Contre les évidences, Tony Blair tente de défendre son bilan sur la guerre en Irak

Des remords mais aucun regret. Tony Blair, ancien premier ministre sévèrement mis en cause par le rapport de la commission Chilcot sur la guerre en Irak, continue à le dire : « Nous avons pris la bonne décision ». Quelques heures après la publication des conclusions de la commission d’enquête, Tony Blair a tenu une conférence de presse pour réaffirmer ce qu’il n’a de cesse de répéter depuis des années, notamment que « le monde sans Saddam Hussein est plus sûr » et qu’il n’y a pas de lien entre le terrorisme de Daesh et l’invasion de l’Irak en 2003. Cet entêtement ne va certainement pas grandir le personnage dont, selon les observateurs, la réputation est définitivement détruite par les 2,6 millions de mots que compte le rapport Chilcot.

L’ancien premier ministre est apparu fatigué, les yeux rouges, le visage pâle, la voix tremblante. Mais ce qui aurait pu être une confession assortie d’excuses sincères s’est, finalement, transformée en un exercice d’auto-défense. L’ancien enfant chéri du parti travailliste et de la Grande-Bretagne, vainqueur de trois élections générales, a tenté de réécrire un bilan que les sages de la commission présidée par Sir John Chilcot ont réduit en pièce, d’autant plus méthodiquement que les fonctionnaires qui la composent s’expriment dans un langage extrêmement précis et factuel.

Introduisant son propos, Tony Blair a décrit sa décision de se joindre à l’invasion préparée par les États-Unis comme étant « le choix le plus dur, le plus angoissant, le plus difficile » qu’il ait pris en dix ans de mandant comme Premier ministre britannique. Il a affirmé ressentir « profondément et sincèrement (…) la douleur et la souffrance de ceux qui ont perdu ceux qu’ils aimaient en Irak ».

« Il n’y a pas un jour où je ne revis et repense à ce qui est arrivé », a-t-il ajouté.

Tony Blair défend l'intervention en Irak devant la presseMais, lorsque les journalistes lui ont demandé si l’invasion de l’Irak était une erreur, Blair a refusé de reconnaître qu’il a pu se tromper. « Je crois que nous avons pris la bonne décision et le monde est meilleur et plus sûr », a-t-il déclaré. Il a fait valoir qu’il avait agi de bonne foi, sur la base des renseignements qui affirmaient que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive, même si cela s’est « avéré être faux », a précisé Tony Blair.

Il a ensuite pris un ton de défiance pour estimer que « le rapport Chilcot invalide les accusations selon lesquelles (il aurait) menti ». A l’opposé des conclusions de la commission d’enquête, il a affirmé que « s’il y a eu des erreurs, elles étaient mineure et concernaient la planification et le processus » avant de trancher : « Je ne peux pas accepter la critique selon laquelle des soldats britanniques sont morts en vain ».

Une sortie qui ne va sûrement pas le réconcilier avec les familles endeuillées par la perte de leurs proches au combat, entre mars 2003 et 2009, date du retrait des troupes britanniques d’Irak. Ken Bigley, frère d’un otage assassiné en Irak, a résumé l’état d’esprit :

« Tony Blair a du sang sur les mains ».

Tony Blair lors d'un office religieuxTony Blair, dont la foi chrétienne est bien connue outre-Manche, a tenté, jusqu’au bout de jouer la carte du devoir et de l’émotion. Selon le tabloid de centre-gauche The Mirror, « il y avait une sorte de ferveur religieuse » dans la conférence de presse de l’ancien premier ministre. « Je pense que, tant que je ne dirais pas que j’aurais voulu ne pas rejoindre la coalition avec les Etats-Unis, que j’aurais souhaité que nous n’en finissions pas avec Saddam Hussein, les gens ne croiront pas en mes remords ». Avant de conclure : « Mais je n’exprimerai pas ces regrets ».

Tony Blair n’a donc pas changé d’un iota sa vision des choses. Déjà, dans ses Mémoires, il a longuement écrit pour se justifier. Comme s’il n’avait finalement pour but que de défendre la trace qu’il laissera dans l’histoire. En 2003, Tony Blair est au fait de sa gloire. Ayant remporté deux élections générales consécutives, il a essoré trois leaders de l’opposition. Ses positions sur le Kosovo et la Sierra Leone en ont fait un chef de gouvernement donc la voix compte dans le monde. Il se sent investi d’une mission et habité par un sentiment d’infaillibilité. L’historien Sir Anthony Seldon, auteur de trois livres sur Tony Blair, résume :

« Je ne crois pas qu’il soit mauvais. Mais il est immensément entêté avec une arrogance qui confine à la vanité ».

Après deux heures de conference de presse, Tony Blair a finalement eu l’air abattu, comme s’il avait finalement compris que sa réputation, et son bilan, étaient détruits. Ses derniers mots ont été : « Bien, je pense que… (soupir) Je crois que ça suffit ». Quelques minutes plus tard, le leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, a présenté des excuses, au nom du Labour, pour « la pire des décisions prises en 60 ans ».

Nathanaël Uhl

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