Junior doctors : le gouvernement choisit l’escalade

 

C’est la première, ce ne devrait certainement pas être la dernière. Ce lundi 25 avril, Ben White, un junior doctor, médecin en cours de formation, a annoncé sa démission en direct lors de l’émission Good Morning Britain sur la chaîne ITV. C’est une nouvelle étape qui vient d’être franchie dans le conflit initié par le gouvernement avec les Junior doctors, autour de la mise en œuvre d’un nouveau contrat. Le Secrétaire d’Etat à la santé, Jeremy Hunt, souhaite étendre les horaires de travail de cette catégorie de praticiens de santé et réduire les plages considérées comme « heures supplémentaires », dont le week-end. La British Medical Association (BMA – syndicat des médecins) appelle à un quatrième mouvement de grève, mardi et mercredi. Y compris dans les services d’urgence.

Le projet que Hunt souhaite faire passer va générer un rallongement de l’amplitude de travail sans hausse de salaire, l’abandon de l’augmentation systématique des salaires chaque année et la réduction des périodes considérées comme heures supplémentaires. Les Junior doctors refusent net ces propositions car elles mettraient en danger la santé des patients autant qu’elles aggraveraient leurs conditions de travail.

Mobilisation des Junior doctors à Londres

Mobilisation des Junior doctors à Londres

Ben White a profité de son passage sur ITV pour expliquer que sa démission lui permettrait de se concentrer sur la lutte pour obtenir le retrait du projet de contrat. Pas sûr que Jeremy Hunt l’entende. Le secrétaire d’Etat à la santé campe, avec le soutien de David Cameron, sur une ligne dure. Alors que les négociations sont rompues depuis le mois de février, malgré une tentative de médiation, il envisage de passer en force en imposant le contrat qui régirait les règles d’embauche des junior doctors par le National Health Service (NHS – service national de santé, extrêmement populaire outre-Manche). Cette décision fait l’objet d’une action en justice de la part de cinq Junior doctors.

En évoquant l’imposition du nouveau contrat, Hunt agite le chiffon rouge. Et braque environ 45,000 jeunes praticiens en Angleterre et au Pays-de-Galles, alors que le NHS manque cruellement de médecins. Outre le mot d’ordre de grève totale, la BMA a rétorqué en appelant ses membres à démissionner en masse. Ben White est le premier à suivre la consigne. Les échos venant du terrain laissent à penser qu’il pourrait bien être suivi. Surtout si la grève qui commence mardi 26 avril ne fait pas bouger le gouvernement. Les premiers pointages annoncent une participation massive à l’arrêt de travail avec des piquets de grève devant les principaux hôpitaux du NHS. Le mot d’ordre de grève a été voté par 98 % des adhérents du syndicat.

Le secrétaire d'Etat à la santé joue au pompier pyromane

Le secrétaire d’Etat à la santé joue au pompier pyromane

Alors que le soutien aux Junior doctors ne se dément pas dans l’opinion, avec près de 70% d’opinion favorable à leurs revendications, Jeremy Hunt joue l’escalade. A croire qu’il s’imagine être à ces médecins ce que Thatcher a été aux mineurs. Le secrétaire d’Etat à la santé a retoqué une proposition de compromis élaborée par le parti travailliste avec le soutien de membres du parlement Lib-Dem et du SNP. Ce plan de la dernière chance visait à introduire le nouveau contrat à titre expérimental et d’en expertiser les résultats au travers d’une commission indépendante. Le groupe parlementaire trans-partisan avait obtenu l’engagement de la BMA à suspendre la grève si Hunt venait à se rallier au compromis. Il a choisi twitter pour signifier son refus de manière assez sèche.

« Le plan travailliste n’est que de l’opportunisme. Tout délai supplémentaire (pour imposer le contrat) aura seulement pour conséquence de retarder le moment où nous supprimerons l’effet weeke-end », a tranché Hunt.

C’est que la BMA est très solidement implantée au sein du personnel médical. Or, le gouvernement a besoin de préparer le terrain à la privatisation du NHS, un de ses projets de longue date. Battre la BMA sur la question des contrats pour les junior doctors constitue le meilleur moyen de liquider toute possibilité de résistance pour ce qui constitue le cœur de sa vision de la santé. Plus généralement, Cameron a besoin d’une victoire sur le terrain social. Depuis son retour à Downing Street, il accumule les défaites. Plusieurs de ses projets de loi ont été retoqués par la Chambre des Lords quand il n’a pas été contraint de les retirer avant même leur examen par le parlement.

JuniorDocProtester_3547350bDernier exemple en date, la secrétaire d’Etat à l’Education devrait effectuer un recul très net sur son projet de transformer les 18,600 écoles d’Angleterre gérées par les councils en academies, scellant la fin de l’éducation publique. Une rébellion menée par quelque quarante backbenchers conservateurs est à l’origine de cette volte-face qui devrait être confirmée dans les jours à venir. C’est dire l’enjeu extrêmement politique que constitue, pour les conservateurs, cette confrontation entre le gouvernement et la BMA à propos des contrats des junior doctors.

Mais rien ne garantit que Cameron et son ministre puissent en sortir victorieux. Il est possible que le docteur Ben White finisse par retrouver sa blouse et que ce soit Hunt qui finisse par démissionner.

Nathanaël Uhl

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Bonus vidéo : New Order – Blue Monday (Extended Edit)

 

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