[Brexit] Dernière ligne droite pour Theresa May

CELA NE FAISAIT GUERE DE DOUTE : l’annonce par Theresa May d’un accord sur les termes du BREXIT avec l’Union Européenne a mis le feu aux poudres. Le paysage politique britannique est entré en éruption. Ce mercredi 14 novembre au soir, la Première ministre peut se targuer du soutien du cabinet, mais les fuites montrent que le gouvernement est loin d’être uni. En revanche, elle n’a plus de majorité parlementaire et les appels à la démission viennent de son propre camp.

Pendant des mois, Theresa May a, elle même, martelé « pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord ». Or, les opposants sont unanimes pour voir dans le texte une mouture plutôt favorable à l’Union européenne et, donc, un accord peu favorable au Royaume-Uni. Le quotidien London Evening Standard, dirigé par l’ex chancelier de l’Echiquier George Osborne, titrait ce matin : « L’Union européenne reprend le contrôle », un pied de nez à la campagne des Brexiters qui entendaient que la Grande-Bretagne reprenne les rênes de son destin.

Le Democratic Unionist Party (DUP) d’Irlande du Nord a tiré les premières salves sur ce qui constitue à leurs yeux une « trahison du Royaume-Uni » par Theresa May. Les termes de l’accord ne leur conviennent en aucune façon, notamment car ils sanctuarisent le lien entre les six comtés de l’Ulster et l’Union européenne.

Le Scottish National Party et Nicola Sturgeon n’ont pas tardé non plus à déclarer qu’ils s’opposaient à l’accord, qui officialiserait la sortie de l’UE, de même que les nationalistes gallois du Plaid Cymru. Les Libéraux démocrates et les Greens ont rappelé leur opposition à ce projet et leur renouvelé leur exigence de voir mis en place un second référendum.

Le Labour party est opposé à l’accord mais les voix à sa tête sont dissonnantes, Jeremy Corbyn estime qu’il faut respecter le vote des électeurs et que, par conséquent, le Brexit est « inévitable ». Pour autant, le texte présenté par Theresa May s’avère à ses yeux inacceptable et mettrait en danger, selon lui, droits des salariés du Royaume Uni. Keir Starmer, shadow secretary en charge du Brexit, relève pour sa part que ce processus peut encore et doit être stoppé. D’autres parlementaires travaillistes, tels Chuka Ummuna, plutôt classé à la droite du Labour, ont réitéré leur demande d’un second référendum pour trancher une bonne fois pour toutes.

Si des élus Labour pouvaient douter et se poser la question de voter un accord si maigre, notamment à l’aile droite du parti, Tony Blair est intervenu lors d’une conférence de presse pour dénoncer la « capitulation » de Theresa May.

« Personne ne peut travestir la nature de l’accord que la Première ministre a accepté, si les informations sont vérifiées. Cet accord n’est pas un compromis, c’est une capitulation. L’accord de retrait nous maintiendrait liés à la politique commerciale de l’UE jusqu’à ce qu’un « consentement conjoint » soit formulé. En d’autres termes, l’UE a un droit de véto. »

Malgré ces quelques discordances dans le camp travailliste, Theresa May est parvenue à mettre tout le monde d’accord contre elle. Elle se trouve d’autant plus en difficulté qu’elle est ouvertement contestée par un nombre grandissant d’élus conservateurs. Ces derniers estiment que le projet est un « marché de dupes » au seul profit de l’Union Européenne, qui se permet d’interférer en Irlande du Nord sur l’intégrité du Royaume Uni.

Après une séance houleuse au Parlement ou les conservateurs ont affiché leurs divisions au grand jour, la Première Ministre a passé le reste de la journée à tenter de souder son cabinet. L’exercice devait être aisé, puisque les Brexiters y sont minoritaires. Avec près de trois heures de retard sur l’horaire annoncé, Theresa May s’est fendu d’une brève déclaration à la presse reconnaissant « débat passionné » entre les ministres. Elle a aussi annoncé que le gouvernement soutenait l’accord. Dans l’heure qui a suivi, les fuites ont permis de se rendre compte qu’un tiers des membres du cabinet doutent, quand ils ne s’y opposent pas, du bien fondé de l’accord.

Cette étape était pourtant la plus simple. Jeudi, à la Chambre des Communes, le heure le cabinet de Theresa May n’aura plus de majorité.

Sa majorité actuelle est très étroite face au Labour (257 parlementaires), aux Lib Dems (12), au SNP (35), à Plaid Cymru (4) et aux Greens (1) qui devraient voter contre son projet d’accord. Ajoutons à cela que les 10 MPs Nord Irlandais du DUP ; les 13 élus conservateurs écossais prenant prétexte de la question des quotas de pêche, les hard Brexiters regroupés autour du conservateur Jacob Rees Mogg (une bonne soixantaine) semblent bien déterminés à ne pas voter l’accord. Reste 200 élus tories pour soutenir le projet.

Faudrait-il encore que Theresa May puisse le défendre devant le parlement. Dès l’officialisation du « soutien » de son cabinet, la rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre dans les rangs conservateurs : il y aurait suffisamment d’élus pour exiger la tête de la Première Ministre. La perspective d’un « tory leadership » n’est vraiment pas à écarter. Il est bien loin le gouvernement « fort et stable » dont se vantait Theresa May.

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