UKIP : une conférence pour tenter de rebondir
Loin des caméras, UKIP a tenu sa conférence annuelle à Doncaster, du 24 au 26 septembre derniers, dans une ambiance morose. Le nombre de participants en baisse par rapport à l’année précédente a contraint le parti à casser les prix pour faire illusion et tenter de remplir la salle. Malgré ces soldes de dernière minute, UKIP n’a pu compter que sur 1,500 participants (2 à 3,000 annoncés dans les médias). Nigel Farage, le leader du parti eurosceptique et xénophobe, tente de faire bonne figure, mais c’est l’amertume qui prend le dessus.
Un an plus tôt, le parti , auréolé par son score record aux élections européennes (un peu plus de 27 % des voix), s’imaginait en haut de l’affiche. Médias et instituts de sondages mettaient en scène un raz de marée violet à venir. Jusqu’à estimer que UKIP pourrait entrer en force à Westminster avec 128 Membres du Parlement. Les 4 millions de suffrages obtenus lors des élections générales de mai 2015 laissent un goût amer à bon nombre de militants, le parti se retrouve avec un seul parlementaire. Douglas Carswell, élu de Clacton-On-Sea, en délicatesse avec sa direction et qualifié par un donateur du parti d’ « autiste », se voit par ailleurs soupçonné publiquement par Nigel Farage de « loyauté résiduelle » avec les tories (en raison de ses liens avec des MP conservateurs sur la sortie de l’Union Européenne).
La brève démission de Nigel Farage, après sa défaite électorale à South-Taneth, continue de laisser des traces. Outre l’exclusion, sans vraie suite, d’une parlementaire européenne, les départs se multiplient. South Taneth, seul conseil du Royaume-Uni où UKIP soit majoritaire, est le théâtre d’une crise parmi les conseillers eurosceptiques : 4 d’entre eux ont démissionné en raison de multiples désaccords. UKIP ne conserve plus la majorité que par un seul siège. A ce rythme, le seul succès local notable du parti va se retourner contre lui.
Nigel Farage, qui n’avait pas vu venir l’élection triomphale de Jeremy Corbyn, s’est aussi laissé allé, à la remorque de la presse conservatrice britannique, à des pronostics hasardeux. Selon lui, l’élection d’un « dinosaure gauchiste » allait provoquer des départs en masses d’adhérents du Labour Party cherchant asile auprès de UKIP. Cette dynamique devait, en chaîne, provoquer des victoires du camp eurosceptique dans les élections partielles. C’était certain « le communiste Corbyn » allait aider à booster UKIP. Une antienne martelée par les derniers militants de ce parti sur tous les réseaux sociaux. Mais les faits ne semblent décidément pas leur donner raison.
Le Labour est passé en quelques mois de moins de 200,000 adhérents à plus de 360,000 fin septembre. Par ailleurs, les scrutins passent et UKIP marque le pas, dépassé par les conservateurs. Le nombre d’adhérents est en baisse : le parti est passé de 45,000 a moins de 40,000, tandis que les sondages ont fait passer UKIP de 18 à 11 % d’intentions de vote. D’ailleurs cette année pas de défection en provenance des Tories à signaler et donc rien à mettre sur le devant de la scène lors de la conférence d’automne de UKIP. C’est même le contraire qui se produit localement. Un candidat UKIP de Grimsby a annoncé son ralliement au parti conservateur.
Référendum et des réfugiés comme planche de salut
Dans ce contexte, qui voit les médias oublier Nigel Farage au profit d’une couverture médiatique intensive – pour le meilleur et pour le pire – du Labour party, UKIP retourne aux fondamentaux. Nigel Farage veut se concentrer sur une tâche : « Mettre fin aux 42 ans de partage de la souveraineté britannique avec l’Europe ». Douglas Carswell, unique MP de UKIP, tente de rassurer. Il est toujours persuadé que le référendum peut booster le camp eurosceptique, tout comme le SNP a finalement bénéficié du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Nigel farage escompte bien prendre la tête de la campagne en faveur de la sortie de l’Union Européenne et agglomérer des groupes de tous bords, faute de quoi il risque l’isolement. C’est une course de vitesse avec le groupe eurosceptique du parti conservateur pour la sortie qui se joue pour prendre la tête de la campagne en faveur du Brexit.
Jouer avec la peur de l’invasion de réfugiés en provenance de Calais, c’est le second volet de la campagne que prévoit de mener UKIP. Elle se situe dans le cadre xénophobe de la rhétorique de Farage, qui n’a pas hésité à indiquer que « les réfugiés syriens pouvaient cacher des ressortissants de Daesh ». Dans la foulée de l’élection de Jeremy Corbyn, houspillé pour son refus de chanter le God Save The Queen, UKIP veut faire appel à la « fibre patriotique » du peuple britannique.
Les futures élections régionales sont en ligne de mire et UKIP espère faire son entrée dans les parlements d’Ecosse et du Pays de Galles. Une condition, plus de 20 ans après sa création, pour enfin démontrer qu’il a une assise nationale. Pour la mairie de Londres, UKIP ne pourra que s’améliorer selon sa direction: le parti n’avait récolté que 2 % des suffrages en 2012, loin des 44 % de Boris Johnson et des 40 de Ken Livingstone. Au-delà de ces considérations électorales, UKIP évite le sujet qui fâche, en se cantonnant à l’agenda. Il retarde la crise en ne mettant pas l’orientation – et encore moins le rôle du courant eurosceptique dans les années à venir – en débat.
Silvère Chabot
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Bonus vidéo : Trash Talk – The Hole