Elections locales : les conservateurs remportent le morceau haut la main
Résultat inédit pour une confrontation à la nature inédite. Les élections locales qui ont eu lieu jeudi 4 mai ont pris l’air du premier tour d’une élection quasi présidentielle. En effet, les scrutins dans les villes et les comtés précèdent de tout juste un mois les élections générales. Les élections du 8 juin n’ont pas d’utilité politique : Theresa May dispose d’une majorité absolue à la Chambre des Communes et le labour s’avère incapable de modifier l’orientation que la Première ministre a donnée au Brexit. Theresa May fait donc de l’élection anticipée à venir un plébiscite sur sa personne. Et à voir comment le parti travailliste a mordu la poussière jeudi 4 mai, elle devrait remporter la confrontation à venir haut la main.
Parmi les premiers éléments, sur des résultats encore partiels à l’heure où ces lignes sont écrites, les tendances apparaissent irréversibles. Les projections nationales donnent :
- Conservateurs : 38% (+3)
- Travaillistes : 27% (-2)
- Libéraux-Démocrates : 18% (+7)
- UKIP : 5% (-8)
Au total, 4,851 sièges étaient en jeu dans 88 councils – les 32 que compte l’Ecosse, 22 au Pays-de-Galles ainsi que 34 country councils et autorités locales en Angleterre.
Les tories remplacent UKIP
Les tories opèrent le grand remplacement de UKIP. Le parti europhobe s’effondre. Il perd une centaine de conseillers locaux et des milliers de suffrages dont la plupart se retrouvent chez les conservateurs. Dans le Lincolnshire, ce transfert de voix s’opère à quelques dixièmes près : UKIP perd 16.8 points et les conservateurs en gagnent 17.4… Le parti dirigé par Paul Nuttall peut se consoler en raflant un siège au Labour dans ce qui fut un fief rouge du Lancashire (Padiham et Burnley West).
Commentant les pertes de son parti, Paul Nuttall a eu ces mots surprenants :
« Nous sommes victimes de notre propre succès (le Brexit – NDLR) mais un futur radieux nous attend ».
De son côté, confirmant ce qui était attendu depuis les précédentes élections locales, le parti conservateur remporte le scrutin. Sa progression pourrait frôler les 500 sièges et plus d’une dizaine de conseils, parmi lesquels ceux des comtés de Northumberland, Lincolnshire, Gloucestershire et Warwickshire. C’est une performance remarquable pour un parti au pouvoir depuis sept ans. Il prend le contrôle de l’île de Wight, connue pour son festival de rock. Mais c’est surtout la percée des tories en Ecosse qui peut inquiéter le Labour cinq semaines avant les élections générales.
Ainsi, dans les Borders, la partie sud de l’Ecosse, les tories, qui ont endossé la tunique des unionistes en refusant l’indépendance mais aussi tout changement de statut de la région, progresse de près de 19 points. Dans le bastion ouvrier d’Aberdeen, les conservateurs prennent huit sièges quand les travaillistes en perdent… huit. Résultat, c’est le SNP qui sort vainqueur dans le grand port écossais en raflant quatre sièges supplémentaires. Signe que les temps changent au-delà du mur d’Hadrien, à Perth & Kinross, les tories progressent de sept sièges pour atteindre les 17 et passer devant un SNP qui, avec 15 élus, marque un recul de trois sièges.
Dumfries & Galloway composition:
CON: 16 (+2)
LAB: 11 (-4)
SNP: 11: (+1)
LDEM: 1 (-)
OTH: 4 (-3)Chgs. w/ 2012
Boundary changes.— Britain Elects (@britainelects) 5 mai 2017
Dans les villes et comtés où le vote conservateur progresse, il faut noter une participation plus élevée qu’à l’accoutumée, signe d’une mobilisation autant que d’une recomposition de l’électorat de droite. Cette évolution a provoqué l’inquiétude de Sir Alex Salmond, l’ex leader du Scottish National party (SNP) :
« Donc, le parti conservateur a réussi à battre UKIP, à assimiler son électorat mais ils l’ont fait en devenant UKIP (…) Le discours extrémiste de Theresa May aurait pu être tenu par Nigel Farage. »
Labour, le grand effondrement
En revanche, les électeurs travaillistes sont restés chez eux. Le Labour peut avoir l’impression de respirer : ses bastions de Liverpool, Manchester et du Pays-de-Galles sont saufs. A Port-Talbot, haut lieu de la sidérurgie britannique et galloise, il n’y a pas un seul élu bleu. Mais ce répit a tous les airs d’un trompe-l’oeil. Dans son fief de Cardiff, le premier ministre du Pays-de-Galles Carwyn Jones ne fait que résister à la progression de Plaid Cymru pendant que les sièges UKIP basculent aux conservateurs. A noter que les nationalistes gallois, estampillés à gauche, gagnent 33 sièges.
Mais dans le fond, la perte de Glasgow après 40 ans de majorité absolue est le vrai symbole de ce scrutin. Elle met en lumière des pertes qui devraient dépasser 300 élus et une dizaine de conseils. Le parti travailliste apparaît comme cantonné à ses bastions urbains et industriels : Londres, le nord de l’Angleterre et le Pays-de-Galles. Dans le Derbyshire County council, le Labour perd 19 sièges et les conservateurs en gagnent 19… Dans la Tees Valley, qui, en 2015, donnait 43 élus au Labour pour 30 aux tories, c’est la débâcle. Les travaillistes perdent tout dans un bastion considéré comme imperdable, dont le premier mayor est le conservateur Ben Houchen.
Le parti à la rose pourra se consoler avec un score honorable dans les nouvelles autorités créées par la nouvelle vague de devolution. Ses candidats sont élus au mayoral de Liverpool City Region, Greater Manchester et Doncaster, par exemple. Mais la faible participation plombe d’emblée le poids de ces nouveaux élus qui disposent pourtant de pouvoirs bien réels.
De fait, le parti travailliste est en piste pour une sérieuse défaite aux élections générales de juin. Et l’avenir de Jeremy Corbyn apparaît bien sombre. Le leader du Labour a beau dire qu’il n’est pas obligé de passer la main en cas de défaite, la réalité est bien là : il ne parvient pas à mobiliser au-delà des militants de gauche. Ce qui saute aux yeux donc, c’est qu’il coupe le parti travailliste de son électorat.
A l’issue de ces résultats, Theresa May ne devrait pas courir le moindre risque en juin prochain. Elle disposera donc de la légitimité populaire qu’il lui manque. Elle ne doit son poste de premier ministre qu’au vote des membres conservateurs du parlement, après la démission de David Cameron. Le 8 juin au soir, alors que les conservateurs sont astreints à faire une campagne centrée sur sa personne, Theresa May devrait donc avoir tous les pouvoirs et toute légitimité.