Renew rêve de mettre « En marche » le centre europhile pour « renverser » le Brexit

UNE NOUVELLE FOIS, LE CENTRE REVE DE SE METTRE EN MARCHE. Lundi 19 février, le parti Renew a été formellement présenté à la presse. Revendiquant de s’inspirer de l’expérience du parti politique français La République en marche, ce nouveau venu ambitionne de « renverser » le Brexit et d’occuper l’espace entre les Conservateurs et le Labour. C’est une concurrence directe pour le parti libéral-démocrate, positionné au centre-droit de l’échiquier politique britannique et, lui aussi, profondément europhile.

Renew a été fondé en 2017 par un ancien financier, Chris Coghlan. Il s’est présenté en indépendant dans la constituency de Battersea, lors des élections générales de juin 2017. Il est arrivé en quatrième position. A l’image d’En marche, la nouvelle formation entend faire la part belle à la société civile. Le CV de ses dirigeants se veut exemplaire de cette démarche : outre Chris Coghlan, on y retrouve un ancien journaliste et un consultant. Renew affirme pouvoir présenter, déjà, des candidats dans 300 constituencies et espère disposer des 650 à la prochaine élections générales.

Les militants du jeune parti ont arpenté les rues en février, avec un questionnaire. Au porte-à-porte, ils sont allés mener une véritable étude de marché qui les a amenés à considérer que « l’appétit est immense pour une nouvelle formation politique ». Se présentant comme une forme « plus militaire » de la campagne en faveur du maintien dans l’Union européenne, Renew ne cache pas son ambition de « renverser » le Brexit. Selon Sandra Khadhouri, une des figures du parti, le vote de 2016 ne « portait pas » sur l’Europe :

« Nous pensons que le résultat de juin 2016 parle des injustices, de la fracture entre les riches et les pauvres, de la colère contre les politiciens, le gouvernement, Londres, Cameron… »

La formation compte sur un retournement de l’opinion à mesure que le gouvernement de Theresa May semble dessiner un Brexit dur. Les derniers sondages mettent en tête la demande d’un second référendum sur la sortie de l’Union européenne. En tendance, si une nouvelle consultation devait avoir lieu, les intentions de vote en faveur du maintien devancent de deux petits points celles qui confirmeraient la sortie. Sera-ce suffisant pour bouleverser le vieux bipartisme qui structure la vie politique britannique depuis près de quatre siècles ?

Clairement, le Brexit divise profondément les deux grands que sont le parti conservateur et le parti travailliste. Régulièrement, des rumeurs de départs et autres scissions alimentent les colonnes des quotidiens britanniques. Récemment, Anna Soubry, membre conservatrice du parlement europhile, a fait savoir qu’elle ne saurait rester dans un parti qui serait dirigé par Jacob Rees-Mogg, partisan d’un Brexit dur et favori de l’aile la plus à droite des tories. Au Labour, devant le poids grandissant de l’aile gauche dans le parti, depuis l’arrivée de Corbyn à sa tête, une minorité de l’aile droite europhile pourrait aussi être tentée par le départ.

Mais chacun, chez les travaillistes, garde en tête l’expérience du Social Democratic Party. Ce parti a été créé par quatre « modérés » (l’aile droite) du Labour : Roy Jenkins, David Owen, Bill Rodgers et Shirley Williams à la suite du congrès de 1981. Ce dernier, remporté par l’aile gauche, a adopté une politique de désarmement nucléaire et de retrait de la Communauté économique européenne. Les fondateurs du SDP pensaient que le Parti travailliste était trop à gauche et divergent par rapport à l’opinion des parlementaires et des électeurs. En 1988, constatant leur échec, ils ont fusionné avec le vieux parti libéral pour fonder les Lib-Dems, qui se sont ensuite alliés aux conservateurs.

La scission qui a connu le plus de « succès » a marqué le camp conservateur. Après sa fondation en 1993, le parti europhobe UKIP attire de nombreux membres de la sensibilité anti-européenne tory. Après une percée aux élections européennes de 2004 (16.6% des voix) – 11 ans après sa création -, UKIP ne parviendra jamais à s’installer à la chambre des communes. Les deux seuls membres du parlement qu’il ait eu, Douglas Carswell et Mark Reckless, siégeaient déjà sous l’étiquette conservatrice avant d’être réélus sous les couleurs de UKIP. Depuis le Brexit, le parti ne parvient pas à sortir de la crise.

Il serait aussi possible d’évoquer la scission « de gauche » qu’a connu le Labour quand Tony Blair était premier ministre. Après l’intervention en Irak, le membre travailliste du parlement George Galloway, surfant sur l’opposition à la guerre, a créé le parti Respect. Il a cessé ses activités depuis l’arrivée de Jeremy Corbyn à la tête du Labour.

Les exemples du SDP et de UKIP ont un point en commun : les partis dont ils sont issus ont perdu les élections qui se sont succédé sur une période de plus de dix ans. Le système électoral britannique, « first past the post », en est une des raisons majeures. Ce système qui prévaut pour les élections au parlement est uninominal à la majorité relative à un tour. Il suffit d’une voix d’avance pour être élu.

Dans une société profondément marquée par la bipolarisation de la vie politique, ce mode de scrutin est une arme redoutable contre les « petits partis », puisqu’il favorise le vote tactique. Les électeurs vont se prononcer, sinon en faveur de leurs propres idées, en faveur du candidat le mieux placé pour faire battre celui ou celle qui incarne leur « adversaire ».

Certes, Renew ne procède pas d’une scission d’un parti existant. Et son ambition de renouveler la politique britannique peut rencontrer des échos au sein de la population. Mais faudrait-il, pour cela, que le Brexit constitue – toujours – la question centrale pour l’électorat britannique. Or, une analyse des résultats des élections générales de juin 2017 laisse penser que le pays pourrait avoir tourné la page.

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