Brexit : le sommet européen a donné son feu vert ; et maintenant quoi pour May ?

Au niveau extérieur, les choses n’ont jamais été aussi claires ni aussi simples pour Theresa May. Au niveau intérieur, la situation est exactement inverse pour la première ministre britannique. Il aura suffi que 11 parlementaires conservateurs se rebellent pour que le Royaume-Uni réalise que son gouvernement n’a ni plan A ni plan B. Alors qu’une séquence aussi cruciale, en interne, que serrée s’ouvre, la locataire du 10 Downing Street doit, enfin, opérer un choix entre hard et soft Brexit. Le pragmatisme cher aux Britanniques devrait la guider vers la seconde option. Mais les résistances sont fortes.

Après que le sommet européen des 14 et 15 décembre a donné son feu vert à l’ouverture de la phase deux des négociations, l’équipe resserrée qui supervise le brexit au sein du gouvernement se réunit, ce 18 décembre au matin. Dans la foulée, Theresa May devrait prononcer une déclaration solennelle alors que la Chambre des Communes poursuit l’examen du projet de loi sur la sortie. Elle devrait profiter de ce discours pour faire un état des lieux qui ne froisse personne alors que le cabinet doit décider, mardi 19, de son option préférentielle pour la deuxième partie des négociations, celle qui décidera de l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Il faudra la jouer fine. L’Union européenne a fixé un cadre ferme, qui lui a plutôt réussi jusqu’à présent. Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE, a rappelé qu’il n’y aura « pas de sortie à la carte » pour le Royaume-Uni.

Or, le cabinet est aussi divisé que ne l’est le parti conservateur sur ce sujet. Cramponné à son Foreign Office, Boris Johnson défend un Brexit dur. Dimanche, il s’est encore signalé en refusant que le Royaume-Uni soit contrainte de mettre en oeuvre les règles de Bruxelles jusqu’à ce que le Brexit soit effectif.

« La Grande-Bretagne ne doit pas devenir un état vassal de l’Union européenne », a martelé le chef de la diplomatie britannique.

Cette ligne dispose du soutien du Secrétaire d’Etat en charge du dossier David Davis, même si sa position est désormais fragilisée par ses revirement à propos des études d’impact sur la sortie… Michael Gove, secrétaire d’Etat à l’Environnement et aux affaires rurales, est également connu pour son refus de tout compromis. Selon les syndicats, il devrait proposer, mardi, de sortir de la directive européenne sur le temps de travail, qui fixe à 48 heures hebdomadaires la durée maximale de travail.

Autre farouche défenseur du Brexit, le Secrétaire d’Etat en charge du commerce international, Liam Fox, a récemment brouillé les cartes. Il a préfacé un recueil d’essais relatif à l’économiste Ricardo, dont l’un des chapitres soutient la thèse selon laquelle l’absence d’accord avec l’Union européenne déboucherait sur une chute de 43% des exportations britanniques vers l’UE. De quoi surprendre quand, il y a quelques petits mois encore, Liam Fox défendait une sortie sans compromis.

Le camp des remainers, favorables au maintien dans l’Union, s’set aggloméré autour de la figure centrale du chancelier de l’Echiquier Philip Hammond. Il compte Amber Rudd, qui a succédé à Theresa May à l’Intérieur, et le secrétaire d’Etat aux affaires économiques Greg Clarck, entre autres. Cette sensibilité se trouve renforcée à l’issue de la crise qui a secoué les tories jeudi 14 décembre. Même si le vote qui a scellé la défaite du gouvernement ne porte que sur des aspects de procédure : la place du parlement dans la décision finale sur la sortie, on peut y lire le refus majoritaire d’une hard Brexit à la Chambre des Communes.

Ceux que le quotidien conservateur The Telegraph a qualifié de « mutins » ont prolongé leur avantage en proposant à la première ministre de choisir une approche transpartisane autour d’un Brexit soft, articulé autour du maintien dans l’union douanière et le marché unique. Les divisions bien réelles qui existent au sein du parti travailliste constituent, selon eux, une opportunité pour avancer dans cette direction.

En effet, le shadow cabinet mené par Jeremy Corbyn n’a toujours pas acté de position définitive sur sa vision du Brexit. Le seul point clé sur lequel tout le monde s’accorde demeure que la sortie ne doit pas fragiliser les droits des travailleurs. Dimanche 17, les téléspectateurs ont eu un aperçu de l’imbroglio qui règne au sein du Labour. Alliée de Corbyn et Shadow Home Secretary, Diane Abbott a réfuté toute idée de second référendum sur le Brexit alors que le Deputy Leader, Tom Watson, a clairement affirmé : « on ne peut écarter aucune option« , maintenant ainsi la possibilité d’une nouvelle consultation des Britanniques.

Un des porte-paroles du groupe transpartisan Open Britain, qui se bat contre un hard Brexit, le travailliste Chuka Ummuna défend le maintien dans le marché unique. De son côté, le Shadow Brexit Secretary Keir Starmer se fait plus évasif et évoque le soutien du Labour à « une circulation facilitée pour les travailleurs européens » après le Brexit.

Mais les travaillistes pourraient finir par accorder leurs violons, pour des raisons très pragmatiques. Les élections locales auront lieu en mai 2018. Si elles devaient se traduire par un désastre électoral pour les conservateurs, Theresa May pourrait, enfin, perdre son poste. Corbyn et ses proches continuent de défendre l’idée que le gouvernement va « imploser » en raison de ses divisions irréconciliables et que, par voie de conséquence, des élections générales seront nécessaires. Si le leader de l’opposition parvient à faire partager cette approche, alors le shadow cabinet pourrait élaborer une position de compromis sur son approche du Brexit.

C’est bien pourquoi les rebelles tory pressent Theresa May d’agir. S’engager dans un compromis « à la norvégienne » (avec maintien dans l’union douanière et le marché unique) permettrait de rebattre les cartes. Une minorité de membres travaillistes du parlement pourrait en effet se laisser séduire et les Lib-Dems seraient obligés de suivre. Cette majorité d’union nationale reste suspendue à la volonté de la première ministre et à son courage politique. Autant dire que le Brexit est assuré d’être le feuilleton offrant le plus de rebondissements pour quelques mois encore.

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