans la politique européenne et dans les mouvements progressistes nécessaires pour que l’Union européenne soit démocratique et soutenable pour les peuples ».

Avec cette intervention remarquée, les europhiles du parti travailliste ont marqué un grand coup. En effet, Varoufakis est considéré comme proche, au niveau des idées, de Jeremy Corbyn et John McDonnell. L’économiste grec n’a jamais caché sa sympathie pour Momentum, le groupe créé à cheval entre le Labour et le mouvement social, par les alliés de Corbyn. Il défend également l’idée que l’arrivée au pouvoir du leader du Labour changerait considérablement la donne en Europe.

Aussi controversé soit-il, l’ancien ministre grec incarne la lutte contre l’austérité menée par l’Union européenne. Or, il retire de cette expérience non pas la nécessité de quitter l’UE mais d’agir politiquement en son sein, considérant l’Europe des 28 comme un échelon d’action politique à part entière.

Aussi, Alison McGovern a pu aisément conclure son propos en appelant le leader du parti travailliste à « sortir du bois ». Reprenant les propos de Corbyn, elle a taclé : « Les mots ‘un Brexit pour préserver les emplois’ risquent fort de n’apparaître que comme une rhétorique maline sauf si le Labour se décide à soutenir effectivement la politique qui défendra les emplois en maintenant la Grande-Bretagne dans le marché commun et l’union douanière ».

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