Brexit : la bataille de l’article 50 a commencé

Brexit, suite et surtout pas fin. La Cour Suprême a statué le 25 janvier, concluant sur l’obligation du gouvernement de faire voter l’activation de l’article 50 (qui enclenche la procédure de sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne) par le Parlement. Sans perdre de temps, pour respecter l’agenda qu’elle s’est fixé, Theresa May a fait publier un projet de loi, qu’elle va soumettre au vote.

Le texte est succinct qui tiendrait sur un message twitter. Voici l’intégralité du projet :

« La loi confère au Premier Ministre le pouvoir de notifier, sous le régime de l’Article 50 du traité, l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’Union Européenne. Il sera proclamé par sa Majesté la Reine, avec les conseil et le consentement spirituel et temporel des Lords, et de la Chambre des Communes, dans le présent Parlement Assemblé, et par l’Autorité des mêmes, ce qui suit :

1. Pouvoir de notifier le retrait de l’Union Européenne
(1) Le Premier Ministre peut notifier, sous l’Article 50 du Traité sur l’Union Européenne, l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’UE.
(2) Cette section prend effet malgré la provision faite par ou sous l’Acte de la Communauté Européenne de 1972 ou tout autre acte.

2. Cette loi peut être citée comme la loi de 2017 sur l’Union Européenne (Notification de Retrait). »

Ce texte est volontairement réduit à sa plus simple expression pour limiter au maximum les débats qui auront lieu les 31 janvier et 1er février. Le gouvernement veut éviter une guerre de tranchées et une bataille d’amendements pour obtenir un vote rapidement et déclencher l’article 50 à la fin du mois de mars, comme prévu. David Davis, ministre chargé du Brexit, a affirmé avoir confiance dans le fait que le Parlement « va respecter la décision prise par le peuple Britannique et va faire passer cette Loi rapidement ».

L’opposition à l’article 50 s’organise.

Quasi assurée d’avoir sa majorité, Theresa May devra pourtant faire face à une opposition qui tente de s’organiser. Du côté des conservateurs, un tiers des membres du parlement sont connus pour ne pas être de chauds partisans de la sortie. Certains vont même plus loin, comme l’ancienne ministre Nicky Morgan. Cherchant à ouvrir le débat pour éviter un traitement expéditif, elle exige un plan détaillé du Brexit. Jusqu’à présent, la première ministre a toujours réussi à contourner cette demande formulée aussi par les travaillistes.

Unis et parlant d’une seule voix, les 56 élus écossais du SNP n’ont aucun états d’âme. Ils ont la ferme volonté de batailler. Une volonté qui a été renforcée par la décision de la Cour Suprême de priver les parlements Ecossais, Gallois et Nord-Irlandais de tout avis sur le Brexit. Le SNP a l’intention de déposer des amendements et promet une « lutte à mort contre le Brexit », alors qu’en Ecosse le maintien est largement majoritaire. Le parti nationaliste exige également un plan détaillé sur les conditions de sortie de la part du gouvernement. Les trois élus gallois du Plaid Cymru sont sur la même longueur d’onde.

Les libéraux démocrates, au nombre de 9, vont se joindre aux Ecossais pour mener la bataille, ainsi que la seule élue écologiste Caroline Lucas.  Les Lib-Dems veulent porter des amendements pour garantir l’accès au marché unique, des droits pour les résidents de l’Union Européenne au Royaume-Uni et un nouveau référendum.

Au Labour la situation est plus compliquée.

Côté travailliste, les luttes de pouvoir brouillent, une fois de plus, les messages. Jeremy Corbyn voudrait imposer une discipline de vote et faire passer l’article 50, afin de respecter les suffrages exprimés au mois de juin 2016. Mais quand on s’est soi-même opposé 537 fois à la discipline de vote de son parti au Parlement ce n’est pas si simple. Le frontbench travailliste s’est peu concerté avec les autres partis et devrait présenter peu d’amendements. Sur les bancs du du fond, nombre de Membres du Parlement, connus pour être favorables au maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, ont fait savoir qu’ils ne veulent pas « tenir la main du Diable pour traverser le pont » et refusent de voter le projet de loi.

Tulip Siddiq, membre du parlement pour Hampstead et Kilburn, a démissionné du shadow cabinet. Elue dans une constituency de Londres, ville majoritairement favorable au maintien, elle refuse de « trahir ses électeurs  » et veut des assurances sur l’accès au marché unique, sur les relations douanières avec l’union, la protection des droits des travailleurs et de l’environnement et sur les droits des résidents européens de pouvoir rester au Royaume-Uni. En conséquence de quoi, elle a rejeté la discipline de vote qu’entend imposer le leader de son parti.

D’autres membres du cabinet fantôme menacent de claquer la porte si Jeremy Corbyn campe sur sa position. Au premier rang desquels son allié Clive Lewis, qui a rejeté publiquement ce choix. D’autres membres du parlement considérés comme proches du leader, comme Jo Stevens, Cat Smith, Dawn Butler et Catherine West ont d’ores et déjà indiqué qu’ils souhaitent voter contre l’article 50.

Jeremy Corbyn a tenté de jouer l’apaisement sans pour autant faire de geste envers ses détracteurs. « Je comprends que nos élus soient sous pression (…) C’est une décision claire que nous voulons, tous nos Membres du Parlement doivent voter l’Article 50 lorsqu’il sera soumis au vote la semaine prochaine ». Pas convaincus, les partisans du maintien veulent une liberté de vote. Une soixantaine d’élus se disent prêts à voter contre l’article 50 parmi les 231 du groupe. Combien vont défier Corbyn et la clause dite du « Three-line whip » ? Combien sont prêts à risquer l’exclusion du parti ? C’est en effet la conséquence directe du manquement au « three line whip », qui se présente comme une consigne de vote soulignée trois fois.

Silvère Chabot

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