Parti travailliste : Jeremy Corbyn isolé à l’occasion du vote sur l’article 50

Nul ne pourra dire que, cette fois, c’est la droite du parti travailliste qui a ouvert la crise. Le vote en troisième lecture du projet de « loi sur l’Union européenne (notification de retrait) » par la chambre des Communes a vu le Labour exploser en vol. En effet, mercredi 8 février, 52 membres du parlement ont défié la consigne de vote, parmi lesquels 14 membres du Shadow cabinet. Après près d’un semestre de calme relatif, cette fois, c’est Corbyn qui a allumé la mèche.

A l’ouverture des débats sur l’activation de l’article 50 du traité de Lisbonne, qui marque le début de la procédure de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, Jeremy Corbyn, leader du parti travailliste, a décidé d’une consigne de vote très stricte : tout le monde devait voter en faveur de l’article 50, pour « respecter la volonté du peuple ».

Un précédent vote sans enjeu avait permis de vérifier que Theresa May disposait d’une majorité pour faire voter un texte conforme à l’expression majoritaire des Britanniques en juin 2016. Et les débats précédents avaient montré que la première ministre n’allait pas accepter de modification à son texte.

Pourtant, Corbyn a annoncé la mise en œuvre du three-line whip, qui prévoit l’exclusion du parti en cas de non-respect de la consigne de vote, même si les amendements travaillistes étaient repoussés. La majorité conservatrice à la chambre des Communes a donc eu beau jeu de retoquer, un à un, tous les amendements présentés avec une régularité de métronome.

Alors que le vote final s’approchait, la partie de Westminster occupée par le Labour a fini par ressembler à une ruche sans reine. Et le premier coup de tonnerre de la soirée est tombé : fidèle allié de Jeremy Corbyn depuis 2015, Clive Lewis, en charge de l’économie, annonçait sa démission du shadow cabinet pour pouvoir voter contre l’article 50, « en respect des intérêts » de Norwich, ville dans laquelle il est élue et qui a voté majoritairement pour le maintien dans l’Union européenne.

Considéré comme un des successeurs potentiels de Jeremy Corbyn, Clive Lewis est le quatrième membre senior du shadow cabinet à démissionner en protestation contre une consigne de vote jugée trop sévère. A cela s’ajoutent les membres junior du cabinet fantôme, portant le total des rebelles au sein du frontbench travailliste à 14. Plus compliqué encore, trois des whips (parlementaires chargés de faire respecter la discipline de vote) se sont opposés au projet de loi gouvernemental lors du scrutin final.

Le camp Corbyn a donné des signaux contradictoires dès le vote entériné. Jeremy a commencé par estimer que la démission de Clive Lewis « n’est pas un désastre ». Quelques heures plus tard, son bras droit et patron historique de la gauche travailliste, John McDonnell, a jugé au contraire qu’il s’agit « d’une grande perte », tout en assurant que « (Clive) reviendra » au shadow cabinet. Tant Corbyn que McDonnell ont voulu minorer l’importance de la rébellion. En substance, ils disent comprendre que les élus aient voulu être fidèles au mandat que leur ont confié leurs constituents (les électeurs) mais qu’il s’agissait d’un scrutin national et donc qu’il fallait une consigne de vote.

Des explications qui n’ont convaincu personne, y compris parmi Left Unity, un groupe de gauche radicale qui s’était plutôt rapproché du Labour dans la foulée de la réélection de Corbyn. Le petit parti, animé par Ken Loach, reproche aux travaillistes d’avoir concédé un chèque en blanc à la ligne dure de Theresa May. Une accusation reprise par la première ministre écossaise, la nationaliste Nicola Sturgeon, ainsi que par les écologistes et les libéraux démocrates.

Après le vote, Corbyn a tenté de sortir du guêpier en minimisant l’enjeu du scrutin qui a donné une majorité de 372 voix à Theresa May. « Le vrai combat débute maintenant », a souhaité le leader travailliste dans un communiqué. Il s’est attiré les foudres de la responsable écossaise qui a cinglé :

« Vous avez donné un chèque en blanc aux Tories. Vous n’avez obtenu aucune concession et, pourtant, vous avez voté la loi. Pathétique »

Sur les réseaux sociaux, la phrase « le vrai combat commence maintenant » est rentrée dans les trending topics grâce à la multiplications des détournements parodiques, dont beaucoup viennent de militants travaillistes et pas, uniquement, de son aile droite.

C’est qu’une part notable des soutiens de Corbyn sont jeunes, libéraux et europhiles. L’attitude de leur leader sur les questions liées au Brexit semblent en désarçonner plus d’un. Selon des informations non vérifiées, en moins d’une semaine, 7.000 membres du Labour auraient rendu leur carte.

Pour Corbyn, la crise ne fait pourtant que commencer. Le 23 février, deux élections partielles vont avoir lieu dans des bastions travaillistes après que les membres du parlement élus aient démissionné. A Stoke-on-Trent, UKIP présente son nouveau leader, l’ultra europhobe Paul Nuttall. Un mauvais score du Labour pourrait avoir de graves conséquences pour le leader du parti, alors que les rumeurs annonçant son départ se sont multipliées depuis le début de la semaine.

2 comments

  • David Pavett

    I didn’t agree with Corbyn’s approach to the Government’s bill but is it not something of an exageration to describe his position as isolated by those who defied the whip. 47 Labour MPs defied the whip but 165 voted as required by the leader. That is clearly a serious problem but perhaps not quite « isolation ».

    • Hello David, you should have noticed, as the title says, that we wrote this piece previous to the vote. At this moment, Corbyn looked isolated. It only came later that senior MPs, including long time opponents to the leader suceh as Yvette Cooper, went to back his position.
      Anyway, thanks a lot for reading so precisely. In the end, you were right. Corbyn is still facing a serious problem with his PLP but he’s not that much alone. Now, all the question remains « how long can it last ? how long can he last ? »
      And you sure have noticed that we are not « anti Corbyn ». Living in France, working on the topic as journalists, it wouldn’t make any sense.
      Once again, thanks and we do hope to read you again soon.
      Kind regards,

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