Brexit (j-170) : l’étrange status quo
Après les conférences automnales du Labour Party et des conservateurs, il est temps de procéder à un état des lieux à quelques encablures du Brexit. Les négociations sont dans l’impasse sur certains points clés, tels que la question de la frontière en Irlande du Nord. Dans ce contexte tendu, la plupart des responsables politiques du Royaume-Uni ressortent des partitions bien rodées, entre menaces et déroulés de programmes.
Jeremy Corbyn et la direction du Labour se sont employés, lors de la conférence qui s’est tenue à Liverpool, à céder le moins de terrain possible. Malgré la polémique sur la désinvolture avec laquelle le leader du parti traite la question de l’antisémitisme dans le parti, cela n’affecte pas le nombre de ses soutiens. La plupart de ces derniers ne souhaitent voir dans ce feuilleton de l’été qu’un énième complot ourdi par une poignée de nostalgiques du Blairisme en mal de putsch. Malgré les secousses internes, l’actuelle direction tient le parti et s’offre le luxe de renforcer son emprise sur le National Executive Committee (NEC, l’instance dirigeante).
Pourtant, sur la question du Brexit, Jeremy Corbyn a dû reculer. La conférence s’est prononcée pour réclamer un référendum à l’issue des négociations. Sans enthousiasme, la direction a tout fait pour éviter la revendication d’une référendum posant à nouveau la question du maintien dans l’Union Européenne. Jeremy Corbyn a cru bon d’ajouter qu’il préfère au référendum de nouvelles élections générales.
Son bras droit et Shadow chancelier de l’Echiquier, John Mc Donnell, trace pour sa part les lignes du futur manifeste du Labour aux prochaines élections générales en se calant sur les revendications des Centrales Syndicales. Frances O’Grady, la secrétaire générale du Trade Union Congress (TUC) a avancé l’idée que les syndicats devraient avoir l’ambition de revendiquer la semaine de travail de 4 jours et de ne pas se cantonner à la défense de conquêtes acquises dans le cadre de l’Union Européenne. Cela dit, le pas en leur direction opéré par le Labour ne devrait pas satisfaire pleinement les syndicats qui souhaitent que le Royaume-Uni reste partie prenante du marché unique européen.
Theresa May est toujours au 10 Downing Street. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la première ministre zombie fait plus parler d’elle pour ses pas de danse sur Abba lors de la conférence que pour son discours politique aux allures de disque rayé. Alors qu’a travers le pays de plus en plus de collectivités locales se retrouvent en faillite, un an après l’avoir proclamé sans convaincre aux élections générales de 2017, Theresa May annonce que « l’austérité appartient au passé » si, et seulement si, la Grande-Bretagne obtient un accord sur le Brexit avec l’Union européenne.
Entre temps elle aura fait le dos rond face à un Boris Johnson qui a taillé en pièces les négociations en cours. Mais la menace ne vient pas directement de l’ex ministre des Affaires étrangères qui se garde bien de vouloir revendiquer le scalp de Theresa May au risque d’aggraver la crise politique. C’est du côté de Jacob Rees-Mogg et des dizaines d’élus autour de lui que l’on tient l’épée de Damoclès. Le chef de file des hard brexiters laisse les négociations se poursuivre non sans mettre la pression sur certains points clés. Et Theresa May s’exécute, annonçant par exemple que, dès la mise en oeuvre du Brexit, les citoyens de l’Union Européenne seront traités comme tous les autres migrants de la planète.
La tentation de nouvelles élections générales distillées par son cabinet est battue en brèche par les partisans du Brexit qui lui ont signifié qu’il est hors de question qu’elle dirige la prochaine campagne électorale. D’autant plus que les remuants élus du Democratic Unionist party (DUP – le parti unioniste nord-irlandais) menacent de retirer leur soutien à la première ministre. Arlene Foster, leur leader, s’est rendue à Bruxelles en ce début de semaine pour réaffirmer qu’elle s’oppose à un traitement dérogatoire pour l’Irlande du Nord, qu’elle entend bien arrimer à l’Angleterre.
Du côté de l’Ecosse, la leader du Scottish National Party (SNP – le parti nationaliste écossais), Nicola Sturgeon, a réaffirmé que les membres du parlement de sa formation soutiendraient un nouveau référendum sur le Brexit si un vote en ce sens était organisé à Westminster. Sans être une surprise, vues les positions pro-européennes du SNP, ce rappel donne de l’énergie aux partisans d’une nouvelle consultation alors que le Labour a fini par soutenir cette position.
Les nationalistes écossais continuent à mettre la pression sur le gouvernement de Londres pour que l’Ecosse, qui a majoritairement voté en faveur du maintien, ne soit pas forcé à quitter l’Union européenne. Ils rappellent qu’ils peuvent toujours organiser un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Pourtant, cette question ne figure pas à l’ordre du jour de sa conférence. Alex Salmon l’ex premier ministre, ne se prive pas de critiquer sa formation sur ce point, la jugeant bien trop prudente.
A l’ombre des grands partis, le parti Indépendantiste gallois change de tête, mais pas de discours. Leanne Wood (22% des suffrages) laisse la place à Adam Price (49.7 % des voix). Certains élus « mâles » trouvaient que Leanne Wood ne s’intéressait pas à l’essentiel, mais à des marchés de niche, tels que les droits des minorités. Adam Price vise les élections de 2021, espérant déloger le Labour, et forcer le passage vers l’indépendance qui selon lui sera favorisée par le Brexit.
Au-delà des postures, un deal est encore possible avec L’Union Européenne, les sommets d’octobre et novembre seront déterminants, mais il reste à savoir qui le soutiendra au Royaume-Uni.