Labour : Momentum s’attaque aux « élites » syndicales pour transformer le parti travailliste en mouvement

MOMENTUM S’ATTAQUE AUX SYNDICATS. A l’occasion de la désignation du nouveau secrétaire général du parti travailliste, le groupe Momentum, la garde rouge corbynite, présente son chef, Jon Lansman, face à la candidate du syndicat Unite, Jennie Formby. Cet affrontement entre les deux principaux groupes qui soutiennent Jeremy Corbyn traduit l’intensité des débats qui traversent le Labour party. Les déclarations acides, en provenance des deux camps, ne doivent pas faire oublier que c’est la conception même du Labour qui est en jeu autour du remplacement de Iain McNicol.

Jennie Formby, ancienne directrice politique de Unite, le plus important syndicat du Royaume-Uni et soutien de la première heure de Jeremy Corbyn, a présenté sa candidature sous les auspices du leader du parti travailliste. Elle entend aider le Labour à « saisir l’opportunité historique » d’installer Corbyn au 10 Downing Street. Alors que le parti est encore confronté à des problèmes d’antisémitisme, elle a confirmé qu’elle n’éluderait pas la réalité :

« Je défends un parti ouvert et accueillant, où l’antisémitisme, le racisme et la misogynie n’ont pas leur place. »

De son côté, Jon Lansman, dopé par les bons résultats des candidats soutenus par Momentum lors des élections au National Executive Committee (NEC – organe de direction et de régulation du Labour), a aussi revendiqué se placer dans la lignée de Corbyn. Il a rappelé que le membre du parlement pour Islington-North avait été élu leader pour « en finir avec la vieille machine politique », un moyen de tacler le poids du Parliamentary Labour party (PLP – le groupe parlementaire) dans les prises de décisions, mais aussi, dans la bouche de Lansman, des syndicats.

Il est revenu à une fidèle de la première heure du leader travailliste et une des dirigeantes nationales de Momentum de décrypter la phrase de Jon Lansman. Membre du NEC, Christine Shawcroft a lancé, sur sa page facebook, une véritable déclaration de guerre aux syndicats :

« Rien ne peut m’amener à soutenir le candidat d’un grand syndicat. Ils trompent toujours la base à la fin. Il est temps de penser à désaffilier les syndicats du parti, le Labour ne doit appartenir qu’à ses membres, nous. »

La sortie de Christine Shawcroft a poussé Jon Lansman à se distancier de sa camarade. Rompre le lien entre le Labour et les syndicats est une revendication de la droite travaillste qui avait été reprise, en son temps, par Liz Kendall, candidate soutenue par Progress lors du leadership 2015.

Mais Christine Shawcroft dit tout haut ce qu’une partie de la base de Momentum pense. Les syndicats dominent clairement le parti dans tout le pays. Lors des désignations des candidats en vue des élections générales, ils ont souvent affronté, avec succès, les représentants de Momentum dans les Constituency Labour parties (CLP – les organisations travaillistes de base). Momentum ne l’a remporté que dans 7 des 29 désignations qui ont eu lieu au 28 janvier 2018.

Les organisations syndicales sont aussi les principaux bailleurs de fonds du Labour. Il n’y a là rien que de logique puisque le parti travailliste a été créé par les syndicats au début du 20e siècle pour se donner une représentation politique au sein du parlement britannique. Depuis le retour à la maison de la Fire Brigades Union (FBU, organisation des pompiers, marquée à gauche), ce sont douze syndicats qui sont affiliés au Labour. Au sein du Labour, ils désignent la moitié des délégués au congrès du parti et disposent, de droit, de treize sièges sur 42 au sein du NEC.

Même si les considérations de pouvoir au sein du parti ne sont pas à écarter, les dirigeants de Momentum entendent, sincèrement, amplifier la « démocratisation » du Labour en rendant l’organisation à sa base. En cela, ils peuvent se prévaloir d’une fidélité aux engagements de Jeremy Corbyn. Ils peuvent aussi rappeler que les syndicalistes sont au coeur de la machine politique travailliste, faisant, de fait, partie de l’establishement contre lequel s’est élevé le vétéran socialiste. Le Labour repose en effet sur un savant équilibre des pouvoirs entre les syndicats affiliés et le PLP, les uns contrebalançant les autres. Mais, effectivement, sans le soutien des organisations syndicales, Tony Blair n’aurait jamais été élu leader.

De même, sans la machine syndicale, notamment celle de Unite, et sans les votes des membres affiliés, il est aussi sûr que Jeremy Corbyn n’aurait jamais remporté les leaderships de 2015 et 2016. Le leader travailliste se garde bien de prendre position entre les deux groupes qui le soutiennent. Mais ses proches, eux, n’ont pas besoin de prendre autant de précautions.

Ainsi, la chef de cabinet de Corbyn, Karie Murphy, a tenté de dissuader Jon Lansman de se présenter au poste de secrétaire général. Constatant l’échec de la manoeuvre, c’est John McDonnell, le bras droit du leader travailliste, qui est sorti du bois. Il l’a fait à sa manière, sans aucune nuances :

« Je suis ravi que Jennie Formby se présente pour être secrétaire générale du parti. C’est une organisatrice fabuleuse et une combattante pour la justice avec laquelle nous militons depuis des années. Elle a le talent pour mettre en oeuvre la vision de Jeremy (Corbyn) d’un parti dirigé par ses adhérents et qui l’emmène au 10 Downing Street. »

Il y a donc peu de chances que Jon Lansman puisse accéder au poste stratégique de secrétaire-général du Labour. Mais le conflit entre les deux visions du Labour n’est pas prêt de s’arrêter. Momentum voudra amplifier sa transformation en un mouvement plus « horizontal » et en finir avec « les élites ». Les syndicats, eux, continueront à défendre qu’avec leur 7.5 millions de membres représentant 26% de la population active, ils sont largement plus représentatifs de la classe ouvrière britannique qu’un groupe qui compte autour de 50,000 membres. Ce qui est sûr c’est que cette guerre est aussi alimentée par le fait que la droite travailliste a décidé, pour le moment, de ne pas prendre part aux débats.

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